Colombie

La guerre est terminée, la paix reste à gagner

Moins d’un an après avoir signé un accord de paix avec le gouvernement colombien, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont officiellement rendu les armes, avant-hier. Si le geste est un pas dans la bonne direction, la paix, elle, n’est pas gagnée d’avance, ont dit à La Presse deux militantes colombiennes des droits de la personne, rencontrées à Montréal.

« Adieu à la guerre. Adieu aux armes et bienvenue à la paix. »

C’est dans ces mots que le leader des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Rodrigo Londono, mieux connu sous son nom de guerre Timochenko, a déclaré la transformation du groupe armé qu’il dirige en organisation politique, cette semaine.

« Aujourd’hui, nous ne laissons pas tomber la Colombie. Nous déposons les armes », a-t-il dit alors que plus de 7000 armes de la guérilla trouvaient leur chemin jusque dans des hangars des Nations unies. « C’est la meilleure nouvelle en 50 ans pour la Colombie », a ajouté le président colombien, Juan Manuel Santos, qui a reçu le prix Nobel de la paix l’an dernier après avoir conclu un accord de paix avec les FARC.

Le début de la pacification

Militante des droits de la personne à Bogota, Liliam Cuevas se réjouit des récentes avancées dans son pays, mais note que les poignées de main entre le gouvernement et le groupe armé ne sont que le début d’un grand processus de pacification du pays marqué au fer rouge par cinq décennies de conflits, qui ont fait plus de 220 000 morts et 7 millions de déplacés.

« Nous travaillons dans des secteurs urbains où cohabitent maintenant des victimes de la guerre, des familles de personnes disparues, des déplacés et des anciens combattants démobilisés », explique Liliam Cuevas, qui était à Montréal ce mois-ci pour recevoir une formation en droits de la personne de l’organisation Équitas, avec une centaine d’autres militants des quatre coins de la planète. 

« Il y a beaucoup de méfiance. Nous essayons de trouver des stratégies pour que tous ces gens apprennent à régler des problèmes sans utiliser la violence. »

— Liliam Cuevas

Son travail consiste notamment à regrouper dans une même pièce des Colombiens qui ne s’adresseraient jamais la parole pour les aider à trouver des solutions communes aux problèmes sociaux et économiques qui affligent leurs communautés. « Ensemble, ils peuvent revendiquer leurs droits, que ce soit le droit à l’éducation ou encore le droit au logement », note Liliam Cuevas.

Plus de menaces

Ce travail, note la jeune femme, est particulièrement difficile… et dangereux. La fin des hostilités entre le gouvernement et les FARC n’a pas encore sonné la fin de la violence dans le pays. D’autres groupes armés – criminels, paramilitaires ou guérilléros dissidents – tentent d’occuper le terrain laissé vacant par les FARC. « Un des principaux défis est la redistribution des terres qu’occupaient les FARC. À qui appartiennent ces terres ? Les gens déplacés veulent retourner chez eux, mais d’autres acteurs croient aussi que ça devrait leur appartenir », dit Liliam Cuevas.

Du coup, ceux qui essaient de revendiquer leurs droits sont ciblés.

« Les menaces de mort sont encore plus nombreuses et plus visibles que pendant la guerre. »

— Laura Martinez, responsable des programmes d’Équitas en Colombie

La veille d’une activité organisée par Liliam Cuevas, la maison d’un des participants a été criblée de balles, racontent les deux Colombiennes. Sans grande surprise, l’homme visé a préféré ne pas se présenter le lendemain. L’événement a semé la peur dans la communauté.

Un long processus

Laura Martinez croit que les Colombiens vont devoir faire preuve de beaucoup de patience. Les disparités sociales et économiques qui étaient à l’origine du conflit en Colombie sont toujours flagrantes. « Les gens pensaient que les choses allaient changer du jour au lendemain avec l’accord de paix, mais ça va prendre du temps. Et du travail. Et c’est le bon moment de le faire. La communauté internationale nous soutient. Nous ne devons pas laisser passer notre chance. »

— Avec l’Agence France-Presse

Cinq décennies de conflit

1964

Une cinquantaine de fermiers, dénonçant les abus de pouvoir de l’élite colombienne et sa mainmise sur les terres, forment les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

1984

Le président Belisario Betancur entame les premiers pourparlers de paix avec les FARC. Ils échouent.

1999

Alors que la violence atteint de nouveaux sommets, le président colombien de l’époque, Andrés Pastrana Arango, entame de nouvelles négociations. Il y mettra fin lorsque les FARC enlèveront Ingrid Betancourt, la candidate à la présidence, en février 2002.

2010

Ancien ministre de la Défense, Juan Manuel Santos est élu président de la Colombie et se dit prêt à négocier avec les FARC, si ces derniers sont prêts à déposer les armes et à mettre fin au trafic de la drogue.

2012

Des négociations débutent à La Havane.

26 septembre 2016

Signature à Carthagène de l’accord de paix entre l’État colombien et les FARC.

2 octobre 2016

À la surprise générale, une majorité de Colombiens votent contre l’accord de paix.

7 octobre 2016

Malgré l’échec du référendum, Juan Manuel Santos reçoit le prix Nobel de la paix.

13 novembre 2016

Un traité de paix revu et corrigé est adopté par les deux parties. Le 30 novembre, le Congrès colombien le ratifie.

27 juin 2017

Cérémonie à Mesetas pour marquer le fait que les FARC ont rendu leurs dernières armes aux Nations unies.

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