Commotions cérébrales au football

Une priorité collective pour la santé des jeunes

Il faut souhaiter que la crise que vit le milieu du football québécois, victime depuis quelques années d’une dégringolade du nombre d’inscriptions annuelles, soit enfin l’occasion d’une discussion franche, honnête et ouverte sur le problème des commotions cérébrales. 

L’argument financier pourrait bien être la clé puisque, c’est connu, ce sont bien souvent les intérêts financiers, loin devant les préoccupations de santé publique, qui permettent de faire avancer les débats de société. Alors que Football Québec s’affole devant sa baisse de revenus à un moment où l’organisation doit investir dans des programmes de formation des entraîneurs et du personnel médical, les autorités et les décideurs pourraient soudainement avoir envie de s’attaquer au problème.

La douleur, physique et émotionnelle, associée aux commotions cérébrales au football aura été vive pour ma famille.

Au printemps 2016, mon fils aîné, alors âgé de 11 ans, a été happé par un puissant coup de foudre pour le football. Attitré au rôle de porteur de ballon et receveur de passes, il a côtoyé des entraîneurs compétents et dévoués, et développé avec ses coéquipiers cette franche et sincère camaraderie unique au football.

Puis, lors du match de demi-finale du championnat de fin de saison, en octobre, il a été violemment frappé, casque contre casque, par un joueur de l’équipe adverse. Il s’est péniblement relevé en titubant, mais le diagnostic, évident devant ses maux de tête – étourdissements, pertes d’équilibre et vomissements –, est rapidement tombé. Absent de l’école pendant plusieurs jours, il a ressenti de nombreux malaises, incluant l’extrême fatigue, la lassitude et l’incapacité de soutenir une conversation anodine et de se concentrer sur des tâches simples et faciles.

Au cours de mon incursion de quelques mois dans l’univers du football, j’ai constaté la présence d’entraîneurs sérieux, sensibles aux commotions cérébrales et déterminés à enseigner aux jeunes des techniques de contact aussi sécuritaires que possible. J’ai aussi croisé des thérapeutes compétents, habilités à reconnaître les symptômes d’une commotion et à ne pas se laisser embobiner par un joueur banalisant ses symptômes afin de retourner au jeu.

Malheureusement, j’ai aussi vu plusieurs beaux principes enseignés lors des entraînements être oubliés sur les lignes de côté dès que les officiels sifflaient le début d’une partie. Le désir viscéral de gagner, la nature compétitive, voire animale, de ce sport occultent alors le jugement de tous, parents inclus. Ces pratiques douteuses, qu’on dit souhaiter éradiquer et qui compromettent la sécurité des joueurs, deviennent soudainement un passeport vers la victoire.

Cet aveuglement et ces écarts de jugement ne règnent d’ailleurs pas seulement sur les terrains de football, mais également dans bien des arénas et autres établissements sportifs, où plusieurs acteurs concernés, disant redouter les commotions, haussent néanmoins les épaules en plaidant que « ça fait partie des risques du jeu ».

C’est pourtant contre cette indifférence et ce sentiment d’impuissance que nous devons lutter afin que des changements de mentalité puissent s’opérer et que les commotions cérébrales soient véritablement prévenues.

Il faut par ailleurs reconnaître qu’aussi grands que soient certains espoirs parentaux, la plupart des jeunes sportifs ne gagneront pas leur vie en transportant un ballon, en frappant dessus ou en poussant une rondelle. Ils le feront en pratiquant un métier ou une profession qu’ils auront choisis. En mettant la santé de leur cerveau en péril, c’est leur avenir professionnel qui est potentiellement compromis.

Le président de Football Québec l’admet : la culture du football est longue à changer. Raison de plus pour s’engager, en cette Semaine québécoise du traumatisme craniocérébral, à faire de ce défi de taille une priorité collective pour la santé des prochaines générations de sportifs.

Il reste que c’est trop peu, trop tard pour mon fils. En avril dernier, il a remporté le trophée de recrue de l’année dans sa catégorie lors du gala de fin de saison. Il n’était pas présent pour cueillir son prix. S’il ne conserve heureusement aucune séquelle physique de sa commotion cérébrale, sa peine et sa déception devant notre décision parentale de mettre un terme à sa carrière de footballeur demeurent entières. Je nourris toutefois l’espoir qu’en vieillissant, il comprendra et pardonnera à sa maman d’avoir pris une décision difficile par amour pour lui.

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