Inde

Majuli, l’île qui chante

Dans le nord-est de l’Inde, au cœur de l’Assam, Majuli est une île entourée par le fleuve Brahmapoutre. Son accès n’est pas des plus aisés, et c’est certainement ce qui préserve cette grande étendue sablonneuse des sentiers touristiques. Mais le détour en vaut la peine : paysages bucoliques, art religieux et sourires à la pelle sont les récompenses des voyageurs en quête d’un visage différent de l’Inde. Balade enchantée.

MAJULI, INDE — Le vélo est parfaitement adapté à l’exploration de cette île. Les transports en commun sont rares et l’absence de dénivelé facilite les choses. Ne reste plus qu’à apprivoiser les bicyclettes indiennes, avec leur guidon en U qui cogne dans les genoux et empêche tout changement brusque de direction.

Deuxième étape : trouver une carte de Majuli. Mission impossible. Il faut donc se contenter d’un plan approximatif, tracé à la main, représentant les principaux villages avec les quelques routes bitumées et les nombreux sentiers sablonneux qui les relient. En faire le tour en une journée est inimaginable : Majuli a longtemps été la plus grande île fluviale au monde, mais l’érosion l’a rétrécie à 425 km2 (presque la taille de l’île de Montréal). Majuli compte 200 000 habitants, une centaine d’espèces d’oiseaux et plusieurs milliers de moines peuplant les 22 satras (monastères) de l’île, qui représentent d’excellents objectifs de balade.

MONASTÈRES ARTISTIQUES

Majuli est réputée depuis le XVIe siècle pour ses satras. Ces monastères hindous vénérant Vishnou ont la particularité de transmettre leurs messages religieux par la musique, la danse et le théâtre. Des disciplines attirantes et compréhensibles par une population majoritairement illettrée à l’époque. Aujourd’hui, la tradition perdure, et les satras de Majuli sont considérés comme le berceau de la culture assamaise.

Avant de pénétrer dans ces enceintes sacrées, prière de laisser son véhicule, ses chaussures et son éventuel parapluie à l’entrée. Pas de porte ni de gardien : une ambiance calme et sereine accueille les visiteurs. Enfilades de bâtisses ancestrales aux teintes délavées, ombragées de palmiers. Là vivent les moines et sont entreposées les richesses du monastère : les récoltes, les costumes, les reliques.

Au centre trône le namghar, le temple épuré de tout artifice, qui s’éveille lors des prières quotidiennes et des spectacles. On déambule paisiblement, on croise des moines parés de blanc. Les plus jeunes peuvent avoir 5 ans. Ils sont confiés à cet âge par leur famille afin que leur corps puisse acquérir la souplesse requise à l’exécution des disciplines artistiques auxquelles ils consacreront leur vie. Cheveux longs, imberbes, les traits délicats, ils cultivent un certain caractère androgyne leur permettant d’incarner aussi bien les rôles masculins que féminins de la mythologie hindouiste.

Même si tous les satras sont faits sur le même modèle, chacun a sa personnalité. Ceux à ne pas manquer : l’Uttar Kamalabari Satra, reconnu pour la qualité de ses danses ; le minuscule Chamaguri Satra, où sont fabriqués les masques utilisés lors des représentations théâtrales ; et l’Auniati Satra, le plus imposant, avec ses 400 moines.

« Hello ! What’s your name ? Where do you come from ? »

Voici les questions souriantes auxquelles on répond des dizaines de fois par jour lorsqu’on parcourt les chemins de Majuli. Des rudiments d’assamais seraient utiles pour communiquer, mais heureusement, toute personne sachant quelques mots d’anglais s’improvise traducteur.

Les Missings, tribu originelle des hauteurs himalayennes d’Arunachal Pradesh, représentent la plus forte minorité de l’île. Leurs villages posés près des berges sont faits de très simples maisons en bambou montées sur pilotis, en prévision des fréquentes inondations. Devant ces demeures, de longues barques en bois attendent d’aller à la pêche. Tout autour, poules et cochons vaquent à leurs affaires. À l’abri du soleil sous un auvent, les femmes confectionnent des vêtements traditionnels sur leur métier à tisser.

Entre ces villages, la campagne ponctuée de palmiers s’étale à perte de vue avec, comme couleur, le vert des rizières ou le jaune des champs de moutarde, selon les saisons. En pédalant sur les sentiers sablonneux, on effraie à peine les blanches aigrettes, les perroquets criards et les gigantesques marabouts argalas.

UNE ÎLE TRANQUILLE

Le temps suit ici un rythme majulien, où le tic-tac des horloges est avantageusement remplacé par les conques et les coups de tambour et de cloche annonçant les heures des prières. Tout au long de la journée, la musique folklorique assamaise (plus douce que son équivalent hindi) sort des maisons et des boutiques. Avec un tel rythme de vie, qualifier Majuli d’île tranquille frôle l’euphémisme. Et en prenant le temps de la découvrir, l’île qui chante n’est pas loin de rimer avec l’île enchantée.

CARNET PRATIQUE

S’y rendre

L’aéroport de Jorhat est relié aux principales villes indiennes.
À une dizaine de kilomètres de Jorhat, de petits transbordeurs traversent le Brahmapoutre en une heure pour rejoindre l’île de Majuli.

Quand y aller

La saison sèche s’étale de septembre à mars, mais les mois de novembre et décembre sont les plus attrayants, alors que la végétation resplendit. Lors de la pleine lune de novembre, toute l’île fête Krishna pendant trois jours lors du festival de Rasleela. À la fin du mois de janvier, les années paires, l’Auniati Satra organise un important festival de théâtre. En tout temps, les satras peuvent effectuer des représentations privées de danse et de théâtre (compter 40 $).

Hébergement

Il est possible de loger dans les satras, en chambre monacale, pour un prix modique (comptez de 5 à 8 $ pour une chambre pour deux). Bien plus confortable, la Maison d’Ananda offre différents types d’hébergement pour tous budgets, dont une superbe maison typique en bambou, et loue aussi des vélos.

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