Une vie d'entraîneur

Conseiller en gestion de couple !

Il faut beaucoup de passion pour aller s’enfermer une bonne partie de l’été dans un aréna sombre et humide de Saint-Léonard. C’est pourtant ce que fait Richard Gauthier depuis près de 30 ans afin d’aller entraîner ses couples de patineurs artistiques.

« Au début, déjà ici dans ce même aréna, je travaillais avec des jeunes et nous avons tous progressé ensemble, rappelait-il, la semaine dernière, pendant une pause. D’autres patineurs sont arrivés, une équipe d’entraîneurs et de chorégraphes se sont joints à moi – l’indispensable Bruno Marcotte en particulier – et on travaille maintenant avec des athlètes de très haut niveau. »

Ce matin-là, trois médaillés de mondiaux – Meagan Duhamel, Eric Radford et Mervin Tran - étaient sur la glace de l’aréna Roberto Luongo, au bord de la Métropolitaine, accompagnés de plusieurs des meilleurs espoirs canadiens. Le lendemain, d’autres couples étrangers allaient se joindre à eux.

C’est que Gauthier est aujourd’hui reconnu comme l’un des rares spécialistes du patinage artistique au monde. Les titres mondiaux et olympiques de David Pelletier et Jamie Salé, les mieux connus de ses patineurs, lui ont valu une réputation internationale. Ses connaissances, son entregent et ses formidables qualités de communicateur ont fait le reste.

Aujourd’hui, sa compétence est recherchée au plus haut niveau du patinage artistique et il anime des séminaires partout dans le monde. Mais Richard trouve sa véritable satisfaction ailleurs.

« Pour moi, bien plus que les résultats, ce sont les contacts humains qui me motivent à exercer ce métier. J’ai travaillé avec certains patineurs pendant près de 20 ans. J’ai vraiment l’impression d’avoir eu un rôle à jouer dans leur vie.

« L’un des plus beaux souvenirs de ma carrière, bien plus important que les titres ou les médailles, est survenu après la retraite des patineurs polonais Dorota Zagorska et Mariusz Siudek, qui n’avaient pas hésité à quitter leurs pays, au début des années 2000, pour venir vivre à Montréal afin de s’entraîner avec moi.

« Ils forment un couple aussi dans la vie et ont fondé une famille. À ma grande et belle surprise, ils ont prénommé leur fils Richard en mon honneur. Je ne pouvais imaginer recevoir un jour une telle marque de reconnaissance. »

Un groupe uni

Grâce à Gauthier, le club de patinage artistique de Saint-Léonard est une grande « famille » où les patineurs – souvent exilés d’autres provinces, voire d’autres pays – tissent des liens et partagent leur passion. Et son travail avec les couples exige un rare doigté puisque ces patineurs ne forment habituellement un couple que sur la patinoire.

« J’ai beaucoup appris sur la psychologie des athlètes au cours des années et j’essaie de transmettre tout ça à mes patineurs, explique-t-il. Comme dans la vie, les filles et les garçons ne pensent pas de la même façon, ils ne réagissent pas de la même façon. C’est à moi de m’assurer qu’ils sont sur la même longueur d’onde et qu’ils patinent à l’unisson. »

Et Richard doit aussi faire en sorte que tout le monde reste motivé, ce qui n’est pas évident dans un sport comme le patinage artistique. « C’est difficile, parce que ce ne sont pas toujours les meilleurs qui l’emportent, rappelle-t-il. Notre sport est jugé et où il y a des juges, il y a aussi de la politique.

« C’est beaucoup mieux depuis la refonte du système de pointage, sur le plan technique en particulier, mais il y a encore du favoritisme. Je dois aussi apprendre à mes patineurs à vivre avec ça… »

De toute évidence, la méthode Gauthier fonctionne.

L’autre matin, alors qu’ils reprenaient l’entraînement et commençaient à peine à pratiquer leurs nouveaux programmes, Duhamel et Radford montraient déjà la cohésion qui leur a valu une médaille de bronze aux derniers mondiaux et fait d’eux des favoris pour une médaille olympique.

Du bord de la rampe, la caméra à la main, l’entraîneur guettait chacun des mouvements. Quelques instants plus tard, il corrigeait avec ses patineurs les petits détails à reprendre. Et plus tard encore, avec un autre couple, il n’hésitait pas à sauter sur la glace pour bien montrer les subtilités d’un mouvement, prenant la place à tour de rôle du garçon et de la fille pour bien expliquer.

Ce sera comme ça une bonne partie de l’été, en matinée, dans un aréna sombre et humide de Saint-Léonard. Une douzaine des meilleurs patineurs artistiques canadiens prépareront la prochaine saison. Au bord de la rampe, encore plus passionné qu’eux, Richard Gauthier sera heureux.

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