BièreS

Bonnes à boire, belles à voir

Avec près de 200 microbrasseries ou broue-pubs, l'industrie brassicole québécoise est en effervescence. Et tout ce beau monde tente de séduire les amateurs en se distinguant sur les tablettes. Un temps caractérisée par un univers légendaire, l’imagerie de la bière québécoise s’ouvre à de nouvelles influences. Survol visuel.

Microbrasserie du Lac-Saint-Jean

Auteur du court métrage d’animation Dimanche, nommé aux Oscars en 2012, Patrick Doyon a signé son premier contrat professionnel cinq ans plus tôt en répondant à l’appel de son ami Marc Gagnon, copropriétaire de la Microbrasserie du Lac-Saint-Jean. « Je suis parti avec le nom des bières et j’ai essayé de faire quelque chose qui détonnait par rapport au design des bières à l’époque, généralement très noir et très masculin, explique l’artiste. Le style des bières m’a aussi influencé, pour les bières fortes, j’ai tendance à faire des dessins avec des personnages plus costauds, avec une forte personnalité. » Autour de thèmes rappelant certaines histoires du Lac-Saint-Jean, Patrick Doyon a créé des personnages rigolos sur des fonds très colorés, précisément dans le ton recherché par les microbrasseurs de Saint-Gédéon. « Avant de commencer à brasser, on a suivi des stages en Belgique et on aimait bien le côté BD et ludique qu’on trouvait là-bas, se souvient Annie Saint-Hilaire, directrice générale. Quand nos bouteilles sont arrivées sur les tablettes, ça a vraiment marqué le marché. »

Capacité de brassage : 3500 hectolitres

Points de vente : près de 900 partout au Québec

La Pécheresse

Pour sa nouvelle gamme de bières, la brasserie artisanale de La Tuque a elle aussi fait le choix de personnages très typés. Avec un style bien différent de celui de la Microbrasserie du Lac-Saint-Jean, toutefois. « On a voulu se démarquer au niveau du coup d’œil, révèle le directeur général Michaël Martineau. On avait des personnages en tête, j’ai même demandé au chanteur Fred Fortin si je pouvais m’inspirer d’une de ses chansons. » C’est avec la sinistre Mme Rose à l’esprit que Michaël a fait appel à son ami d’enfance Kristofer Dompierre, illustrateur et peintre gore. « On est arrivés à trouver un juste milieu pour bien se démarquer sans dépasser certaines limites de mise en marché », soutient Michaël. Kristofer a ensuite mis de 200 à 400 heures pour réaliser chacune des quatre étiquettes, en utilisant l’acrylique, l’encre, l’aquarelle, le feutre et le plomb. « Les gars me demandent pourquoi c’est long, je leur réponds que c’est la même chose pour eux quand ils peaufinent leurs bières », illustre l’artiste.

Capacité de brassage : bientôt 1600 hectolitres

Points de vente : 300, un peu partout au Québec

Les Grands Bois

Les cinq partenaires de la microbrasserie Les Grands Bois ont puisé dans la culture populaire québécoise pour trouver le nom de leurs bières – leur IPA est inspirée d’un jeu-questionnaire animé par Michel Louvain à la fin des années 80… « J’ai toujours eu le goût de faire des étiquettes de bières, tout le monde en design a le goût de faire ça, c’est très créatif, confie Ariane Peticlerc, qui a illustré la plupart des bières de la microbrasserie de Saint-Casimir. Dès le départ, je voulais que ce soit très coloré, parce que j’avais remarqué qu’il y a beaucoup d’étiquettes foncées qui évoquent des légendes, le diable ; on voulait aller ailleurs. »

« On lui a donné le mandat de créer une signature éclatée et colorée, et son style s’est imposé, confirme le directeur général Maxime Naud-Denis. On ne voulait pas faire dans le folklore ou le patrimoine religieux, on voulait une ligne plus actuelle, plus vive. Aussi, il y a une légèreté dans le graphisme qui reflète nos bières, c’est venu un peu naturellement. »

Capacité de brassage : 2000 hectolitres par année

Points de vente : environ 200, répartis dans les régions de Québec, de la Mauricie, de Montréal, de Lanaudière, du Centre-du-Québec et de l'Estrie.

