Personnalité de la semaine

Anaïs Barbeau-Lavalette

Son roman La femme qui fuit vient de remporter le Prix des libraires au moment même où Pôle Sud, le documentaire théâtral qu’elle a mis en scène, est présenté à Montréal. La cinéaste et écrivaine Anaïs Barbeau-Lavalette est notre personnalité de la semaine.

On pourrait dire qu’Anaïs Barbeau-Lavalette a une vie qui sort de l’ordinaire – comme l’héroïne de son roman, Suzanne Meloche, sa grand-mère, mais pas pour les mêmes raisons. Suzanne Meloche, poétesse et femme du peintre Marcel Barbeau, l’un des signataires de Refus global, a abandonné ses enfants et disparu pour vivre une vie rocambolesque. C’est le sujet de La femme qui fuit.

« Ma grand-mère, qui avait toujours refusé de nous voir, nous a désignés comme héritiers, ma mère, mon oncle, mon frère et moi, dit Anaïs Barbeau-Lavalette. Elle n’avait rien à léguer, mais nous sommes allés vider son petit appartement, à la recherche d’indices sur elle. C’était une femme atypique qui a eu une vie extraordinaire, surtout pour une femme de son époque. Le fait de découvrir des traces de son passé était troublant, car je suis moi-même une mère et elle a abandonné ses enfants quand ils avaient l’âge des miens. » 

« En écrivant, elle est devenue une femme à mes yeux, alors qu’auparavant, elle avait toujours été comme un fantôme. »

— Anaïs Barbeau-Lavalette

Pour tenter d’éclaircir le mystère, Anaïs Barbeau-Lavalette a embauché une détective privée pour savoir ce que sa grand-mère avait fait pendant toutes ces années, où elle était allée, qui elle avait rencontré. La femme qui fuit est né de ces recherches et de l’imagination de l’auteure, qui a intégré des parties inventées à son livre à partir des indices.

PARCOURS D’UNE ARTISTE

Anaïs Barbeau-Lavalette a certainement hérité du sens de l’aventure de sa grand-mère, puisqu’elle a voyagé aux quatre coins du monde dès l’âge de 19 ans. Elle a notamment travaillé pendant un an auprès d’enfants des bidonvilles au Honduras (ce qui a donné son premier documentaire, Les petits princes des bidonvilles) et vécu un an et demi en Palestine. Elle a aussi participé à une initiative des Nations unies, l’Odyssée du volontariat, qui l’a amenée à faire le tour du monde avec sa caméra pendant trois mois pour documenter le travail de volontaires en une quinzaine de courts-métrages. De ses rencontres marquantes et ses voyages sont nés des livres, des films de fiction ou des documentaires : Embrasser Yasser Arafat, Les petits géants, Le ring, Inch’Allah, entre autres.

« J’ai toujours écrit, mais au début, c’était plus un exercice personnel, dit Anaïs Barbeau-Lavalette. J’avais besoin de le faire parce que j’ai voyagé dans des pays difficiles. C’est devenu plus concret avec mon premier roman, Je voudrais qu’on m’efface. » 

« Je me considère plus comme une cinéaste, mais l’écriture a toujours été mêlée de près à mon travail de cinéaste. »

— Anaïs Barbeau-Lavalette

Le Prix des libraires est à la fois une belle reconnaissance et un tremplin pour les écrivains québécois. Il vient non seulement avec une bourse de 10 000 $ du Conseil des arts et des lettres du Québec, mais aussi avec une tournée de promotion pour faire connaître l’œuvre dans un pays étranger grâce à l’Association internationale des études québécoises. La concurrence pour le prix était forte : dans la catégorie « roman », les autres finalistes étaient Marc Séguin (Nord Alice), Dominique Scali (À la recherche de New Babylon), Martine Delvaux (Blanc dehors) et Daniel Grenier (L’année la plus longue).

D’autre part, La femme qui fuit, publié aux éditions Marchand de feuilles, est promis à un bel avenir puisque des pourparlers sont en cours pour qu’il soit édité en France et traduit dans d’autres langues.

Ces jours-ci, Anaïs Barbeau-Lavalette présente le documentaire scénique Pôle Sud, projet réalisé en commun avec son conjoint, le comédien, réalisateur et chanteur Émile Proulx-Cloutier. Une production qui marie le théâtre et le documentaire pour faire connaître des gens ordinaires du quartier Centre-Sud, au théâtre Espace libre jusqu’au 21 mai.

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