Arts visuels  Jean-Robert Drouillard

Ce bois dont on fait les luttes

Dans le cadre d’une trilogie sur la jeunesse, le sculpteur québécois Jean-Robert Drouillard revient exposer à Montréal ses statues grandeur nature. Consacrée cette fois-ci à la jeunesse revendicatrice, sa nouvelle exposition est présentée au centre Circa jusqu’au 29 mars.

Inspiré par le printemps érable, Jean-Robert Drouillard a délaissé les panaches et les masques animaliers pour décliner son savoir-faire sur le thème des étudiants et des jeunes en quête de justice sociale.

Dans l’exposition Quelques particules de nous dans un accélérateur, dans un collisionneur, on retrouve avec plaisir ses sculptures en bois de tilleul sur le modèle des membres de sa famille, mais conjuguées à l’universel. « J’avais envie que cette théâtralité soit puisée dans mes fils et leurs amis pour porter un regard sur la jeunesse interpellée par les manifestations de 2012, dit l’artiste de 43 ans. Je la trouve belle, la jeunesse d’aujourd’hui. »

Dans la grande salle de Circa, le visiteur est accueilli par Jeune poète tatoué, statue réaliste d’un ado androgyne qui tend le bras gauche, la main en signe d’arrêt, comme une prière d’en finir avec les bêtises du monde. Sa tête est coiffée d’une tuque ayant la forme d’un bonnet phrygien, porté comme un symbole de liberté et de civisme lors de la guerre d’indépendance des États-Unis (on la retrouve sur le drapeau de l’État de New York) et durant la Révolution française.

Le visage de la statue dégage le calme et la fermeté du jeune adulte rempli d’idéal, d’espoir et de volonté. Sur la paume de sa main, un cœur transpercé d’une flèche. Sur son bras, le dessin d’un faucon. Deux références au recueil de poèmes Le tombeau des rois d’Anne Hébert, qui débute ainsi : « J’ai mon cœur au poing comme un faucon aveugle. »

En cas d’urgence…

Près de l’entrée, Gigi, sculpture d’un jeune en jeans noirs-baskets-chemise aux manches remontées jusqu’aux coudes, est magnifiquement sculptée. Les plis des « vêtements » sont confondants. Le jeune regarde, sans agressivité, une boîte rouge « In Case of Emergency ». À l’intérieur, deux cannettes de peinture en porcelaine (créées par la conjointe de Drouillard, la céramiste Hélène Chouinard) avec, en impression, le symbole émoticône du cœur : <3. En cas d’urgence, il y a l’amour…

Enfin, on retrouve trois statues du même style que celles présentées chez Lacerte il y a deux ans, soit ces petits ados au chandail à capuchon. Cette fois-ci, ils portent un masque à gaz. Leurs mains disparaissent dans leur poche kangourou et leurs jambes sont légèrement pliées vers l’avant, loin d’être en position offensive.

Pour illustrer sans doute la clairvoyance de l’adolescence, l’un des personnages a le pied gauche posé sur un exemplaire de L’avalée des avalés, de Réjean Ducharme. Deux statues dialoguent du regard avec une autre représentant une cheerleader, les bras écartés sur la beauté du monde. Elle trône au milieu de bonbonnes aérosol qui ont toutes, dessiné sur le devant, une lettre ou un signe de clavier d’ordinateur, soit le langage de la jeunesse.

Sur les murs de la salle, on aurait pu avoir des graffitis, mais Jean-Robert Drouillard a élagué sa présentation. Du coup, on suggère plutôt que de densifier le message.

Ce n’est pas étonnant de la part de cet artiste qui se considère comme un artisan « qui gosse du bois en art populaire » et fait montre d’une certaine réserve à exprimer tout le spectre de ses idées contemporaines. Un peu dommage, car les idées fourmillent chez Drouillard, récent finaliste du premier prix en art actuel du Musée national des beaux-arts du Québec et qui présentera son travail à la Manif d’art de Québec, en mai. Ensuite, il passera à un tout autre thème : la science-fiction.

Au centre Circa (édifice Belgo, 372, rue Sainte-Catherine Ouest) jusqu’au 29 mars.

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