Dans l'assiette

L'esthète du pâté de tête

Il y a quelques années, Ségué est tombé amoureux de la vitrine d’Oyama Sausages, Mecque vancouvéroise de la charcuterie artisanale. « Il n’y a là que des produits faits sur place, rien d’industriel. J’ai compris tout le travail qu’il y avait derrière et ç’a été pour moi une motivation instantanée. Je travaillais alors au Boneta avec Jeremie Bastien et j’ai fait un marché avec lui : je pouvais faire des charcuteries un jour par semaine. » Le reste appartient à l’histoire et, surtout, au Comptoir qu’il a ouvert à Montréal en 2010, où l’on peut entre autres déguster les créations salées, fermentées et séchées de Ségué avec un verre de vin nature.

Fascinante tradition

Ce qui fascine le chef, « c’est le processus de la transformation. On part d’une viande crue que l’on met au sel. C’est un vieux moyen de conservation, une technique qui existe depuis toujours, mais le savoir-faire s’est malheureusement perdu. À l’époque, quand on tuait le cochon, on faisait du boudin, quelques saucissons et des pièces de viande. Mais on ne le fait plus. L’animal est rarement utilisé en entier. » Fan de classiques, fasciné par la manière traditionnelle de faire les choses, Lepage se refuse aux excentricités. Dénaturer un saucisson sec en y ajoutant fruits et noix ? Pas sa tasse de thé. « Refaire la même chose qui se fait depuis toujours, je trouve ça motivant. Prendre des raccourcis, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. J’utilise le meilleur cochon – celui de Porc Meilleur. Pour les saucissons, je nettoie à 100 % la viande et je n’utilise que le beau gras de dos, qui doit être ferme et d’égale épaisseur. Je pense que personne ne se donne autant de mal, mais c’est très important pour moi. » Il dose ainsi parfaitement les quantités de viande et de gras afin de s’assurer de l’uniformité des produits. « D’habitude, on sort l’os, on enlève deux ou trois machins pas très beaux, on met le tout en cubes et basta. Est-ce que j’ai à faire tout ça ? Je ne sais pas, mais je n’ai pas le goût de faire autrement, même si ça prend du temps. »

Et le méchant sel ?

Et les cancérigènes nitrites dans tout ça ? « Je garde ça au minimum pour les deux, mais je dois être conforme aux normes du MAPAQ. Au final, je ne crois pas que les quantités que l’on consomme puissent être nuisibles si on mange avec modération de la charcuterie bien faite. »

Nouveau temple carnivore

La dernière année a vu naître des petits commerces montréalais qui redonnent leurs lettres de noblesse aux carnivores. On pense entre autres à la Boucherie Lawrence (5237, boulevard Saint-Laurent) ou encore la Boucherie Père et Fils (1881, avenue Mont-Royal). En 2014, Ségué Lepage ouvrira les portes de sa fabrique de charcuteries. Le local – qui n’a pas encore de nom – est situé au 2000, rue Amherst (angle Ontario). Il devrait ouvrir ses portes vers le 10 janvier. « C’est moi qui ai bâti tout de A à Z. Je fais ça dans le même esprit que la charcuterie. Je veux bien faire les choses, y mettre le temps et l’énergie qu’il faut. »

On y proposera plusieurs variétés de charcuteries séchées, cuites et fumées. Le chef promet aussi un smoked meat de langue de bœuf à se damner et des saucisses fumées servies brûlantes. Il annonce enfin le retour d’un remarquable oublié : le baloney. Oui, vous avez bien lu. « Ce sera une mortadelle comme vous n’en avez jamais mangé. Oubliez tout ce que vous pensez que ça goûte. Ça va être complètement fou. » On pourra entre autres le déguster entre deux tranches de bon pain au petit comptoir du commerce. Oui, le jour est bientôt arrivé où il sera de bon ton d’affirmer qu’on mange un sandwich au baloney.

Un plateau cochon

Pour réussir un plateau de charcuteries, l’important, selon Ségué Lepage, c’est la variété des textures et des saveurs. « Ça reste le même principe qu’un plateau de fromages. J’aime sélectionner autant des produits fumés que des produits cuits et séchés. » Pour l’apéro, calculez environ 50 g par personne minimum, ajoutez quelques marinades et des croûtons de pain grillés. « Je craque pour la baguette tranchée très mince, badigeonnée de beaucoup d’huile d’olive, puis mise sous le grill. »

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