Michel Huneault

Les épreuves d’un deuil

Le photographe Michel Huneault vient de publier un livre qui découle du drame qui a frappé Lac-Mégantic, le 6 juillet 2013, quand un train chargé de pétrole a provoqué une catastrophe tuant 47 personnes. Édité en Europe, le livre La longue nuit de Mégantic illustre l’après-tragédie et évoque le deuil à faire.

Michel Huneault s’est beaucoup impliqué, voire attaché, à Lac-Mégantic depuis le 7 juillet 2013. Il y est allé 14 fois durant les 12 mois qui ont suivi la tragédie. Il était donc logique, le 15 décembre dernier, qu’il aille lancer son livre résultant du drame à la librairie Canaille, dans le nouveau centre-ville de Lac-Mégantic.

Après avoir présenté l’exposition La longue nuit de Mégantic au Québec, à Toronto et même au Japon, Michel Huneault a senti qu’un livre s’imposait. Avec des photos et des témoignages de proches des victimes. 

« Un an et demi après la catastrophe, des gens du village ont commencé à s’ouvrir, dit le photographe de 40 ans en entrevue. Le fait de parler, ça a eu un impact incroyable sur leur vie. » 

— Michel Huneault

Le photographe a intéressé un éditeur néerlandais qui a vu dans la tragédie un sujet universel. Sur les aléas du transport des matières dangereuses et les nuisances du pétrole, bien sûr, mais aussi sur le deuil d’une communauté. Bilingue, La longue nuit de Mégantic est le premier livre de Michel Huneault après une trentaine d’expos en sept ans dont la moitié à l’extérieur du Québec. 

Livre sur le deuil

La longue nuit de Mégantic n’est pas un livre d’art comme les autres. Il s’agit d’abord d’un ouvrage sur le deuil. Avec une cinquantaine de photos prises pendant l’année qui a suivi le déraillement du train de 72 wagons de la Montreal, Maine & Atlantic qui transportait 7,7 millions de litres de pétrole brut du Dakota du Nord. Des photos nocturnes ou crépusculaires, sombres comme cette nuit de pétrole noir qui a avalé le centre-ville et plongé une communauté dans le désarroi. 

Sobres et expressives, ses images montrent avec tact quelques proches des victimes mais aussi les lieux, la végétation, le ciel étoilé, le lac, un train retraversant le village et des objets trouvés dans les décombres. Un trousseau de clés, une montre, ayant permis d’identifier des personnes. 

Michel Huneault a intégré dans le livre des témoignages de Méganticois. Des états d’âmes présentés comme des poèmes. Avec des passages bouleversants. Comme Clermont Pépin qui, un an après la tragédie, raconte qu’à cette période de l’année, il aurait dû être avec son fils Éric sur leur terrain de chasse à « soigner le chevreuil ». Éric, mort avec ses trois chums, Maxime Dubois, Mathieu Pelletier et David Lacroix-Beaudoin, au bar Musi-Café, le soir du drame. 

Écho international

Le livre est respectueux et humain. On sent l’influence chez Michel Huneault de ses 11 années passées en coopération internationale. Publié aux Pays-Bas par l’éditeur Schilt, l’ouvrage est promis à une belle carrière internationale. Il a été lancé en septembre à Paris et aux Pays-Bas. Le quotidien britannique The Guardian en a alors fait état 

La longue nuit de Mégantic sera aussi lancé à l’Université Duke, en Caroline du Nord, le 12 janvier, dans le cadre de l’exposition Post Megantic que Michel Huneault présente jusqu’au 17 février au Center for Documentary Studies de Durham, grâce au prix Dorothea Lange-Paul Taylor qu’il a reçu l’an dernier aux États-Unis. 

Il y exposera deux corpus :  La longue nuit de Mégantic (2013-2014) et Les nouveaux souvenirs (2014-2016), le dernier chapitre de son travail à Lac-Mégantic, qui comprend un quadriptyque vidéographique intitulé Les jours suivants. Pour évoquer le futur et les choix qui s’offrent à la population de la cité estrienne. 

Car Michel Huneault compte poursuivre son travail sur Mégantic, se sentant proche et solidaire de sa population. « Mon premier salaire, c’est la richesse des contacts que j’ai avec les gens », dit le photographe, fasciné par les défis que posent les épreuves et les fatalités sur les sociétés humaines.

Passionné par le reportage de terrain et le « journalisme esthétique », Michel Huneault voit ses réalisations de plus en plus saluées. Son œuvre sur le Japon post-tsunami, exposée en Suisse l’été dernier, lui a valu un prix Antoine-Désilets, le 19 novembre, lors du gala de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. 

Il travaille actuellement sur un documentaire sur les diasporas et compte bien se pencher encore sur les thèmes de la migration contemporaine, de l’occupation du territoire et du développement international. Tout en gardant un œil bien ouvert sur Mégantic et son processus de délivrance. 

La longue nuit de Mégantic

Michel Huneault

Schilt Publishing, Amsterdam 

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