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Des médicaments dans l’eau

Antibiotiques, antidouleurs et anti-inflammatoires sont au nombre des substances que les usines de traitement des eaux usées des Grands Lacs n’arrivent pas à éliminer. Ce sont les conclusions d’une récente étude canado-américaine qui recommande une amélioration des procédés de traitement et de filtration en vigueur. Le problème est aussi connu à Montréal où des scientifiques ont déjà constaté la présence de plusieurs molécules pharmaceutiques dans le fleuve Saint-Laurent.

 – Le quart de la population canadienne vit autour des Grands Lacs.

 – 1400 usines de traitement des eaux autour des Grands Lacs au Canada et aux États-Unis.

 – Ces usines traitent 18,2 milliards de litres d’eau chaque jour.

 – Seulement 50 % des produits sont éliminés par les usines autour des Grands Lacs.

Les cinq produits qui ont été le plus souvent détectés dans les eaux des Grands Lacs : herbicide, antidouleur, antibiotique, antibactérien et anti-inflammatoire.

Le rapport de la Commission mixte internationale, un organisme qui gère les eaux limitrophes entre le Canada et les États-Unis, conclut qu’on ne peut établir avec certitude pour l’instant quelles sont les conséquences d’un tel cocktail dans les eaux des Grands Lacs. En entrevue au magazine Scientific American, la chercheuse Antonette Arvai admet que ces molécules se trouvent en petite quantité dans l’eau, mais elle s’inquiète néanmoins des conséquences du mélange de ces substances pour la santé humaine et la vie aquatique. « Il nous faut déterminer lesquels de ces produits peuvent avoir les conséquences les plus néfastes. »

Dans le fleuve Saint-Laurent

« Je ne suis pas du tout surpris par ces résultats, affirme Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal. Nous avons des données comparables ici, à Montréal, dans le fleuve Saint-Laurent. Nous avons fait beaucoup de travaux sur les antibiotiques, les hormones, les produits de chimiothérapie et les antidépresseurs. » À court terme, ce sont surtout les poissons qui sont touchés par ces substances. Par exemple, des études ont démontré que des poissons mâles acquéraient des caractéristiques femelles en raison de la présence d’hormones dans l’eau. Bien que 75 % des résidus d’hormones sont éliminés dans le traitement des eaux, leur concentration dans les eaux usées provenant des usines de traitement est encore au moins 100 fois trop élevée. Chez l’humain, cependant, la science n’est pas encore capable d’établir de liens de cause à effet. « Nous savons, par exemple, qu’il y a un problème de fertilité dans la population, explique M. Sauvé, mais nous ne sommes pas encore en mesure de dire dans quelle proportion ce problème est la conséquence de résidus d’hormones dans l’eau. »

Eau potable

La concentration de ces produits dans l’eau potable est évidemment beaucoup plus basse, signale Sébastien Sauvé. On parle ici de quelques nanogrammes par litre d’eau. « Pour la majorité de ces médicaments, ce n’est pas grave, affirme-t-il. Leur concentration est tellement faible que ce n’est pas un souci. » Mais Daniel Cyr, professeur à l’Institut Armand-Frappier, s’inquiète de l’absence d’études à ce sujet. « Pour les personnes en santé, nous savons que ça ne pose pas de problème. Mais pour une personne qui prend des médicaments, par exemple, quelles sont les conséquences de boire de l’eau dans laquelle on trouve des résidus d’autres médicaments ? Nous n’avons aucune donnée à ce sujet. »

Source :  Scientific American

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