SCIENCE  MALADIE DE LYME

LE DÉBAT EN TROIS POINTS

Un « bastion de l’antiscience » : voilà comment les infectiologues partisans des lignes directrices établies décrivent les groupes qui prônent des méthodes de diagnostic et de traitement « alternatives ». Pourtant, des doutes sur le protocole officiel existent. Le point sur les enjeux.

LE DIAGNOSTIC

Les médecins se basent beaucoup sur les symptômes pour établir leur diagnostic de la maladie de Lyme. Le hic, c’est que ces symptômes varient d’une personne à l’autre et peuvent ressembler à ceux d’autres maladies.

Certains symptômes sont aussi impossibles à mesurer. Des patients qui se plaignent de fatigue généralisée, de confusion et de douleurs musculaires disent par exemple ne pas être pris au sérieux lorsqu’ils se présentent chez le médecin. Les médecins se disent quant à eux confrontés à des patients si désespérés d’obtenir des réponses qu’ils veulent absolument obtenir un diagnostic de maladie de Lyme, même si la science ne pointe pas dans cette direction.

En cas de doute, des tests de sang sont demandés. Ces tests ne détectent pas directement la bactérie Borrelia burgdorferi dans le sang, mais plutôt les anticorps produits par le patient pour la combattre.

Actuellement, les laboratoires canadiens suivent les lignes directrices des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Celles-ci stipulent que deux tests différents doivent être positifs pour déclarer un patient atteint de la maladie de Lyme.

Aux États-Unis, certaines cliniques privées n’effectuent que l’un des deux tests pour établir leur diagnostic. D’autres font les deux, mais en interprètent les résultats de façon différente, ce qui conduit souvent à davantage de diagnostics.

Des études ont montré que ces laboratoires génèrent davantage de faux positifs (et déclarent donc des patients atteints de la maladie de Lyme alors qu’ils ne le sont pas) que les laboratoires qui suivent les critères du CDC. L’un des laboratoires américains testés a même généré 57 % de faux diagnostics.

En entrevue à La Presse, l’infectiologue québécois Alex Carignan est tombé à bras raccourcis sur ces laboratoires, affirmant qu’ils sont « dangereux » et « problématiques ». Lui et plusieurs de ses collègues ne jurent que par les critères des CDC.

Mais ce n’est tout le monde qui est d’accord. Le Lyme and Tick-Borne Diseases Research Center de l’Université Columbia rappelle que les critères des CDC ont été originalement établis afin de surveiller la progression de la maladie, et non pour soigner les patients. Le centre juge que ces critères sont trop stricts pour bien identifier la maladie à un stade avancé.

« Les médecins qui se fient aux critères étroits de surveillance du CDC pour un diagnostic clinique échoueront à diagnostiquer certains patients qui, dans les faits, ont la maladie de Lyme », écrit le centre sur son site web.

Selon le centre, les médecins qui choisissent de se fier à des tests moins stricts, loin de pratiquer de l’antiscience, font bel et bien leur travail. En traitant ensuite les patients avec des antibiotiques, ils pourront vérifier l’efficacité du traitement, ce qui les aidera à confirmer ou infirmer leur diagnostic.

« Ces médecins […] aideront plusieurs patients qui n’auraient pas reçu de traitement autrement », écrit le centre.

LES TRAITEMENTS

Un cocktail d’antibiotiques à prendre pour une période allant de 14 à 21 jours : voilà le traitement officiel recommandé contre la maladie de Lyme par l’Infectious Diseases Society of America. Selon les lignes directrices officielles, le traitement peut atteindre 28 jours pour les patients infectés depuis des mois ou des années.

Mais des groupes de patients et une minorité de médecins plaident que ces normes sont trop strictes pour soigner tous les patients. Ils disent qu’il faut continuer le traitement parfois pendant des mois, jusqu’à ce que les symptômes s’atténuent nettement.

Les partisans des lignes officielles pointent une étude récente qui montre qu’un traitement prolongé ne soulage pas davantage les patients qu’un placebo. Les sujets de cette étude avaient toutefois reçu des antibiotiques par voie intraveineuse avant de commencer les traitements, ce qui n’est pas le cas de la majorité des patients.

« Le fait est qu’au bout de quatre semaines, plusieurs de mes patients sont encore malades. Dans ces cas, je prolonge le traitement », dit Ralph Hawkins, de l’Université de Calgary, qui prescrit régulièrement des antibiotiques pour des périodes de plusieurs mois.

L’infectiologue Alex Carignan affirme que de tels traitements à long terme ne reposent sur aucune base scientifique et peuvent entraîner des effets secondaires importants. Il s’insurge en particulier contre leur administration à des gens qui n’ont jamais reçu de diagnostic de la maladie de Lyme reposant sur des critères reconnus.

Le docteur Hawkins réplique que les effets secondaires des antibiotiques sont très bien connus. De tels traitements prolongés sont régulièrement administrés à des patients souffrant de diverses maladies, notamment l’arthrite rhumatoïde, dit-il.

Le Lyme and Tick-Borne Diseases Research Center juge que les médecins qui choisissent de traiter des patients aux antibiotiques sans être parfaitement convaincus qu’ils ont la maladie de Lyme prennent une décision légitime.

« Ces médecins plaideront que les conséquences sérieuses liées aux incapacités physiques, cognitives et fonctionnelles associées à la maladie de Lyme pèsent plus lourd que les risques associés à une thérapie aux antibiotiques », écrit le centre.

UNE FORME CHRONIQUE ?

Le débat sur la pertinence des traitements prolongés est lié à une autre controverse : l’existence ou non d’une forme « chronique » de la maladie de Lyme. Aujourd’hui, à peu près tout le monde admet qu’une certaine proportion (entre 5 et 15 %) des patients présentent toujours des symptômes après le traitement « standard » de quelques semaines aux antibiotiques.

L’Infectious Diseases Society of America reconnaît l’existence d’un « syndrome post-traitement de la maladie de Lyme » dont les symptômes sont la fatigue, les douleurs musculo-squelettiques et l’impression d’éprouver des difficultés cognitives.

Mais d’importants débats existent quant à la cause de ce syndrome. Certains croient qu’il s’explique par le fait que l’infection a survécu au traitement « standard » d’antibiotiques. Le consensus est plutôt qu’il est probablement causé par des dommages irréversibles faits par la maladie avant le traitement ou par une réaction immunitaire.

LES SYMPTÔMES POSSIBLES DE LA MALADIE DE LYME

De 3 à 30 jours après l’infection

Lésion à la peau

Fièvre

Douleurs musculaires

Maux de tête

À long terme, si non traitée

Fatigue généralisée

Problèmes cardiaques

Problèmes neurologiques

Arthrite

Méningite

Troubles de la mémoire

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