Brasserie Dunham

À la Brasserie Dunham, on est allé encore plus loin. Simon Bossé, qui œuvre dans le domaine de l’illustration et de la BD depuis plus de 20 ans, assure en quelque sorte la direction artistique de l’entreprise. Il a carte blanche. « Simon fait le lien avec les artistes, on reçoit l’étiquette et on l’accepte, que ça nous plaise ou non, affirme Sébastien Gagnon, fondateur de la microbrasserie. Personnellement, il y a des trucs où j’ai dit “wow” et d’autres qui m’emballaient un peu moins, mais l’idée est de tenir à cette démarche-là du début à la fin. »

« Je vois beaucoup de similitudes entre l’illustration et le brassage artisanal, on fait beaucoup d’expérimentation, confie Simon Bossé. Les grandes brasseries font affaire avec des bureaux de design, ils cherchent à trouver la couleur parfaite pour chacune des virgules. Ici, on veut être plus près du travail authentique et unique. En fait, c’est notre marque de commerce ; on sort 20 produits par année, ça commande 20 étiquettes différentes, c’est vraiment dynamique. »

Capacité de brassage : 4500 hectolitres

Points de vente : 400 un peu partout au Québec ; 11 % des ventes se font à la brasserie, 14 % à l’extérieur de la province

Le Trou du Diable

« Oui, la bière doit être bonne et te transporter ailleurs, mais c’est une touche de magie qu’on lui donne quand on lui associe une belle image et une description inventive. » Le président du Trou du Diable, Isaac Tremblay, s’amusait déjà à faire des logos pour les bières qu’il brassait avec son ami André Trudel, il y a près de 15 ans. Ils ont depuis fait appel à des illustrateurs de renom, mais ils restent au cœur de la signature visuelle de la microbrasserie de Shawinigan. Tout en conservant une facture graphique constante signée Alain Mélançon, le choix des illustrations est rapidement devenu très éclectique. « La transition s’est faite tout naturellement parce qu’on a toujours suivi les idées qui nous font triper, révèle Isaac Tremblay. Le fait de s’être inspirés de gravures médiévales pour certaines de nos bières n’avait rien de calculé. Avec la McTavish, on clame haut et fort notre statut de geeks, on n’a pas peur de ça. Et ça ne doit pas nuire parce que ça reste notre bière la plus vendue au Québec ! »

Capacité de brassage : 17 500 hectolitres par année

Points de vente : 1500 au Québec et ailleurs dans le monde ; 15 % des ventes se font à l’extérieur de la province

La Souche

Antoine Bernatchez, cofondateur de La Souche, avoue s’être inspiré de la signature soignée de Dieu du Ciel pour développer l’image de sa brasserie artisanale. L’idée a germé il y a six ans lors de l’exposition au broue-pub de l’illustrateur Félix Girard, au terme de laquelle il avait réalisé une affiche de la Canardière, la première bière de La Souche. L’an dernier, quand le projet de microbrasserie a été relancé, il a accepté volontiers d’illustrer l’ensemble de la gamme. « J’ai pris le temps de réfléchir à ce qui m’accrochait sur les tablettes, souligne l’illustrateur. Je trouvais intéressant de voir une grosse image, un titre et pas trop d’informations. Ça prend quelque chose qui parle tout de suite. » Après quoi, le contenu doit prendre la relève : « Tant que les gens n’ont pas goûté, c’est ton étiquette qui va parler, admet Antoine Bernatchez. Après, ils veulent le produit qu’ils connaissent. Le goût doit rester stable ; si ça goûte l’eau, ils ne reviendront pas. »

Capacité de brassage : bientôt 5000 hectolitres par année

Points de vente : concentrés dans la région de Québec ; la prospection est commencée dans la région de Montréal.

