CHUM

Des narcotiques « à volonté » pour une infirmière voleuse

À l’heure de la crise des opioïdes, une infirmière du CHUM a pu voler « plusieurs centaines » de doses de narcotiques avec une facilité déconcertante pendant un an et demi avant d’être pincée par son employeur.

Elle a assuré que les vols n’étaient destinés qu’à sa consommation personnelle : elle s’injectait la drogue sur son lieu de travail sans être inquiétée.

Fentanyl, dilaudid, morphine : « J’en avais à volonté », a avoué Rose Marie Carlos à son ordre professionnel, selon des documents d’enquête transmis à La Presse. « C’était facile, je pouvais avoir des doses comme je voulais. Il n’y avait pas de limite. »

Mme Carlos travaillait de nuit à l’unité des grands brûlés, dans les installations de l’Hôtel-Dieu, parfois à titre d’assistante infirmière-chef. Un service « très peu achalandé », où « les clients pouvaient recevoir des doses tant qu’ils avaient mal, [où] il n’y avait pas de limite », a-t-elle expliqué, toujours dans ces documents.

L’infirmière obtenait les narcotiques d’une machine automatisée. Elle ne les inscrivait pas dans les dossiers des patients.

« J’allais m’injecter dans la salle de bains de l’unité et je partais dormir deux heures. » — Rose Marie Carlos

Les effets de la drogue sur son corps n’ont pas éveillé de soupçons : « [Ils] passai[en]t toujours, car je disais que je travaillais de nuit. […] Tout le monde avait des cernes, on se ressemblait tous. »

C’est « un signalement » qui a poussé le CHUM à déclencher une enquête interne, qui a révélé le pot aux roses.

Elle « a réussi à déjouer le système »

Les faits remontent à 2015 et 2016, mais Mme Carlos a seulement été condamnée le mois dernier par le conseil de discipline des infirmières. Elle a été interdite de pratique pour 12 mois, mais a de toute façon renoncé à la pratique pour de bon.

Le système de contrôle des narcotiques actuellement en place au CHUM est celui qui a été aisément contourné par Mme Carlos, a confirmé Joëlle Lachapelle, porte-parole de l’établissement. Elle le décrit tout de même comme étant « très serré ». « On prend très au sérieux la situation qui s’est passée. C’est un cas qui est rare, mais préoccupant. »

« Oui, ce sont des quantités importantes, mais ça s’est échelonné sur une longue période de temps, ce qui a rendu plus difficile la détection des irrégularités. »

— Joëlle Lachapelle, porte-parole du CHUM

Mme Carlos « a réussi à déjouer le système ». « On cherche constamment à améliorer nos procédures pour mieux encadrer l’accès à ce type de substances », a-t-elle continué.

Dans sa décision, le conseil de discipline des infirmières a évalué que l’infirmière avait « trahi la confiance de son employeur et de ses collègues ». « Ses gestes étaient prémédités », continue le jugement.

La principale intéressée n’a pas voulu discuter de la situation avec La Presse. « Madame Carlos ne désire pas formuler de commentaires », a indiqué son avocate, Nancy Brunelle, dans un courriel.

Ce n’est pas la première fois qu’un établissement de santé québécois est victime d’un vol de narcotiques à grande échelle.

Il y a deux ans, l’infirmière Melany Boucher avait reconnu avoir volé 7743 fioles de narcotiques au profit d’un réseau criminel à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne. Alors même que son dossier était traité par le conseil de discipline, elle volait 500 nouvelles doses à l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil.

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