Analyse

Quelle sera la bonification du RRQ ?

Tandis qu’est connue la bonification à venir du Régime de pensions du Canada (RPC), celle du Québec reste entourée de mystère.

C’est à l’automne seulement que le ministre des Finances Carlos Leitao doit présenter une proposition de rechange à celle conclue entre Ottawa et les autres provinces en juin dernier.

Il n’est pas acquis encore que le ministre reprendra exactement les mêmes paramètres que ceux dévoilés en juin. Chose certaine, ils feront l’objet de consultations en commission parlementaire cet automne d’où sortiront sans doute plusieurs propositions de bonification de la rente ou de diminution des cotisations.

On peut déjà affirmer que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante campera sur sa position qui se résume à un « pas question d’augmentation des cotisations ».

Le lobby de la PME a dévoilé la semaine passée encore les résultats d’un sondage mené le mois dernier auprès de plus de 5000 employés de PME et qui indique une forte opposition à toute augmentation de l’épargne forcée.

Simultanément, l’Association canadienne de la paie publiait le sien qui révélait une autre facette de la réalité financière des Québécois : 73 % des Québécois affirment avoir épargné tout au plus le quart de ce dont ils auront besoin à leur retraite.

Parions qu’il y en aura d’autres.

En fin de compte, ce qui sera retenu pour le Régime de rentes du Québec (RRQ) s’éloignera peut-être davantage de la réforme adoptée pour le RPC et qui sera mise en place progressivement à compter de 2019.

Jusqu’ici, le refus de Québec d’adhérer intégralement à la réforme du RPC a été bien accueilli parce que M. Leitao a présenté une solution plus attrayante, en apparence du moins.

La réforme du RPC prévoit porter de 25 % à 33 % le taux de remplacement du revenu à la retraite. Le maximum de gains admissibles passera de 54 900 $ à 82 700 $. Le taux de cotisation sera augmenté graduellement de 9,9 % à 13 %, partagé moitié-moitié entre employeurs et employés. La bonification sera mise en place de 2019 à 2025. Comme elle est pleinement capitalisée, il faudra compter 40 ans avant qu’elle ne donne tous ses fruits.

Québec veut plutôt limiter la bonification aux revenus supérieurs à 27 500 $ (en dollars de 2016). Il soutient que faire cotiser les personnes à revenus inférieurs à ce seuil les priverait du Supplément de revenu garanti (SRG), un montant non imposable versé par Ottawa. Toutes proportions gardées, les Québécois accaparent la part du lion du SRG. Bonifier le RRQ pour les faibles revenus équivaudrait donc à faire épargner de l’agent à Ottawa sur le dos des petits salariés.

Les PME qui embauchent le gros de ces faibles salariés seraient aussi soulagées de ces nouvelles cotisations.

Reste une question : au bout du compte, laquelle des propositions fédérale ou québécoise est la plus avantageuse pour le futur retraité ?

Quatre chercheurs de la Chaire de recherche Industrielle-Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques ont multiplié les simulations (78 en tout) pour tenter de trouver la réponse.

La grande conclusion de David Boisclair, Simon Brière, Guy Lacroix, Steeve Marchand et Pierre-Carl Michaud est sans équivoque : « Les taux de rendement interne (TRI) des nouvelles cotisations sont comparables au taux de rendement d’autres produits financiers et […] sont similaires, sous les deux réformes proposées, pour les individus gagnant plus de 25 000 $ en moyenne [en dollars de 2015], mais la proposition du gouvernement fédéral génère des taux de remplacement du revenu plus élevés et est plus attrayante, en termes de TRI, pour les individus gagnant un revenu de travail se situant au bas de la distribution. »

Les chercheurs ont même trouvé pourquoi : la proposition fédérale inclut une bonification de la prestation fiscale pour revenu de travail (PFRT) qui atténue l’effet de la hausse des cotisations. Il s’agit d’un crédit d’impôt remboursable pour les travailleurs et les familles de travailleurs à faible revenu.

La bonification de la PFRT avait été qualifiée en juin de « patente un peu complexe » par le ministre Leitao qui préfère exclure les faibles revenus des nouvelles cotisations.

Jusqu’ici, le scénario de Québec postule qu’Ottawa ne modifiera pas le SRG même si la PFRT va lui coûter plus cher. Si ce n’était pas le cas toutefois, alors les faibles salariés québécois seraient doublement perdants : moins de SRG et pas de rente bonifiée.

Reste à voir où se situe la priorité de Québec : bonifier le revenu de retraite de tous ou ne pas alourdir les charges sur la masse salariale de la PME.

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