Dette du Québec

Les chercheurs ont sous-estimé notre dette

Depuis quelques années, les chercheurs ont sous-estimé de façon importante la dette brute du Québec dans les comparaisons internationales. Voici pourquoi.

D’abord, le constat. L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) obtient une dette brute de 95 % du PIB pour le Québec, tandis que HEC Montréal arrive à 105 %. Pour ma part, j’obtiens 117 %. Il s’agit de la dette hypothétique d’un Québec indépendant, qui inclut la part fédérale.

Essentiellement, trois raisons expliquent ces grandes différences : la méthode comptable, la source des données et l’estimation de la part fédérale attribuable au Québec. Cette conclusion inévitable a été tirée après avoir discuté méthodologie avec les économistes de Statistique Canada, de l’OCDE et du FMI, entre autres.

Pour commencer, réglons le facteur le plus simple : la part fédérale.

HEC Montréal attribue au Québec une part de la dette fédérale au prorata de notre population dans le Canada, soit 23,6 %. De son côté, l’IRIS calcule avec notre part du PIB canadien, soit 19,5 %.

Le choix de HEC a tendance à surestimer notre endettement, en quelque sorte, et celui de l’IRIS, à le sous-estimer. Ce choix explique dans une large mesure l’écart entre les deux. Pour contourner ce problème, j’ai pris la proportion moyenne (21,6 %) entre la population et le PIB.

Malgré tout, j’obtiens 117 %, soit davantage que les deux autres. Pourquoi ?

VALEUR MARCHANDE OU VALEUR COMPTABLE ?

Depuis quelques années, faut-il savoir, notre endettement est comparé aux chiffres compilés par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Or, l’OCDE publie la dette en valeur marchande, tandis que HEC et l’IRIS la mesurent en valeur comptable, essentiellement.

Comme la dette calculée sur une base comptable est plus basse, la comparaison avec les chiffres de l’OCDE nous avantage nettement. Cette différence technique a même échappé au ministère des Finances du Québec dans sa comparaison de mars 2010.

Grosso modo, la valeur comptable des titres de dette est la valeur nominale au moment de leur émission, au fil des années, nous indique Statistique Canada. En comparaison, la valeur marchande de la dette est la valeur que le marché lui accorde aujourd’hui. Avec la baisse des taux d’intérêt, la valeur marchande de la dette a surpassé significativement sa valeur comptable.

Quel est l’impact ? En 2012, l’écart entre les valeurs comptable et marchande de la dette brute était de près de 8 % du PIB pour le Canada comme pour le Québec. Cette différence explique la moitié de l’écart de ma dette de 117 %, en valeur marchande, avec celle de HEC, en valeur comptable.

On pourrait contester cette façon de mesurer la dette, mais un fait demeure : la comparaison avec les chiffres de l’OCDE est inadéquate. Il aurait mieux fallu comparer avec les chiffres du Fonds monétaire international (FMI), publiés selon la valeur comptable. Les dettes de HEC et de l’IRIS seraient les mêmes, mais celles des autres pays telles qu’estimées par le FMI chuteraient.

SOURCE DES DONNÉES

Maintenant, qu’est-ce qui explique l’autre moitié de l’écart ? La source des données.

Pour faire ses estimations de la dette canadienne, l’OCDE utilise une base de données de Statistique Canada.

De leur côté, l’IRIS et HEC s’appuient sur le budget du Québec, les comptes publics du Québec et les Tableaux de référence financière de Finances Canada.

Or, les chiffres d’endettement de Statistique Canada utilisée par l’OCDE sont nettement plus importants. Par exemple, pour Statistique Canada, la dette fédérale pertinente est de 728 milliards en 2012, contre 667 milliards dans les tableaux de Finances Canada. Cet écart de 61 milliards est l’équivalent de 3,3 % du PIB (en valeur comptable).

Même phénomène pour la dette du gouvernement du Québec et des municipalités, dont la différence avoisine les 4 % du PIB. Il n’a pas été possible de détailler toutes les raisons qui expliquent ces écarts techniques. La différence vient entre autres de l’inclusion ou non des passifs à court terme et des emprunts par anticipation.

Encore une fois, on peut contester la manière d’estimer la dette brute. Aucune méthode n’est parfaite. Il reste qu’au bout du compte, il faut se rapprocher de la méthode utilisée par l’OCDE pour les comparaisons internationales. Or, ce faisant, notre dette brute atteint 117 % du PIB, ce qui nous met au 7e rang dans le monde.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.