Environnement

Objectif : retirer 10 tonnes de déchets des cours d’eau

« Je ne peux pas rester là à ne rien faire et dire : “Je m’excuse” », résume Jimmy Vigneux, lorsqu’il songe à l’environnement pollué qu’on laissera à nos enfants. Tanné de « l’activisme d’ordinateur », ce père de trois jeunes enfants a eu envie de faire un geste concret. Avec la biologiste marine Lyne Morissette, il a eu une idée ambitieuse : ramasser 10 tonnes de déchets, dont beaucoup de matières plastiques, qui jonchent les rives des cours d’eau et du fleuve d’ici à la fin de l’automne.

Ce grand projet, ils l’ont baptisé Mission 10 tonnes. « On ne s’est pas juste dit : “Il faut moins de plastique dans le Saint-Laurent”, insiste-t-il. On s’est fixé un objectif et on va l’atteindre. » Ce qu’il ne savait pas, cependant, c’est que Lyne Morissette et lui ne seraient pas seuls pour retirer ces milliers de kilogrammes de déchets de l’environnement. Dix jours après sa mise en ligne, leur page Facebook était suivie par plus de 2000 personnes. Et 200 kg de détritus avaient déjà été ramassés dans divers coins de la province.

Il n’est pas nécessaire de naviguer jusqu’à l’un des gigantesques dépotoirs flottants qu’on trouve dans tous les océans – appelés « continents de plastique » – pour constater le problème. Au milieu de la semaine, La Presse a fait une courte balade avec le cofondateur de la Mission 10 tonnes au parc de la Promenade-Bellerive, à Montréal. En moins d’une heure, et sur une assez courte distance, Jimmy Vigneux a retiré des berges de cet espace vert pourtant très propre près de 40 L de déchets divers.

« Ça, c’est parfait pour étrangler les oiseaux », a-t-il dit, en ramassant un long bout de corde de nylon effilochée. Quelques pas plus loin, il s’est échiné à sortir un déchet coincé entre des roches : un porte-poussière. « Des contenants de nourriture, on s’y attend », a indiqué Jimmy Vigneux, en expliquant que beaucoup de gens venaient faire des pique-niques dans cet espace vert. « Mais un porte-poussière… » Il n’était pas au bout de ses surprises : il a aussi ramassé un « rond de poêle » et ce qui semblait être un vieux tuyau d’échappement…

Un enjeu majeur

Bien qu’on trouve de tout près des cours d’eau, « 90 % des déchets marins » sont des matières plastiques, affirme Lyne Morissette, qui est consultante en écologie marine. À ses yeux, c’est l’un des enjeux environnementaux les plus importants à l’heure actuelle avec les changements climatiques et la perte de biodiversité. Les débris de plastique qui vont à la dérive menacent la faune marine : oiseaux marins, poissons et tortues s’y emmêlent ou s’étouffent en les confondant avec de la nourriture. Les plus petites particules, elles, sont ingérées et finissent par contaminer la chaîne alimentaire.

« C’est un problème auquel on peut s’attaquer directement et sur lequel on peut avoir un impact significatif assez rapidement », juge toutefois la biologiste. D’abord en ramassant les déchets avant qu’ils n’atteignent les cours d’eau et ensuite en réduisant notre consommation de produits de plastique. Sensibiliser les gens à leur manière de gérer ces déchets fait aussi partie des objectifs de la Mission 10 tonnes.

« Les déchets viennent du citoyen. Tout le monde consomme des bouteilles d’eau et des produits jetables. Quand ça se ramasse dans les cours d’eau, c’est la faute de tout le monde », dit Jimmy Vigneux, pour justifier la prise en charge par les citoyens. « On ne peut pas parler de ce problème-là comme d’une chose qui se passe juste quelque part dans le Pacifique », estime aussi Lyne Morissette.

Une corvée de nettoyage sous-marine a lieu aujourd’hui à Lachine. Tout le monde peut toutefois organiser la sienne : il suffit de prendre une photo de son équipe, une autre des déchets amassés, de les peser et de transmettre toute l’information aux gens de la Mission 10 tonnes sur Facebook. « Il faut arrêter de se dire que quelqu’un d’autre va le faire, qu’on paye et que la Ville devrait s’en occuper. Prenons notre environnement et nos cours d’eau en charge comme citoyens, lance Jimmy Vigneux, il n’y a pas de meilleure façon d’influencer les politiciens que par des mouvements citoyens. »

Cette initiative de nettoyage collectif tombe à point : une charte du plastique est actuellement négociée au sein du G7, qui se réunit le mois prochain dans Charlevoix.

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