Inondations du printemps 2017

Au bout du rouleau... mais pas au bout de leurs peines

Plus d’un an après les inondations historiques qui ont endommagé des centaines de maisons dans la grande région de Montréal, des sinistrés dont les dossiers de réclamations ne sont pas encore réglés sont au bout du rouleau.

Une cinquantaine d’entre eux se sont réunis hier soir dans un parc, à Deux-Montagnes, pour dénoncer les embûches qu’ils doivent affronter dans leurs échanges avec les responsables gouvernementaux, mais aussi pour montrer à quel point leur situation difficile nuit à toutes les sphères de leur vie.

« J’ai fait une infection pulmonaire, à cause des conditions dans ma maison, je me suis chicané avec mes enfants parce que j’ai dû aller m’installer chez eux… J’ai vécu énormément de stress », témoigne Daniel Poirier, qui a fait lui-même les travaux pour remettre sa maison en état. « Pendant ce temps, je n’arrivais pas à avoir de réponses sur le montant que je recevrais en indemnisation, et je ne pouvais pas obtenir de nouveau prêt de la banque. »

Drames humains

« Il y a eu beaucoup de drames humains. Des [faillites], des suicides, des séparations, des problèmes cardiaques, des décès… De telles situations causent un stress de tous les instants », souligne le député de Deux-Montagnes, Benoit Charette, de la Coalition avenir Québec, présent au rassemblement pour soutenir les sinistrés.

« On a reçu au bureau de circonscription énormément de citoyens qui avaient besoin d’aide, depuis les inondations, mais c’est troublant de voir réunis ici un aussi grand nombre de gens dont les dossiers ne sont toujours pas réglés après plus d’un an. »

— Benoit Charette, de la CAQ

Selon le fondateur du Regroupement des sinistrés du Québec, Steve Beauchamp, la situation est la même dans d’autres régions inondées en 2017, notamment Rigaud et Gatineau, où le groupe a l’intention de tenir d’autres rencontres dans les prochaines semaines pour dénoncer la lenteur du processus d’indemnisation.

En mars dernier, le ministre des Affaires municipales, Martin Coiteux, indiquait que « plus de 80 % des personnes sinistrées ont reçu entre 75 et 90 % de l’aide financière » qui leur a été allouée par Québec. Le gouvernement a reçu plus de 6000 demandes de réclamation à la suite des inondations du printemps 2017.

« J’ai fait un infarctus il y a deux mois, sûrement lié à tous les problèmes que j’ai eus dans le processus d’indemnisation », raconte Jean Bourassa, instigateur de l’événement d’hier soir. « J’ai changé d’agent plusieurs fois, et il fallait chaque fois reprendre à zéro, il y a toujours des choses qui ne marchent pas. Mais j’aimerais surtout montrer au gouvernement la souffrance des gens et tous les problèmes que ça cause. »

Querelles sur les démolitions

Certains soupçonnent le ministère des Affaires municipales de faire traîner les choses sciemment pour forcer certains sinistrés à accepter la démolition de leur maison.

C’est ce que pensent France Lauzon et François Grenier, de Pointe-Calumet. Leur résidence a besoin de travaux de 35 000 $, disent-ils, mais elle est encore habitable. « De son côté, le gouvernement arrive avec une évaluation des travaux à 76 500 $, indique M. Grenier. Pourquoi ? Parce que ça voudrait dire que le coût des rénovations dépasse 50 % de la valeur de la maison, et qu’elle doit être désignée à démolir. »

Si une maison doit être démolie, le gouvernement propose 59 000 $ en indemnisation aux sinistrés. Mais le couple ne veut pas quitter sa propriété.

« On est restés neuf mois chez mon frère, mais ça a fini en chicane et on ne s’est plus reparlé depuis, raconte François Grenier. On n’a pas pu se trouver de logement au mois, alors qu’est-ce qu’on aurait dû faire, coucher dans notre char ? On est retournés dans notre maison, sans eau ni électricité, et je fais moi-même les travaux. J’ai dû arrêter de travailler, mais là, je suis en train de capoter. Au moins, je suis chez nous et personne ne peut me sortir de là ! »

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