Planète bleue, idées vertes

Arracher l’asphalte pour mieux gérer l’eau

Obstacles à l’absorption de l’eau de pluie, îlots de chaleur, faible esthétisme : les grands espaces asphaltés sont nuisibles à bien des égards. Pourquoi ne pas les transformer en espaces verts ? C’est ce qu’ont fait des citoyens de Salaberry-de-Valleyfield, dans un stationnement, il y a une dizaine de jours.

« Ça va être rafraîchissant ! », s’enthousiasme Elizabeth Gaulin, après avoir arraché de ses propres mains une partie du stationnement asphalté entourant le Centre Raphaël-Barrette.

« C’est un îlot de chaleur, un vrai », dit-elle à propos de ce grand espace sans arbre, qui fut jadis une cour d’école, mais qui retrouvera bientôt un peu de verdure, au pied de son lieu de travail.

Le lieu fait l’objet d’une « déminéralisation » dans le cadre du programme Sous les pavés, du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM).

Une telle transformation comporte plusieurs « bénéfices », dont la diminution des îlots de chaleur, mais son objectif principal est de « mieux gérer les eaux de pluie », explique Jolène Labbé, chargée de projet au CEUM.

L’urbanisation ayant contribué à « imperméabiliser » les sols, jusqu’à 55 % de la pluie qui tombe en ville ruisselle et finit dans les égouts ou dans les cours d’eau, ce qui est particulièrement problématique quand ceux-ci sont « saturés », comme c’est le cas actuellement dans plusieurs régions du Québec, explique-t-elle.

La déminéralisation est aussi une mesure d’adaptation aux changements climatiques, qui devraient entraîner une augmentation de l’intensité et de la quantité des précipitations au Québec, rappelle le CEUM.

« On ne va pas régler tous les problèmes avec un [seul] petit projet comme ça, mais s’il y a 10 petits projets dans une communauté, [cela peut faire une différence]. »

— Jolène Labbé, chargée de projet au CEUM

Sous les pavés prévoit déminéraliser cette année sept autres espaces comme celui de Salaberry-de-Valleyfield, notamment dans Chaudière-Appalaches, l’Outaouais, la Mauricie et l’île de Montréal.

Un premier espace avait été déminéralisé dans le cadre d’un projet-pilote en 2017 dans l’arrondissement d’Anjou, à Montréal, puis un deuxième a suivi l’an dernier à Gatineau, où le retrait de 90 m2 de surface perméable permet d’éviter l’envoi dans les égouts de 122 m3 d’eau et 31 kg de polluants chaque année, calcule le CEUM.

Impliquer les citoyens

Sous les pavés ne se contente pas de rétablir un peu de verdure au milieu du béton et de l’asphalte, il s’agit d’un programme d’« urbanisme participatif », où les citoyens concernés sont impliqués dès le départ.

« On arrive avec une page blanche au départ », explique Benoît Péran, du Conseil régional de l’environnement de la Montérégie, qui porte le projet de Salaberry-de-Valleyfield.

Les habitants du quartier ont été appelés à soumettre leurs idées, en lien avec « les problèmes et les besoins » du lieu concerné, que les responsables du projet ont ensuite « traduites en plan ».

Puis, les citoyens mettent la main à la pâte en procédant eux-mêmes au désasphaltage.

C’est ainsi qu’en moins d’une heure, le 4 mai, 250 m2 de bitume autour du Centre Raphaël-Barrette ont été arrachés par une trentaine de bénévoles.

Certains reviendront dans une dizaine de jours pour l’aménagement de l’espace, qui comprendra des arbres, des plantes, un sentier, un banc et un îlot à monarques, papillons grandement menacés.

« Pour une fois, c’est un beau projet dans un quartier défavorisé », se réjouit Louis-Philippe Boucher.

L’homme de 46 ans, natif du quartier et qui travaille au CLSC du coin, apprécie les « vertus écolos, mais esthétiques aussi » du projet.

La déminéralisation de l’espace de Salaberry-de-Valleyfield a nécessité un investissement d’environ 18 000 $, estime Benoît Péran, sans compter la participation de la Ville, qui assume l’excavation, le transport du bitume et la plantation des arbres, qu’elle fournit.

Il souhaite que ce soit « une petite étincelle » qui transformera ce « lieu de passage » inhospitalier en un endroit où les gens du secteur viendront « s’asseoir, faire une marche », et qui donnera naissance à d’autres projets du genre.

Le Centre d’écologie urbaine de Montréal offre d’ailleurs « beaucoup d’outils » sur son site internet pour les entreprises, les organismes, les municipalités ou même les particuliers qui souhaiteraient transformer certaines de leurs surfaces minéralisées en un espace de verdure, explique Jolène Labbé.

L’organisme prévoit aussi publier un guide sur le sujet, en septembre.

Le financement du programme Sous les pavés est assuré jusqu’en janvier 2020.

sur le radar

Sur le radar

- 2,5 %

Les pays de l’Union européenne (UE) ont réduit de 2,5 % leurs émissions de CO2 en 2018, mais l’effort a été limité par de fortes hausses enregistrées en Pologne et en Slovaquie, a annoncé l’Office de statistiques Eurostat. Les émissions de CO2 provenant de la combustion des énergies fossiles ont diminué dans 20 des 28 États membres. Les plus fortes baisses ont été constatées au Portugal et en Bulgarie, mais elles ont continué à progresser en Pologne et en Slovaquie. À elle seule, l’Allemagne a contribué pour 22 % des émissions de CO2 dans l’UE en 2018.

— Agence France-Presse

Une semaine sans charbon

Le Royaume-Uni a produit de l’électricité sans utiliser la moindre once de charbon pendant une semaine, une première depuis la révolution industrielle, a annoncé le gérant du réseau d’électricité (ESO) mercredi dernier. La dernière centrale tournant avec ce combustible noir a été déconnectée du réseau le 1er mai. Il s’agit d’une première depuis l’ouverture de la première centrale électrique au charbon au Royaume-Uni, en 1882, a précisé l’ESO. Il y a deux ans, le gérant avait relevé pour la première fois une journée complète sans utiliser de charbon pour produire de l’électricité.

— Agence France-Presse

Du CO2 transformé en pierre

Au cœur des volcans islandais, des alchimistes du XXIe siècle transforment en roche le CO2, principal responsable du réchauffement climatique, en l’injectant dans le basalte, poreux comme l’éponge, où il se pétrifie pour l’éternité. Cette technique reproduit en accéléré un processus naturel qui peut prendre plusieurs milliers d’années : la minéralisation du dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre produit en masse dans l’île boréale par les transports, l’industrie et… les volcans. « Grâce à cette méthode, nous changeons radicalement l’échelle du temps, explique la géologue Sandra Ósk Snaebjörnsdóttir, qui travaille sur le projet CarbFix. La quasi-totalité du CO2 injecté s’est minéralisée en deux ans lors de notre injection pilote. » Une fois pétrifié, rien ou presque ne peut mettre en cause le confinement du CO2.

— Agence France-Presse

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