Mon clin d'œil

« Yes we cash. »

 — Barack Obama

OPINION PROPOSITION CONSTITUTIONNELLE

Une occasion de dialogue

Nous augmenterons les chances de voir la nation québécoise obtenir la reconnaissance qu’elle mérite

Face à ce premier ministre du Québec désirant briser le « tabou » qui entoure les discussions constitutionnelles dans le but de « réintégrer la famille canadienne », il est normal de se demander s’il ne s’agit pas d’une diversion politique pour les prochaines élections ou l’ambition de laisser un legs.

Il y a probablement un peu de vrai dans ces deux possibilités, mais rejeter ainsi cette initiative, à cause d’un cynisme plus que légitime, comporte un risque important pour la nation québécoise et notre capacité à faire reconnaître la distinction de notre société. 

Plus que jamais, la discussion constitutionnelle ne doit pas se limiter aux salons des partis politiques et aux constitutionnalistes. Nous devons l’investir pour qu’elle soit l’objet d’un réel dialogue appuyé sur une mobilisation populaire afin que nous nous reconnaissions tous dans nos institutions politiques.

À l’ère où l’information circule plus vite que notre capacité à penser et que les élites politiques sont bousculées un peu partout en Occident par le cynisme et l’insatisfaction, penser que le « changement de paradigme » dans les relations entre gouvernements au Canada va s’opérer grâce à des discussions tranquilles entre les premiers ministres revient à s’enlever toute chance de réussite.

Déjà à l’époque des accords de Meech et de Charlottetown, l’absence d’un dialogue réel avec la population et les différentes nations qui composent le Canada avait été fatale. 

Imposé du haut vers le bas par les élus, Meech a été bloqué, notamment par l’action d’Elijah Harper, symbole des Premières Nations oubliées, et Charlottetown a été clairement désavoué par la population. 

Imaginez donc refaire cet exercice dans un monde où l’internet existe, donnant une pleine tribune à chaque citoyen, et qui comporte un niveau inégalé de désaffection de la classe politique traditionnelle. Le pari est risqué et devient impossible si on ne mobilise pas et n’engage pas les citoyens dans un dialogue qui nous permettra d’être inclusifs et de construire des consensus.

Le défi est d’autant plus important que les dernières rondes de négociations constitutionnelles ont laissé un souvenir amer chez la génération de nos parents. Il en découle, aujourd’hui, pour de nombreux jeunes n’ayant pas voté au dernier référendum, une impression ferme que beaucoup d’énergie a été gaspillée pour en arriver à un statu quo.

Alors, pourquoi mettre autant d’énergie sur un débat qui ne nous permettra pas d’aborder directement des enjeux globaux comme le réchauffement climatique, les inégalités sociales et l’intégration d’une immigration essentielle à notre développement ? Pour nous éloigner de l’indifférence envers l’autre, car ce débat nous demandera de dialoguer justement avec l’autre.

C’est par le dialogue respectueux qu’émergeront les solutions aux grands défis qui se présentent à nous, non seulement constitutionnels, mais aussi sociaux et environnementaux.

Il importe donc de garder en tête que le but n’est pas juste d’insérer les mots « société distincte » dans la Constitution, mais de se donner une constitution et des institutions politiques qui nous permettent, peu importe d’où nous venons au Canada, de nous épanouir individuellement et collectivement grâce à la reconnaissance à laquelle aspire toute nation.

Il est vrai que présenter une brique de 200 pages après des années de mutisme et sans débat public préalable n’est pas un acte de mobilisation. Cependant, il appartient à nous, citoyens et sociétés civiles du Québec et des autres nations formant le Canada, de déterminer s’il s’agit d’opportunisme. En incitant les élus au Québec et ailleurs au Canada à faire ce dialogue entre nations, nous augmenterons les chances de voir la nation québécoise obtenir la reconnaissance qu’elle mérite. Malgré les doutes et la partisanerie, nous devons saisir cette occasion de dialogue.

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