Point de vue Martine Hébert, vice-présidente de la FCEI

Les mythes de l'aide aux entreprises

L’aide aux entreprises aide-t-elle les entreprises ?

À l’heure actuelle, le « modèle québécois » fait peut-être plus de mal que de bien.

Récemment, l’ancien premier ministre Jacques Parizeau s’est dit profondément inquiet pour notre avenir, décrétant qu’il faut de toute urgence appliquer un remède de cheval pour rendre nos entreprises plus productives.

M. Parizeau, comme la plupart des économistes, a bien raison de se préoccuper de la productivité de nos PME. Notre capacité à demeurer compétitifs est une condition essentielle au maintien de notre niveau de vie. Toutefois, le remède préconisé, soit des investissements étatiques massifs, est justement celui que nous avons appliqué dans le passé et qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui.

Au Québec, l’aide accordée aux entreprises est considérable. Au chapitre de l’aide indirecte seulement (les fameux crédits d’impôt), elle se chiffre à environ 4 milliards annuellement, soit environ le double de l’Ontario. On doit y ajouter aussi plusieurs centaines de millions en aide directe (subventions). En outre, le Québec verse environ 40 % de toute l’aide accordée aux entreprises par les provinces, alors que notre économie représente 20 % du PIB canadien. Pourtant, la productivité ontarienne dépasse de 4 % celle du Québec, et celle du Canada nous dépasse de 8 %.

Force est donc de constater que le remède au mal qui ronge la productivité de nos PME ne se trouve pas nécessairement dans un autre accroissement de l’aide aux entreprises. En fait, il existe plus de 160 programmes d’aide aux entreprises à l’heure actuelle au Québec. Il y en a pour tous les goûts : aide sectorielle, aide à l’exportation, aide au démarrage, aide selon le sexe, l’âge, la région, etc. Une foule de programmes, de subventions et de crédits d’impôt qui ont été mis en place parfois depuis des décennies, mais dont nous n’avons jamais remis en question ni la pertinence ni l’efficacité.

Il faut passer la main

Malheureusement, ce que le gouvernement donne d’une main, il l’a d’abord retiré de l’autre – d’une main lourde.

Car il faut rappeler qu’avant tout crédit d’impôt ciblé, l’ensemble de nos PME croule sous le fardeau fiscal le plus lourd au pays. Nos taxes sur la masse salariale sont 45 % plus élevées qu’ailleurs au Canada, et le taux d’imposition de nos PME s’élève à plus du double de la moyenne canadienne. Le Québec est aussi un des champions de la réglementation, qui engendre des coûts de 7 milliards annuellement aux entreprises, soit environ 2 % du PIB.

Plus de 550 formalités administratives sont imposées à nos entreprises qui doivent produire chaque année environ 33 millions de formulaires, juste pour l’ordre provincial ; une moyenne de 130 par employeur ! Une nouvelle politique sur l’allègement réglementaire vient d’être adoptée, mais même si les gouvernements qui se succèdent ont la volonté d’enrayer ce fléau, comme la mauvaise herbe, les lois et les règlements ne cessent de se répandre, minant du même souffle la capacité de nos entreprises à accroître leur productivité.

Serait-il donc possible que le plus grand potentiel pour résoudre les problèmes de productivité se trouve non pas dans le portefeuille des gouvernements, mais plutôt dans les mains – menottées – des entrepreneurs ? Prendre des décisions avisées pour faire croître leurs affaires, voilà l’essence même du quotidien de nos chefs de PME. Ce sont eux qui sont le mieux à même de trouver les bonnes solutions pour améliorer leur productivité, et cela ne passe pas juste par l’achat de machines plus performantes. La productivité dépend aussi de la main-d’œuvre, de la formation, de l’organisation du travail, etc. – des investissements sans immobilisation pour lesquels il est difficile d’obtenir un prêt bancaire. Malheureusement, comme nous l’avons vu, nos entreprises n’ont pas la marge de manœuvre nécessaire pour faire émerger davantage de productivité.

Se remettre en selle

Cela fait des décennies que les gouvernements interviennent dans l’économie en saupoudrant çà et là des milliards en subventions et crédits d’impôt très ciblés. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, c’est signe qu’il faut peut-être changer le modèle. D’ailleurs, les sondages nous le montrent. Les propriétaires de PME ne veulent pas plus d’argent du gouvernement, ils veulent de l’espace, de l’espace fiscal et réglementaire, afin d’utiliser l’argent ainsi dégagé en fonction de leur spécificité et de leurs besoins.

Ainsi, avant d’accroître les crédits d’impôt, il serait sans doute préférable d’évaluer sérieusement les programmes offerts et de se débarrasser du bois mort pour recentrer l’aide afin qu’elle bénéficie à un plus grand nombre d’entreprises. Il faudra en même temps travailler à créer un climat d’affaires propice à l’essor de nos PME. Voilà une forme d’aide qui bénéficierait à 100 % de nos entreprises.

Bref, ça n’est peut-être pas juste un remède de cheval que ça prend pour remettre le Québec en selle. Il faut aussi un grand ménage dans l’écurie de l’aide aux entreprises.

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