Abolition des prix Thérèse-Casgrain

Le Conseil du statut de la femme souhaite un autre hommage

Il est désolant que Thérèse Casgrain ait été reléguée aux oubliettes par le gouvernement Harper, mais pourquoi ne pas profiter de la controverse pour songer à un hommage qui pourrait lui être rendu en bonne et due forme ? C’est ce que propose le Conseil du statut de la femme.

Les médias ont relevé récemment que les prix Thérèse-Casgrain ont été discrètement rebaptisés, au cours des dernières années, pour s’appeler « Prix du premier ministre ». Cet affront à une icône québécoise, ainsi que les allégations selon lesquelles la politisation de ces prix destinés à de grands bénévoles en aurait réduit le nombre de candidats, a soulevé les passions au cours des derniers jours.

La petite-fille de Thérèse Casgrain, Michèle Nadeau, n’a pas caché à quel point la déception de la famille a été vive lorsqu’elle a vu le nom de sa grand-mère rayé de l’hommage rendu aux bénévoles de l’année.

« Que son image ne figure plus sur les billets de 50 $, ça, on le comprend. Elle y a été pendant un bon bout de temps. Par contre, on trouve très malheureux, d’un point de vue historique et social, que son nom ne soit plus associé à un prix de bénévolat qui avait une résonnance nationale. »

— Michèle Nadeau, petite-fille de Thérèse Casgrain

Mme Nadeau souligne aussi que le gouvernement ne dit pas la vérité quand il soutient que la Fondation Thérèse Casgrain a été consultée au moment du changement de nom de ces prix. « On n’a pas été consultés, mais avisés de la décision, pour laquelle on n’a jamais eu d’explication. »

Au Conseil du statut de la femme, on digère très mal la nouvelle. « Déjà que l’Histoire accorde une bien maigre place aux réalisations des femmes, se désole Christine Chabot, porte-parole du Conseil du statut de la femme dans ce dossier. Il faut lire la biographie de Thérèse Casgrain pour voir à quel point elle était formidable. Issue d’un milieu bourgeois, elle aurait pu se contenter de profiter tranquillement de la vie, mais elle a plutôt milité pour les droits des femmes, elle a créé plusieurs organismes, elle a été une ardente syndicaliste… »

Bref, elle mériterait mieux, selon Mme Chabot. La bonne nouvelle, c’est que la décision du gouvernement Harper a fait beaucoup réagir ; elle espère maintenant que jaillisse de cette controverse une idée pour rendre d’autres hommages à cette grande femme. « Peut-être pourrait-on renommer d’autres prix ou rebaptiser des organismes en son honneur ? »

Pour l’instant, Thérèse Casgrain a sa statue devant l’Assemblée nationale. Un parc attenant au mont Royal porte aussi son nom. L’avenue Casgrain, par contre, n’a pas été nommée en son honneur.

LE GOUVERNEMENT HARPER SE DÉFEND

Au gouvernement fédéral, au cabinet du ministre de l’Emploi et du Développement social, on se défend bien d’avoir manqué d’élégance. « Les Prix du premier ministre pour le bénévolat sont de nouveaux prix, qui sont distincts du prix de bénévolat Thérèse-Casgrain », nous a-t-on expliqué par courriel.

Ceci étant dit, tout en insistant sur le caractère distinct et nouveau de ces prix, le courriel précise que « l’esprit et les objectifs du prix de bénévolat Thérèse-Casgrain ont été conservés dans deux catégories nationales ».

Jamais n’a-t-on cherché à « diminuer l’apport de Thérèse Casgrain à la cause du bénévolat, bien au contraire », souligne-t-on, rappelant que le Guide de la citoyenneté destiné aux nouveaux arrivants souligne très bien sa contribution.

Enfin, le cabinet du ministre de l’Emploi et du Développement social soutient qu’il est faux de prétendre que les candidatures se font rares ; elles sont au contraire plus nombreuses que jamais (751 candidatures à la première année de remise du prix sous sa forme actuelle).

La présidente du caucus des femmes du NPD, Mylène Freeman, s’est dite « profondément désolée », hier, de la décision du gouvernement Harper, estimant qu’il n’en était pas à son premier manquement dans des dossiers touchant les femmes.

Le libéral Stéphane Dion a quant à lui parlé d’un « manque de respect flagrant » envers ce que représentait Thérèse Casgrain. « Le gouvernement veut définir l’histoire à sa façon. Continuellement, il met l’accent sur certains aspects qui tournent toujours à peu près sur les mêmes thèmes : les thèmes militaires et la monarchie », a exposé le député de Saint-Laurent–Cartierville en entrevue téléphonique à La Presse Canadienne.

— Avec La Presse Canadienne

THÉRÈSE CASGRAIN EN QUELQUES DATES

1929

Elle est élue à la présidence de la Ligue des droits de la femme.

1940

Elle a gain de cause : les femmes obtiennent le droit de vote au Québec.

1945

Elle obtient d’Ottawa que les allocations familiales du gouvernement fédéral soient directement versées aux mères (plutôt qu’à leurs maris).

1955

Elle est élue présidente de l’aile québécoise du NPD.

1961

Avec 400 femmes qu’elle a mobilisées, elle part en train à Ottawa pour rencontrer le premier ministre John Diefenbaker afin de plaider pour la paix.

1966

Elle fonde la Fédération des femmes du Québec.

Octobre 1970

Elle est nommée sénatrice.

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