BièreS

Bonnes à boire, belles à voir

Avec près de 200 microbrasseries ou broue-pubs, l'industrie brassicole québécoise est en effervescence. Et tout ce beau monde tente de séduire les amateurs en se distinguant sur les tablettes. Un temps caractérisée par un univers légendaire, l’imagerie de la bière québécoise s’ouvre à de nouvelles influences. Survol visuel.

Microbrasserie du Lac-Saint-Jean

Auteur du court métrage d’animation Dimanche, nommé aux Oscars en 2012, Patrick Doyon a signé son premier contrat professionnel cinq ans plus tôt en répondant à l’appel de son ami Marc Gagnon, copropriétaire de la Microbrasserie du Lac-Saint-Jean. « Je suis parti avec le nom des bières et j’ai essayé de faire quelque chose qui détonnait par rapport au design des bières à l’époque, généralement très noir et très masculin, explique l’artiste. Le style des bières m’a aussi influencé, pour les bières fortes, j’ai tendance à faire des dessins avec des personnages plus costauds, avec une forte personnalité. » Autour de thèmes rappelant certaines histoires du Lac-Saint-Jean, Patrick Doyon a créé des personnages rigolos sur des fonds très colorés, précisément dans le ton recherché par les microbrasseurs de Saint-Gédéon. « Avant de commencer à brasser, on a suivi des stages en Belgique et on aimait bien le côté BD et ludique qu’on trouvait là-bas, se souvient Annie Saint-Hilaire, directrice générale. Quand nos bouteilles sont arrivées sur les tablettes, ça a vraiment marqué le marché. »

Capacité de brassage : 3500 hectolitres

Points de vente : près de 900 partout au Québec

La Pécheresse

Pour sa nouvelle gamme de bières, la brasserie artisanale de La Tuque a elle aussi fait le choix de personnages très typés. Avec un style bien différent de celui de la Microbrasserie du Lac-Saint-Jean, toutefois. « On a voulu se démarquer au niveau du coup d’œil, révèle le directeur général Michaël Martineau. On avait des personnages en tête, j’ai même demandé au chanteur Fred Fortin si je pouvais m’inspirer d’une de ses chansons. » C’est avec la sinistre Mme Rose à l’esprit que Michaël a fait appel à son ami d’enfance Kristofer Dompierre, illustrateur et peintre gore. « On est arrivés à trouver un juste milieu pour bien se démarquer sans dépasser certaines limites de mise en marché », soutient Michaël. Kristofer a ensuite mis de 200 à 400 heures pour réaliser chacune des quatre étiquettes, en utilisant l’acrylique, l’encre, l’aquarelle, le feutre et le plomb. « Les gars me demandent pourquoi c’est long, je leur réponds que c’est la même chose pour eux quand ils peaufinent leurs bières », illustre l’artiste.

Capacité de brassage : bientôt 1600 hectolitres

Points de vente : 300, un peu partout au Québec

Les Grands Bois

Les cinq partenaires de la microbrasserie Les Grands Bois ont puisé dans la culture populaire québécoise pour trouver le nom de leurs bières – leur IPA est inspirée d’un jeu-questionnaire animé par Michel Louvain à la fin des années 80… « J’ai toujours eu le goût de faire des étiquettes de bières, tout le monde en design a le goût de faire ça, c’est très créatif, confie Ariane Peticlerc, qui a illustré la plupart des bières de la microbrasserie de Saint-Casimir. Dès le départ, je voulais que ce soit très coloré, parce que j’avais remarqué qu’il y a beaucoup d’étiquettes foncées qui évoquent des légendes, le diable ; on voulait aller ailleurs. »

« On lui a donné le mandat de créer une signature éclatée et colorée, et son style s’est imposé, confirme le directeur général Maxime Naud-Denis. On ne voulait pas faire dans le folklore ou le patrimoine religieux, on voulait une ligne plus actuelle, plus vive. Aussi, il y a une légèreté dans le graphisme qui reflète nos bières, c’est venu un peu naturellement. »

Capacité de brassage : 2000 hectolitres par année

Points de vente : environ 200, répartis dans les régions de Québec, de la Mauricie, de Montréal, de Lanaudière, du Centre-du-Québec et de l'Estrie.

