ÉDUCATION ET INNOVATION

QUI EST ROBERT GAGNÉ ?

Économiste et professeur titulaire, il a été membre de la récente Commission de révision permanente des programmes, mise en place par Québec. Le député péquiste Jean-François Lisée l’a décrit comme l’un des économistes les plus opposés au modèle québécois. Chercheur polémiste, Robert Gagné « veut changer les choses et faire partie intégrante de ce changement », peut-on lire dans la revue HEC Montréal publiée en 2014. « Ses résultats suscitent souvent la controverse, ajoute-t-on. Et avec détermination, il martèle ses messages jusqu’à ce qu’ils soient entendus. »

ÉTUDE DE HEC MONTRÉAL

« Brûler »  des milliards en cinq étapes faciles

Ce sont des outils utiles pour stimuler l’innovation et la productivité. Pourtant, Robert Gagné s’exaspère quand il parle des programmes québécois d’aide aux entreprises.

« Je ne suis pas contre l’idée, mais il faut une vision cohérente ! lance le professeur d’économie de HEC Montréal. Peu importe les gouvernements, on fait du travail à la pièce où la main gauche ne sait jamais ce que fait la main droite. Et on continue en ajoutant des couches de crédits, de subventions et de prêts. »

La dernière étude du Centre sur la productivité et la prospérité, dont il est le directeur, montre que l’aide de 3,4 milliards offerte aux entreprises en 2013-2014 a essaimé dans quelque 50 différents crédits d’impôt, dans 84 programmes administrés par au moins 11 ministères et organismes, et dans 500 organismes financés, à leur tour, par l’entremise de 40 programmes administrés par 8 ministères.

Comment en est-on arrivé à « brûler autant d’argent  » ? s’est demandé le professeur Gagné.

Réponse simple à une question complexe, en cinq étapes faciles.

1. DÉPENSER TROP

Le Québec dépense beaucoup pour ses entreprises. En fait, pratiquement trois fois plus que le gouvernement de l’Ontario, selon l’étude. Et il concentre plus de 70 % de ses efforts en aide fiscale, une stratégie différente de celle des provinces et pays étudiés. « Ça prend un sérieux coup de barre pour réduire les crédits d’impôt donnés à tout vent et faire davantage de place à l’aide budgétaire, mieux ciblée », propose Robert Gagné.

2. MAL CIBLER LES PME

L’étude démontre qu’en 2011, 4 % des petites entreprises ont utilisé le crédit en R et D, par rapport à 16 % pour les grandes. Pour mieux cibler les PME, M. Gagné propose d’utiliser davantage l’aide budgétaire directe, en favorisant des programmes moins coûteux, comme les incubateurs d’entreprises, et en se concentrant sur les entreprises porteuses d’innovation.

3. ÊTRE INEFFICACE

Les objectifs visés par l’aide sont mal définis, constate l’étude. Souvent, le gouvernement cherche à protéger des emplois précaires ou à soutenir une seule entreprise. Le professeur Gagné suggère au gouvernement de mieux configurer l’aide qu’il alloue pour se concentrer sur les entreprises les plus dynamiques, au lieu de saupoudrer des dollars dans des mesures inefficaces.

4. NE PAS ÉVALUER LES PROJETS

« Il n’y a aucune analyse, aucune étude pour évaluer l’efficacité des mesures, dit le professeur. Zéro comme dans Ouellette ! » Quand on n’est pas riche, ajoute-t-il, il faut se concentrer sur les bons programmes et les rendre « imputables, transparents et mesurables ». Pour le moment, il est impossible d’isoler l’impact de l’aide sur les entreprises. Pour avoir une idée générale, il faut se tourner vers les grands indicateurs, comme la croissance de l’économie et le niveau d’emploi. « Et, malgré les montants importants d’aide consentis, les résultats ne sont pas au rendez-vous », souligne M. Gagné.

5. AUGMENTER LES IMPÔTS

Le taux d’imposition des sociétés au Québec est nettement plus élevé qu’ailleurs au Canada (de 1,8 à 4 fois plus). « On se distingue aussi par l’ampleur de la taxe sur la masse salariale, ajoute Robert Gagné. C’est un non-sens, car la seule façon de réduire cette taxe est de congédier des travailleurs, ce qui va à l’encontre de la politique de création d’emplois du gouvernement. » Le chercheur reconnaît qu’il est difficile d’abolir cette taxe, dans le contexte budgétaire actuel, car elle priverait Québec de 4 milliards. « Mais il faut se doter d’un plan de 3 à 5 ans pour la faire disparaître, précise-t-il. Et on pourrait commencer en allégeant progressivement le fardeau des PME. » D’ici là, il suggère une baisse du taux d’imposition pour la première tranche de 500 000 $ de revenu imposable de toutes les petites entreprises.

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