Plein air

Jouer dehors en dépit du phénomène de Raynaud

Marc D’Argencourt et Joëlle Dupont ne craignent pas le froid. Le premier aime sortir son kayak de mer lors de belles journées de fin d’hiver. La seconde affectionne la raquette et vient de découvrir le camping hivernal.

Et pourtant, ils pourraient avoir une excuse pour passer l’hiver à l’intérieur : il arrive que leurs doigts perdent subitement leur teinte rosée naturelle pour devenir blancs et insensibles. Mais avec le temps, ils ont appris à contrer ce bizarre épisode, le phénomène de Raynaud. « Je ne m’empêcherai jamais d’aller jouer dehors à cause de ça », lance Joëlle Dupont, une avocate stagiaire de 24 ans.

C’est en 1862 que Maurice Raynaud a décrit le phénomène pour la première fois : il s’agit d’une constriction subite des artérioles périphériques. « C’est une circulation hypersensible au froid qui se contracte excessivement, explique le Dr André Roussin, spécialiste en médecine vasculaire au CHUM. C’est comme si le corps humain voulait conserver sa température et clampait volontairement les artères. Raynaud, c’est spécifiquement quand les doigts deviennent blancs, pas uniquement lorsqu’ils sont froids. » Les doigts (ou les orteils) passent au bleu, puis au rouge, avant de revenir à la normale.

Environ 4 % de la population souffrirait du phénomène de Raynaud. Toutefois, chez les femmes, cette proportion atteindrait 20 %.

Il y a en fait deux types de phénomène de Raynaud. Le phénomène primaire, qui n’est associé à aucune autre maladie, et qui représente l’immense majorité des cas. La plupart du temps, ce type de Raynaud apparaît avant l’âge de 30 ans. « Les patients sont incommodés, mais des complications, on n’en voit pas, affirme le Dr Roussin. On ne voit pas plus d’engelures chez ces patients-là que chez les autres gens. » L’autre type, le phénomène secondaire, arrive plus tard dans la vie et est associé à des affections comme la sclérodermie.

Marc D’Argencourt avait 8 ans lorsqu’on lui a diagnostiqué le phénomène de Raynaud. « Le bout de mes doigts devenait blanc, il n’y avait aucune circulation sanguine, aucune sensibilité. Le bout des orteils aussi », se rappelle-t-il.

De son côté, Joëlle Dupont était adolescente lorsqu’elle a commencé à connaître de tels épisodes. Elle en a parlé à son médecin de famille, mais comme ce n’était pas bien grave, il n’a pas été question de médication. « J’ai développé de petits trucs pour l’éviter, mais malgré ça, j’en fais encore de temps en temps », note Mme Dupont.

Solution multicouche

Il s’agit d’utiliser le système multicouche lorsqu’elle va jouer dehors : pour les mains, elle utilise des gants minces en laine mérinos, une paire de mitaines plus épaisses et des grosses mitaines pour couvrir le tout. Pour les pieds, une paire de chaussettes ultraminces, des chaussettes plus épaisses et de bonnes bottes bien chaudes.

« Le plus important, c’est de voir à ce que ce ne soit pas trop serré. J’essaie de voir à ce qu’il y ait un peu d’espace, indique Marc D’Argencourt. Je tire notamment le bout de mes chaussettes pour que les orteils aient de l’espace libre, pour qu’ils ne touchent pas directement le tissu. » Mais ce qui est encore plus important, c’est de bien réchauffer le corps. « Si tu as froid au cou ou au dos, ça va déclencher la réaction de Raynaud dans les doigts et les orteils, affirme-t-il. Tu auras beau avoir des bottes polaires et des mitaines pleines de chauffe-mains, ça n’empêchera rien. »

Le Dr Roussin affirme que les médecins favorisent les mesures non pharmacologiques pour contrer le phénomène de Raynaud. Il est toutefois possible de prescrire un vasodilatateur, la nifédipine (Adalat), qui peut réduire les symptômes du phénomène. Le médecin indique que le patient peut prendre le médicament le matin avant une journée en plein air, ou tout l’hiver, ou uniquement les jours les plus froids, ou encore à longueur d’année. « Il s’agit juste d’aider le patient un petit peu. C’est comme prendre un Tylenol quand on a mal à la tête. »

Marc D’Argencourt estime que ce médicament l’aide beaucoup, mais il lui arrive quand même de connaître des épisodes de Raynaud. « Il faut écouter son corps. En rando, je vais m’arrêter, desserrer les bottes, bouger les orteils. Mais chose certaine, je ne vais pas m’empêcher de faire du plein air. »

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