conseil général du parti libéral du québec

La position à adopter dans le débat sur la laïcité a divisé les militants libéraux réunis en conseil général à Drummondville tout le week-end. Analyse  et compte rendu de la journée d’hier.

Analyse

Proulx reprend sa réflexion

Québec — Avec le désistement d’André Fortin, le refus de Pierre Moreau, les militants libéraux s’inquiètent d’une course de fantômes pour la succession de Philippe Couillard. À l’évidence, Dominique Anglade et Marwah Rizqy seront sur les rangs, mais les deux jeunes femmes, prédit-on déjà, auront du mal à convaincre les électeurs essentiellement francophones du Québec des régions.

C’est pourquoi, en fin de semaine, en marge du conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ), à Drummondville, de nombreux militants ont fait pression sur le seul élu libéral à l’est de l’île de Montréal, Sébastien Proulx, pour qu’il revienne sur sa décision de ne pas briguer la direction du parti.

Quoique ébranlé, ce dernier n’a pas changé d’idée sur-le-champ. Mais il a accepté d’y réfléchir.

Car il est manifeste que chez ceux qui s’approchent de la ligne de départ, ses convictions plus nationalistes peinent à trouver un écho. Secret, il se contentait de badiner cette fin de semaine, rappelant que ses réflexions n’étaient pas à l’ordre du jour du conseil général. Mais comme beaucoup, il constate qu’une course sans aspirants qui soient davantage en phase avec l’électorat serait une catastrophe pour le PLQ. 

Sébastien Proulx aurait même réfléchi à la suite des choses, comprenant que s’il levait la main, il devrait quitter le poste de leader parlementaire à l’Assemblée nationale qui lui procure de la visibilité, un avantage inéquitable pour ses adversaires.

Celui dont il était le plus proche était André Fortin, le député de Pontiac sur qui beaucoup avaient aussi misé, mais qui s’est désisté. À la fin de la trentaine, André Fortin a davantage de temps devant lui. Il a de jeunes enfants, comme Sébastien Proulx. Mais la vive déception des militants devant sa décision l’a surpris, déstabilisé, confie un membre de son ancienne organisation.

Sébastien Proulx, dans ce nouveau contexte, pourrait faire le chemin inverse, entrer en lice après avoir dit non. Pour l’heure, il serait le seul candidat « de souche » représentant le courant nationaliste. Dans la circonscription de Jean-Talon, à Québec, il est tous les jours en contact avec l’électorat francophone, bien plus proche de la position de la Coalition avenir Québec sur la laïcité. Cette sensibilité aux francophones paraît bien absente, si on fait le décompte des candidats pressentis jusqu’ici.

Comme son collègue Gaétan Barrette, Sébastien Proulx avait d’ailleurs dit publiquement qu’il souhaitait que le PLQ fasse sien le compromis dessiné par la commission Bouchard-Taylor il y a 11 ans. Pas question de souscrire au projet de loi 21, qui étendra l’interdiction aux enseignants.

L’ancien ministre Pierre Moreau est venu river un clou ; il ne sera pas partant. Il aurait pu s’annoncer plus tôt, éviter que son désistement ne vienne assombrir le rassemblement des 600 militants, mais à l’inverse, sa prise de position devant les caméras sert à dissiper définitivement les doutes. 

« Je ne suis pas dans la course, et je ne serai pas dans la course. Pour moi, c’est clair. »

— Pierre Moreau

Ça n’a jamais été le grand amour entre Pierre Moreau et Dominique Anglade. Ainsi, au passage, il s’est plu à attaquer la position de son ex-collègue du cabinet Couillard, qui préconise l’adoption par le PLQ du compromis Bouchard-Taylor. Le PLQ ne doit pas devenir « une pâle copie de la CAQ », a-t-il plaidé. Il y a deux semaines, après un événement-hommage à Jean Charest, au Reine Elizabeth, Dominique Anglade s’était retrouvée au centre de disciples de Pierre Moreau et d’André Fortin. L’atmosphère était glaciale, confie un témoin.

Anglade et le débat sur la laïcité

L’ex-ministre de l’Économie a subi un camouflet plus sévère hier, venu cette fois des dirigeants du parti. Un atelier où l’on devait parler de laïcité était manifestement noyauté par des militants favorables au statu quo, soit un Parti libéral faisant sans nuance la défense du respect des libertés fondamentales. On aurait cru que la réunion de Drummondville se déroulait à Saint-Laurent ou à Brossard, si on faisait le décompte des interventions des néo-Québécois au micro.

À l’évidence invité par la direction du PLQ, l’ancien ministre Raymond Garneau s’est lancé à son tour dans un plaidoyer pour les libertés fondamentales, contre le projet de loi de François Legault. « Le ridicule [avec le projet de loi de la CAQ], c’est qu’un enseignant pourrait enseigner avec un jacket des Hells Angels, mais ne pourrait pas le faire avec un foulard », a-t-il dit, récoltant une ovation de la salle.