Brasserie Dunham

À la Brasserie Dunham, on est allé encore plus loin. Simon Bossé, qui œuvre dans le domaine de l’illustration et de la BD depuis plus de 20 ans, assure en quelque sorte la direction artistique de l’entreprise. Il a carte blanche. « Simon fait le lien avec les artistes, on reçoit l’étiquette et on l’accepte, que ça nous plaise ou non, affirme Sébastien Gagnon, fondateur de la microbrasserie. Personnellement, il y a des trucs où j’ai dit “wow” et d’autres qui m’emballaient un peu moins, mais l’idée est de tenir à cette démarche-là du début à la fin. »

« Je vois beaucoup de similitudes entre l’illustration et le brassage artisanal, on fait beaucoup d’expérimentation, confie Simon Bossé. Les grandes brasseries font affaire avec des bureaux de design, ils cherchent à trouver la couleur parfaite pour chacune des virgules. Ici, on veut être plus près du travail authentique et unique. En fait, c’est notre marque de commerce ; on sort 20 produits par année, ça commande 20 étiquettes différentes, c’est vraiment dynamique. »

Capacité de brassage : 4500 hectolitres

Points de vente : 400 un peu partout au Québec ; 11 % des ventes se font à la brasserie, 14 % à l’extérieur de la province

Le Trou du Diable

« Oui, la bière doit être bonne et te transporter ailleurs, mais c’est une touche de magie qu’on lui donne quand on lui associe une belle image et une description inventive. » Le président du Trou du Diable, Isaac Tremblay, s’amusait déjà à faire des logos pour les bières qu’il brassait avec son ami André Trudel, il y a près de 15 ans. Ils ont depuis fait appel à des illustrateurs de renom, mais ils restent au cœur de la signature visuelle de la microbrasserie de Shawinigan. Tout en conservant une facture graphique constante signée Alain Mélançon, le choix des illustrations est rapidement devenu très éclectique. « La transition s’est faite tout naturellement parce qu’on a toujours suivi les idées qui nous font triper, révèle Isaac Tremblay. Le fait de s’être inspirés de gravures médiévales pour certaines de nos bières n’avait rien de calculé. Avec la McTavish, on clame haut et fort notre statut de geeks, on n’a pas peur de ça. Et ça ne doit pas nuire parce que ça reste notre bière la plus vendue au Québec ! »

Capacité de brassage : 17 500 hectolitres par année

Points de vente : 1500 au Québec et ailleurs dans le monde ; 15 % des ventes se font à l’extérieur de la province

La Souche

Antoine Bernatchez, cofondateur de La Souche, avoue s’être inspiré de la signature soignée de Dieu du Ciel pour développer l’image de sa brasserie artisanale. L’idée a germé il y a six ans lors de l’exposition au broue-pub de l’illustrateur Félix Girard, au terme de laquelle il avait réalisé une affiche de la Canardière, la première bière de La Souche. L’an dernier, quand le projet de microbrasserie a été relancé, il a accepté volontiers d’illustrer l’ensemble de la gamme. « J’ai pris le temps de réfléchir à ce qui m’accrochait sur les tablettes, souligne l’illustrateur. Je trouvais intéressant de voir une grosse image, un titre et pas trop d’informations. Ça prend quelque chose qui parle tout de suite. » Après quoi, le contenu doit prendre la relève : « Tant que les gens n’ont pas goûté, c’est ton étiquette qui va parler, admet Antoine Bernatchez. Après, ils veulent le produit qu’ils connaissent. Le goût doit rester stable ; si ça goûte l’eau, ils ne reviendront pas. »

Capacité de brassage : bientôt 5000 hectolitres par année

Points de vente : concentrés dans la région de Québec ; la prospection est commencée dans la région de Montréal.

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