Progressistes, verts et égalitaires : le message des municipales

On est peu habitués au Québec à tirer des conclusions plus larges des élections municipales. Peut-être parce que les partis politiques nationaux n’ont pas investi les hôtels de ville, comme en France ou aux États-Unis. Ou peut-être parce que l’idée de faire voter toutes les villes en même temps est relativement nouvelle.

Reste que les résultats des municipales ont un petit air d’avertissement. Dans plusieurs grandes villes, on a vu l’élection de candidats progressistes, verts et pour qui une administration égalitaire sera plus qu’un slogan.

Ces élections passeront à l’histoire comme celles où les femmes ont pris leur place dans les municipalités. Des dix plus grandes villes du Québec, cinq sont désormais dirigées par des femmes. Cela est plus qu’un simple hasard démocratique. Et ce n’est pas seulement dans les grandes villes : Granby, Magog, Drummondville, Brossard, Saguenay, Val-d’Or, Rouyn-Noranda et tant d’autres villes ont élu des femmes dimanche.

Aussi, force est de constater que les électeurs se sont tournés vers une nouvelle génération de dirigeants municipaux qui sont à l’opposé du style « mononcle » qui a sévi bien longtemps dans les hôtels de ville. Pas tous, bien évidemment, mais plusieurs.

Ça veut le plus souvent dire des administrations municipales plus inclusives, qui ont une autre conception de la ville et de ses quartiers, du développement résidentiel et commercial. Des villes qui consultent davantage et qui sont plus à l’écoute des citoyens. Le temps du « on a été élus pour décider et on se reverra dans quatre ans » est, heureusement, en voie de disparition.

Évidemment, avoir des élus municipaux plus jeunes et plus de femmes ne signifie pas qu’une culture différente s’installera automatiquement dans les administrations municipales. Il ne faut pas être jovialiste et penser que tout va changer. Mais ce qui n’est peut-être pas une très grosse vague est quand même une avancée réelle.

De même, la définition du leadership des femmes et des jeunes en politique est souvent différente de celle de leurs aînés. Ce n’est surtout pas de vouloir tout décider tout seul et rapidement. Les one man show ont fait leur temps. La consultation n’est pas un signe de faiblesse et prendre le temps de débattre avant de décider est une saine façon de gouverner.

On a beaucoup parlé de transition écologique depuis quelque temps, mais ce que les municipalités doivent exécuter, c’est aussi une transition démocratique. Entre un rôle d’administration locale à un gouvernement de proximité.

Le travail des élus municipaux ne se définit plus par le maintien du compte de taxes bas et le fait de bien ramasser la neige et les ordures. Aujourd’hui, ils doivent s’occuper de qualité de vie, de logement, d’urbanisme et d’aménagement. Le tout alors que les villes sont perpétuellement sous-financées et qu’on tarde à leur accorder d’autres sources de revenus que la seule taxe foncière.

Cela signifie aussi que les gouvernements dits « supérieurs » devront prendre note que ce sera beaucoup plus difficile de faire accepter des projets tout ficelés d’avance et imposés d’en haut. On pense tout particulièrement au troisième lien et au REM de l’Est.

On notera qu’à Québec, dimanche, plus de 70 % des électeurs ont voté pour des partis qui avaient de sérieuses réserves envers le projet de tunnel entre Québec et Lévis.

Ce tunnel pharaonique dont le coût pourrait dépasser les 10 milliards de dollars – soit le coût estimé de la rénovation de toutes les écoles du Québec qui en auraient bien besoin – est précisément le genre de projet « clés en main » et imposé par en haut qui risque fort de ne pas être une priorité pour la nouvelle administration de Québec.

À Montréal, la mairesse réélue a maintenant les coudées franches pour s’assurer que le projet du REM de l’Est soit autre chose qu’une cicatrice de béton et qu’il réponde vraiment aux besoins des usagers de ce quartier enclavé plutôt qu’au plan d’affaire du promoteur.

Ça devrait forcer la Caisse de dépôt et placement du Québec à s’asseoir avec la Ville de Montréal et à revoir le projet autrement qu’à coup d’ultimatums et avec une attitude de « c’est à prendre ou à laisser » qui est devenue sa marque de commerce.

Enfin, un mot sur le taux de participation trop faible qui pourrait trop facilement servir d’excuse pour oublier commodément le message de ces élections municipales. On le sait d’expérience, quand il y a deux élections consécutives, c’est toujours la seconde qui écope.

Ainsi, au Québec, le taux de participation entre les élections provinciales de 2007 et celle de 2008 est passé de 71 % à 57 %, le plus bas en 70 ans. Mais il faut dire que – comme cette année – elles furent déclenchées quelques semaines après des élections fédérales et le lendemain de l’élection de Barack Obama, qui avait été très suivie au Québec. Le municipal ne fait pas exception, hélas. Quand on passe en dernier, on a plus de mal à attirer l’attention.

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