L’atelier était terminé, mais on a tout de même permis à une femme portant le hijab de lancer au micro un dernier appel pour que les libéraux s’en tiennent au statu quo. « Ce qui me désole du contexte actuel, c’est qu’on revienne sur de vieilles décisions qui briment les libertés fondamentales. Ces droits sont reconnus par les tribunaux, on ne peut pas y déroger. On fait ce débat à défaut d’avoir un projet de société », a clamé Shamad Salman, avocate née à Montréal.

Sans confirmer qu’elle était favorable au compromis Bouchard-Taylor, Mme Anglade a relevé que tous les militants n’avaient pu s’exprimer dans le débat d’hier matin. Plusieurs jeunes étaient encore derrière les micros quand le président a tiré un trait sur les échanges. À l’évidence, pour Dominique Anglade, ce débat est loin d’être terminé.

Conseil général du Parti libéral

Divisés sur la laïcité

La course à la direction du Parti libéral du Québec n’est pas encore commencée, mais déjà une ligne de fracture semble se dessiner autour de la laïcité. Alors qu’il faut reconquérir l’électorat francophone, deux camps se sont précisés hier au conseil général des libéraux. D’un côté, les militants qui souhaitent se rapprocher du compromis Bouchard-Taylor, de l’autre, ceux qui veulent défendre à tout prix les libertés individuelles.

Officiellement, la course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ) n’est pas commencée. Aucun militant n’a officialisé sa candidature. Mais au conseil général des libéraux, réunis ce week-end à Drummondville, des camps ont commencé à se former. Et, déjà, un thème les divise : la laïcité.

L’ex-ministre de l’Économie Dominique Anglade n’a jamais caché qu’elle envisageait de briguer la direction du PLQ. Hier, elle refusait encore de confirmer sa position sur le port de signes religieux pour les fonctionnaires en position d’autorité. Pourtant, devant son caucus il y a quelques semaines, elle affirmait être favorable au compromis Bouchard-Taylor.

« Il faut trouver des mécanismes pour que les militants puissent émettre leurs opinions », a-t-elle dit, hier, alors qu’un débat sur la question prenait fin sans que tous ceux qui faisaient la file devant les micros aient pu s’exprimer.

Une salle divisée

Au début de la plénière, où la question de la laïcité a monopolisé le temps de parole, la salle semblait fortement militer pour la défense pure et dure des libertés individuelles.

« Pour nous, les libéraux, les libertés individuelles, ce n’est pas négociable », a dit Antoine Dionne Charest, chaleureusement applaudi.

« Le ridicule [avec le projet de loi de la CAQ], c’est qu’un enseignant pourrait enseigner avec un jacket des Hells Angels, mais ne pourrait pas le faire avec un foulard. » 

— Raymond Garneau, ex-ministre des Finances, au micro lors de la plénière 

M. Garneau. qui était secrétaire du premier ministre libéral Jean Lesage pendant la Révolution tranquille, a été ovationné pour son intervention.

Mais les militants n’étaient pas unanimes. Pierre Giguère, ancien député de la circonscription de Saint-Maurice, est venu livrer un message au nom des électeurs de la Mauricie. Le compromis Bouchard-Taylor, chez eux, c’est oui.

« On a besoin d’avoir un compromis qui n’est pas notre position traditionnelle. […] Sinon, on laisse la chance aux extrémistes de diviser les Québécois », a enchaîné un autre militant.

Le PLQ n’est pas la CAQ

Mais la conversion du Parti libéral en un parti du compromis Bouchard-Taylor n’est pas acquise. Pierre Moreau, qui a profité de son passage au Centre-du-Québec hier pour réitérer qu’il ne serait pas de la course à la succession de Philippe Couillard, a mis tout son poids politique pour prévenir les militants que le PLQ ne devait pas devenir « une pâle copie de la CAQ ».

« On ne doit pas essayer de s’éloigner des fondements du Parti libéral pour obtenir des gains à court terme. On ne peut pas être le parti à la base de l’adoption d’une Charte des droits et libertés et faire en sorte qu’on s’éloigne de ces principes », a-t-il défendu.

La députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, qui n’a pas caché que sa plateforme « pragmatique » pour la direction était prête, était du même avis.

« Nos militants préfèrent dans une grande majorité rester bien ancrés dans nos valeurs traditionnelles. Je rappelle que la défense des libertés individuelles est quand même l’article un de  notre constitution. »

— Marwah Rizqy, députée de Saint-Laurent

Qui se lancera ?

Alors que les règles pour la course à la direction seront dévoilées aujourd’hui, deux candidates semblent déjà sur la ligne de front : Dominique Anglade et Marwah Rizqy. À moins que Gaétan Barrette, ex-ministre de la Santé, ne se laisse aussi tenter ?

« Actuellement, je ne me considère pas dans une position où j’aurais une chance de gagner, […] [mais] il est possible que des gens m’approchent. On verra », a-t-il dit hier, sourire aux lèvres, étouffant un rire généreux face à cette hypothèse.

Mais qu’il soit de la course ou non, l’actuel député de La Pinière croit fermement que le Parti libéral doit faire un virage nationaliste.

« Ce nationalisme, vous ne l’avez pas senti dans le dernier mandat. C’est clair qu’on doit avoir un discours qui parle à la majorité francophone. Et dans nos fameuses valeurs, il y a l’identification au Québec », a-t-il dit.

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