Des mœurs à changer sur les patinoires du Québec

Pavel Datsyuk n’a pas développé ses feintes extraordinaires par hasard. La vedette des Red Wings de Detroit dit avoir joué sur de petites surfaces glacées, et ainsi manœuvré en espace restreint, jusqu’à l’âge de 11 ans, avant de finalement accéder à une patinoire de dimensions normales.

Ce modèle prend de l’ampleur, en ce moment. Des analystes de la Ligue nationale de hockey, à l’aide de leur technologie révolutionnaire, ont comparé récemment dans l’État du Michigan les données recueillies lors de matchs d’enfants de 8 ans au cours de deux matchs : le premier sur une grande surface, le second sur une demi-patinoire.

Les analystes de la LNH ont conclu que les enfants obtenaient six fois plus de tirs en moyenne par joueur sur une petite surface, que deux fois plus d’enfants touchaient à la rondelle, que les jeunes recevaient en moyenne cinq fois plus de passes, qu’ils changeaient de direction deux fois plus souvent et que le nombre de tirs à la minute passait de 0,45 à 1,75.

« Dans un monde idéal, nos enfants joueraient sur une petite surface jusqu’à l’âge de 8 ans. Mais on ne veut pas imposer de changements, puisque les gens se braquent. »

— Yves Archambault, directeur technique à la Fédération québécoise de hockey sur glace

« On préfère transformer la culture au moyen de la communication, et un clip [comme celui de la LNH] nous aide beaucoup à faire passer notre message, explique M. Archambault. Les chiffres recueillis par la LNH à l’aide de puces électroniques constituent un outil génial à cet égard. »

Les jeunes hockeyeurs européens s’exécutent sur de petites surfaces de l’âge de 5 à 9 ans. « C’est dans les mœurs, c’est réglementé par l’IIHF. »

LES CANADIENS EN RETARD

Au Québec, les enfants jouent sur de petites surfaces à 5 et 6 ans, sous le programme MAGH, avant de passer aux grandes surfaces dès leur passage au niveau novice.

« Notre programme existe depuis au moins 25 ans et nous sommes avant-gardistes à ce chapitre en comparaison des autres provinces, poursuit M. Archambault. Hockey Canada le recommande, mais ça n’est pas réglementé. »

Les Américains semblent détenir une longueur d’avance sur les Canadiens à ce chapitre. « J’en parlais justement récemment avec mon collègue Ken Martel, responsable de l’American Development Model chez USA Hockey, et depuis quatre ans, 95 % de leurs équipes de joueurs de 7 et 8 ans jouent sur des demi-patinoires ou des glaces de dimension Cross Ice pendant au moins la première moitié de saison, explique le directeur technique chez Hockey Québec. Ils sont très proactifs. »

Comment expliquer les réticences de certains parents ? « Notre modèle de compétition professionnelle est tellement ancré chez les parents qu’ils veulent reproduire le même modèle avec leurs enfants sur une glace complète, répond Yves Archambault. Pourtant, le clip [produit par la MAHA et les spécialistes de la LNH] confirme que le jeu sur des patinoires réduites pour les enfants de 8 ans correspond davantage au modèle de la LNH, toutes proportions gardées.

« On veut imiter le modèle avec les défenseurs, les attaquants et les gardiens, alors qu’on devrait plutôt insister sur le patin et le maniement de la rondelle. On n’a pas besoin d’avoir un super défenseur, à 7 ans, et l’enfant n’a pas à être centre dès son jeune âge. En jouant à quatre contre quatre, on n’a pas vraiment de défenseur et de centre, et le jeune peut développer sa créativité. »

Hockey Québec commence à sensibiliser une nouvelle génération de parents et d’entraîneurs.

« Voilà trois ou quatre ans qu’on forme nos entraîneurs de niveau MAGH aux exercices en espace restreint pour sensibiliser cette génération aux bienfaits des petites surfaces, en faire la promotion pour que l’on puisse opérer des changements. Ça viendra avec le temps. »

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