Clubs de lecture

Le livre, objet sociable

Aux États-Unis, on estime que plus de 5 millions de personnes font partie d’un club de lecture. Même si de tels chiffres ne sont pas encore disponibles au Québec, tout porte à croire que le phénomène – ancré depuis longtemps dans les traditions de nos voisins du Sud – a bel et bien traversé la frontière canado-américaine.

On trouve maintenant dans la province des clubs consacrés à tous les types de livres : des polars aux briques européennes, des romans graphiques aux essais d’affaires. Et pas seulement dans les bibliothèques, mais aussi dans les maisons, les bars, les cafés et les restos. C’est sans parler des nombreux groupes Facebook dans lesquels les lecteurs partagent leurs coups de cœur. Et des clubs d’émissions de télé comme Marina et Bazzo.TV. Mais d’où vient cet engouement ?

COMME UN MILLION DE GENS

Natalie Brown est membre du Superwomen Book Club, un club privé réservé aux femmes, qu’elle a fondé il y a quelques années avec ses copines. Selon elle, si les cercles de lecture ont de plus en plus la cote au Québec, c’est directement lié à la popularité de l’Oprah’s Book Club, un projet en ligne de la grande papesse de la télé américaine. « C’est elle qui a amené les cercles de lecture dans la culture populaire », croit Natalie Brown.

L’avocate de profession compare les clubs de lecture actuels à une version nouveau genre des fameux partys Tupperware. Mais en plus cool. Et en plus intello. 

« Ça démontre aussi que les besoins et les sujets de conversation des femmes ont évolué au fil des ans. Elles ont envie d’être stimulées intellectuellement et de parler d’autre chose que de rouge à lèvres ! »

— Natalie Brown, membre du Superwomen Book Club

Marie-Anne Poggi supervise la programmation d’une dizaine de clubs par mois. Depuis qu’elle a commencé, en 1982, l’animatrice assure que le nombre de membres dans ses clubs ne fait qu’augmenter. Pour participer à certains cercles, il faut même mettre son nom sur une liste d’attente !

D’après elle, si les lecteurs se déplacent tous les mois, beau temps mauvais temps, pour discuter pendant deux heures d’un livre imposé, c’est d’abord parce qu’ils ont besoin de s’exprimer. Mais aussi parce qu’ils sont curieux. « Les gens reviennent d’une fois à l’autre parce qu’ils ont l’impression d’avoir appris quelque chose, dit-elle. Le club se situe à mi-chemin entre la lecture universitaire et celle qu’on fait seul chez soi pour le plaisir. »

Carole Lamoureux anime également une dizaine de clubs de lecture à Montréal et à Laval. Pour elle, c’est la formule décomplexée et conviviale qui interpelle les lecteurs dans les clubs de lecture nouveau genre. « Parler d’un livre autour d’un verre de vin, c’est joindre l’utile à l’agréable. »

N’empêche, croit-elle, ce que les membres viennent chercher, c’est quand même plus qu’un verre de merlot : « L’acte de lecture, ce n’est pas simplement lire un livre. Quand on lit, on se met en scène et on s’identifie, on découvre des traits de notre personnalité. »

SEUL DANS LA FOULE

Pour la présidente-directrice du festival littéraire Metropolis bleu William St-Hilaire, impossible de dissocier l’engouement que suscitent les clubs de lecture de l’avènement des réseaux sociaux. 

« Même si les gens communiquent énormément, ils se sentent seuls. Le club est une réponse naturelle à leur besoin de socialiser. »

— William St-Hilaire, présidente du festival Metropolis bleu

Oui, d’accord. Mais pourquoi choisir de s’inscrire à un club de lecture, plutôt qu’à un club de cartes ou de quilles, par exemple ? Contrairement aux autres loisirs, la lecture de romans favorise le développement de l’empathie, croit William St-Hilaire : « Quand on écoute quelqu’un parler d’un livre, on élargit ses horizons. »

Le club permet effectivement de donner une profondeur à sa propre lecture, ajoute l’auteure et éditrice Marie-Andrée Lamontagne. Membre du cercle de lecture du premier roman de la librairie Gallimard, elle estime qu’échanger sur un roman oblige à préciser sa pensée : « Quand on fait partie d’un club de lecture, on se sent plus intelligent ! »

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