JOËLLE MOROSOLI

Cages et prisons de l’âme

Artiste d’art public et cinétique, Joëlle Morosoli voit ses installations mécaniques présentées deux fois en solo cet hiver à Montréal. D’abord au Centre d’exposition Lethbridge où l’on peut déambuler au sein de plusieurs œuvres mouvantes jusqu’au 15 janvier, puis à la galerie McClure, du 6 au 28 janvier. Deux expos sur nos peurs et nos instincts. 

Passionnée de cinétique, l’artiste montréalaise Joëlle Morosoli recherche l’émotion dans les rythmes qu’elle génère en donnant « des formes aux mouvements ». Avec son compagnon-technicien, Rolf Morosoli, elle a déjà réalisé 25 œuvres d’art intégrées à l’architecture au Québec dont plusieurs sont en mouvement. 

Au Centre d’exposition Lethbrige, elle a transformé la grande galerie en un cirque d’effets, de miroitements et de bruissements, y greffant quatre cages translucides au sein desquelles on distingue quatre formes humaines en entrant dans la salle.

Pour découvrir cette installation intitulée Le guet, on doit d’abord appuyer sur un bouton. Toutes les œuvres se mettent alors à bouger. Suspendues au plafond, les quatre cages pendulaires tournent sur elles-mêmes, s’ouvrent et se referment, projetant des ombres étranges sur le plancher. 

Personnages en cages

Chacun de ces ensembles est composé de plaques transparentes en plexiglas ondulé rattachées à des barres métalliques qui bougent grâce à des câbles actionnés par un moteur. On entrevoit à l’intérieur de chaque cage le contour d’un personnage pris dans un traquenard. 

Dans un cas, ce contour est formé par des panneaux de polystyrène sculptés afin de révéler un immense personnage sombre et écorché. Pour une autre cage, la silhouette est définie par la place précise de longs tubes cartonnés qui ressemblent à des sagaies. Dans un troisième cas, le dessin d’un humain en position embryonnaire a été placé au centre de la cage. Et pour la quatrième, la forme est figurée par des pointillés dessinés sur le plexiglas. 

L’installation est interactive. On peut s’introduire à l’intérieur de deux des cages, s’y sentir protégé pendant quelques instants puis piégé par ces sagaies menaçantes qui se referment sur vous. Joëlle Morosoli explique que « la perception du mouvement suscite l’instinct de survie car tout ce qui bouge dans la pièce peut être une proie ou un prédateur », comme quand on vient au monde. Le mouvement est notre première perception, avant même de naître. 

Pour ressentir ces déplacements, ces ébranlements et autres secousses émis par l’installation, rien de mieux que de s’asseoir sur un banc et de se laisser charmer par cette expérience à la fois remuante, abstraite et poétique. 

Ombres sous tension est la seule œuvre murale de l’installation Le guet. Grâce au même système motorisé, deux ailes formées de trois barres en plexiglas se déploient puis se replient. Les bandelettes de tissu en plastique blanc qui les constituent se tendent à l’extrême puis se détendent, créant des jeux de lumière et des ombres plus ou moins grandes sur le mur. Donnant l’impression d’une bête qui respire, s’étire et se rétracte. Dépeignant aussi nos propres pulsions, parfois pacifiques, parfois violentes, des élans qui requièrent contrôle et équilibre. Mais aussi de faire le guet en nous-mêmes… 

Trame funeste

Dès le 6 janvier, Joëlle Morosoli présentera une autre série d’œuvres mécaniques dans deux salles de la galerie McClure. Notamment Trame funeste, constituée de parois en tissu posées sur le sol et qui, progressivement, se hissent verticalement. En prenant de la hauteur, elles dévoilent des formes de corps de prisonniers. Ils sont agrippés à leurs barreaux de mauvaise fortune et semblent vouloir s’échapper sans y parvenir. Une réflexion sur nos prisons personnelles, angoisses et obsessions mêlées. Un corpus que l’artiste a montré récemment à Jonquière. 

Le guet, de Joëlle Morosoli, jusqu’au 15 janvier au centre d’exposition Lethbridge (2727, boulevard Thimens, Montréal)

Chaos pénétrable, de Joëlle Morosoli, à la galerie McClure (350, avenue Victoria, Montréal), du 6 au 28 janvier

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