Affaissement dans Griffintown

La Ville paiera pour les travaux de démolition

« J’ai juste une parole et je leur avais promis, dimanche, que je ferais tout en mon possible pour les aider à passer à travers ce drame. » Le maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, tient promesse. Il utilisera ses pouvoirs d’urgence pour venir en aide à la coopérative Ste-Anne.

Les travaux de démolition de plus de 50 000 $ qui doivent être terminés seront payés par la Ville et non par les propriétaires évacués, comme prévu initialement.

« On parle d’une coop qui est prise dans une tourmente juridique et pour moi, ce que je vois, c’est que la sécurité restait un enjeu important. On va faire les travaux rapidement pour que les propriétaires concernés puissent retourner chez eux le plus vite possible », a expliqué hier soir le maire Dorais.

« C’est un grand soulagement. C’est une très, très bonne nouvelle pour la coop, a laissé tomber la présidente de la coopérative Ste-Anne, Guylaine Mayer, jointe en soirée. Comme je le disais, on est une petite coop, on ne pouvait pas payer ces frais-là. »

Durant la journée, Mme Mayer a eu des sueurs froides. En matinée, hier, un représentant de l’arrondissement du Sud-Ouest lui a remis une lettre sommant la coopérative d’engager un ingénieur et de procéder au reste de la démolition. Selon la lettre, la coopérative disposait d’un délai de deux jours pour engager le professionnel et devait effectuer les travaux finaux de démolition dans un délai de dix jours.

« On a transmis une lettre en main propre de l’aménagement urbain pour les obligations légales. Mais on va prendre en charge [la majeure] partie des travaux qui auraient dû être faits par la coop. »

— Benoit Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-Ouest

L’arrondissement du Sud-Ouest paiera pour l’enlèvement des débris, le remblaiement de la partie du bâtiment démolie, le dégarnissage restant et le renforcement du mur mitoyen. Cette étape doit être faite au cours des prochains jours. Après quoi la coopérative pourra faire les travaux à l’intérieur de la bâtisse épargnée par la démolition – mais tout de même abîmée –, et les locataires des quatre unités restantes pourront réintégrer leur logement.

SOLIDIFIER CE QU’IL RESTE

Dans un deuxième temps, un ingénieur doit évaluer les réparations à entreprendre sur le deuxième bâtiment encore debout, et celles-ci doivent être faites dans un délai de 30 jours, selon la lettre reçue.

« À l’intérieur aussi il y a des dommages, au moins à mon appartement, parce que les pompiers sont entrés et m’ont dit qu’ils déferaient une partie du plafond [pour installer des vérins afin que ce bâtiment résiste à la destruction de la bâtisse voisine] », a expliqué Mme Mayer.

En ce qui concerne les coûts de la démolition de dimanche dernier, la coop craignait de se voir refiler la facture, mais elle ne risque finalement pas d’en voir la couleur.

« Pour l’instant, l’arrondissement a pris en charge le coût de la démolition et la sécurisation du périmètre, dimanche. On a fait près de 40 voyages de gravier. On l’a tout assumé, mais après, on verra selon les responsabilités », a expliqué le maire, qui n’entend pas refiler cette facture à la coop.

Des travaux d’excavation par le promoteur Maître Carré se déroulaient juste à côté de la coopérative depuis décembre. À la fin du mois de mars, une conduite d’eau de la Ville s’est rompue à proximité de la coopérative. Un affaissement du sol menaçant la stabilité du bâtiment situé dans la rue de la Montagne, à l’intersection de Wellington, a été remarqué.

LA CNESST AVAIT FERMÉ LE CHANTIER D’URGENCE

Le 1er avril, après avoir constaté un affaissement du trottoir dans la rue de la Montagne, un enquêteur de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a exigé l’arrêt immédiat des travaux sur le chantier, indiquent les détails du rapport transmis à La Presse.

Constatant la présence d’une grande quantité d’eau au fond de l’excavation, l’inspecteur a aussi demandé l’exécution de travaux d’urgence afin de renforcer les fondations de l’immeuble de la coop ainsi que celles du « mur berlinois », mis sur place par les ouvriers du chantier afin d’éviter un glissement de terrain. Il s’agit de la procédure normale lors de ce genre d’excavation.

Deux firmes ont été mandatées pour s’assurer que ce mur de protection était suffisamment solide pour résister, malgré la grande quantité d’eau présente.

L’accès au chantier est demeuré strictement interdit à partir de ce moment. Des travailleurs s’y sont toutefois retrouvés samedi dernier, dix jours après la fermeture du chantier par la CNESST, avec de la machinerie. L’ingénieur embauché par la coop, Yvonick Houde, leur a demandé de s’éloigner du bâtiment, puisque l’édifice bougeait rapidement et menaçait de tomber dans la tranchée.

Selon le promoteur Maître Carré, responsable du chantier, les travailleurs y effectuaient les travaux d’urgence pour « soutenir et stabiliser » les structures. « On a informé la CNESST qu’on allait faire ces travaux », a précisé la porte-parole de l’entreprise, Anne Dongois.

Le promoteur assure par ailleurs avoir fait toutes les expertises préliminaires nécessaires avant de commencer l’excavation. « Nous avons vérifié l’état des sols où les terrains [celui de la coop et celui du promoteur] se touchaient et il n’y avait rien à signaler », affirme Mme Dongois.

En fin de semaine dernière, après un effondrement partiel de ses fondations, la démolition de l’un des deux bâtiments de la coopérative a été ordonnée pour des raisons de sécurité.

UN CADEAU DU CIEL

L’urne contenant les cendres du défunt mari de Nicole Bagnato a pu être récupérée in extremis lors de la démolition. Mais elle a été endommagée et devra être remplacée. Touchée par cette histoire, la Coopérative funéraire du Grand Montréal a décidé de venir en aide à la famille qui a tout perdu.

« Dans un esprit de solidarité, nous souhaitons proposer à Mme Bagnato de remplacer gratuitement l’urne contenant les cendres de son mari », a écrit une représentante de l’entreprise, dans un courriel demandant de la mettre en contact avec Mme Bagnato.

« J’ai bien envie d’accepter, s’est étonnée la première intéressée, lorsque La Presse lui a transmis les intentions de la Coopérative funéraire. C’est une bonne nouvelle, ça fait du bien. »

« C’est vraiment gentil de leur part », a répondu, touchée, sa fille Dominique Bagnato, qui a récupéré les cendres de son père à la suite des événements.

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