À BIEN Y PENSER

Air Vandal

Une indemnité de départ d’un demi-million de dollars, ce n’est pas qu’un parachute, c’est un avion à moteur. On ne se laisse pas porter par le vent, on va où on veut !

— Denis Munger

Opinion  Système de santé

Attendre aussi peu aux urgences qu’à l’épicerie ?

La solution au manque d’imputabilité du système pourrait s’inspirer des modèles européens qui rémunèrent les hôpitaux par épisode de soins

Le Palmarès des urgences 2015 publié dans La Presse trace un portrait désolant du système hospitalier public du Québec, indiquant que la durée moyenne du séjour sur civière avant d’obtenir son congé peut dépasser les 25 heures dans la région de Montréal !

Le phénomène de l’engorgement des urgences au Québec n’est pas nouveau. Il est apparu dans les années 70. Au fil des années, ce phénomène s’est aggravé et a pris une ampleur considérable. En 1986, la ministre libérale Thérèse Lavoie-Roux a annoncé une série de mesures en vue de régler le problème « définitivement ». Depuis lors, le PLQ et le PQ se sont succédé au pouvoir et, malgré les réformes imposées par Marc-Yvan Côté en 1991, Jean Rochon en 1995 et Philippe Couillard en 2003, force est de constater que notre système de santé est toujours aussi mal en point. Le palmarès confirme d’ailleurs que les attentes aux urgences font du surplace depuis 10 ans. Le Dr Barrette y va maintenant de sa propre réforme, abolissant certaines des structures mises en place par son prédécesseur, le Dr Couillard…

À la base de toute offre de services, il y a des humains qui réagissent aux incitatifs mis en place par leur employeur. Or, les incitatifs mis en place depuis l’introduction du système public d’assurance maladie ne récompensent pas la qualité du service hospitalier offert aux patients et n’imposent aucune imputabilité à ceux qui offrent un mauvais service à la clientèle. 

Les budgets de nos hôpitaux sont fixés par des bureaucrates sur des bases historiques qui ne tiennent pas compte de la performance. 

Nos hôpitaux performants qui ont l’attente la plus courte, les chambres les plus propres, la meilleure nourriture, les meilleurs soins ou les chirurgies avec le plus haut taux de succès ne sont pas récompensés et les hôpitaux moins performants, eux, ne subissent pas les conséquences de leur mauvais service. 

RÉCOMPENSER LES MEILLEURS

La solution à ce manque d’imputabilité pourrait s’inspirer des modèles européens (notamment la Grande-Bretagne et la Scandinavie) qui rémunèrent les hôpitaux par épisode de soins, c’est-à-dire selon le volume de patients traités et la complexité des cas. Ainsi, les hôpitaux qui attirent plus de clientèle parce qu’ils traitent leurs patients efficacement et rapidement ou offrent de meilleurs soins, bref qui traitent leurs patients comme des clients, seront récompensés avec des budgets plus élevés que ceux qui traînent la patte. Les patients seront considérés comme une source de revenus plutôt que comme une dépense.

Ce mode de rémunération n’est pas une panacée. Il doit être adapté pour les hôpitaux très spécialisés et ceux en région. Il faut aussi réclamer une « garantie de soins » prévoyant que les hôpitaux qui réadmettent des patients mal soignés le font à leurs frais. Mais là où il a été implanté, ce mode de rémunération a généralement permis de réduire les temps d’attente, d’augmenter la qualité des soins, d’encourager l’émulation entre hôpitaux et de permettre une meilleure imputabilité des fonds publics.

On n’attend pas chez le pharmacien, chez l’optométriste, chez le dentiste ou à l’épicerie parce que si c’est le cas, le prestataire de service risque de perdre ses clients à la concurrence. Pourquoi faudrait-il accepter d’attendre 25 heures aux urgences ?

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