Opinion Des défis pour le Québec

La rétention des immigrants, voilà le réel enjeu

Le supposé lien entre une hausse de l’immigration et une augmentation du taux de chômage ne passe pas l’épreuve des faits

Des détracteurs de l’immigration au Québec ne cessent d’insister sur le fait que l’augmentation du nombre annuel de nouveaux arrivants nuit à l’économie. Pourtant, on nous a récemment annoncé qu’au Québec, le taux de chômage était tombé à 6,2 %, soit son plus bas niveau depuis 1976.

En 12 mois, l’emploi au Québec a progressé de 81 000 (+ 2 %) et le nombre de chômeurs a diminué de 56 000 (- 17 %). Ceci a eu lieu alors que le Québec recevait un nombre annuel presque record de nouveaux arrivants. Il semble donc que le lien entre, d’une part, hausse de l’immigration et, d’autre part, augmentation de taux du chômage ne passe pas l’épreuve des faits.

À l’évidence, il ne s’agit pas ici d’affirmer que l’immigration est responsable des progrès en matière d’emploi. Notre entrée en matière vise seulement à rappeler aux détracteurs de l’immigration qu’il faut connaître de quoi l’on parle avant d’émettre une opinion.

Selon nous, s’il faut d’abord s’inquiéter de quelque chose, il s’agit moins de la question du nombre supposément trop élevé d’immigrants qui arrivent chaque année, et davantage de la question des facteurs qui mènent une large proportion d’entre eux à quitter le Québec peu de temps après leur arrivée.

Pendant que nos élus discutent vigoureusement des seuils d’immigration, on ignore que quelque 20 % de ces effectifs ne restent pas au Québec.

Certes, au bout du compte, le solde migratoire reste positif. Le flot continu de la migration internationale vient compenser abondamment les pertes causées par la migration interprovinciale. Le portrait de la situation qui se dégage ne saurait toutefois être une source de fierté pour personne. Les échanges migratoires ont permis au Québec de réaliser un gain net de seulement 31 600 personnes, en 2014  ; et, selon des estimations préliminaires de Statistique Canada, le gain net aurait été d’à peine 27 600, en 2015. Les gains pour 2016 paraissent plus prometteurs, mais il n’y a pas de quoi pavoiser.

Selon le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), le taux de rétention, après un peu plus d’un an, des immigrants admis au cours de l’année 2013 a été de 77,1 %. La perte est colossale.

Gens d'affaires et travailleurs qualifiés

On ne sera pas étonné d’apprendre que, selon les chiffres du MIDI, les gens d’affaires sont parmi les plus enclins à déménager ailleurs. À l’inverse, ce sont les personnes qui correspondent aux catégories «  regroupement familial  » et «  réfugiés  » qui affichent les taux de rétention les plus élevés (respectivement 86 % et 93 %).

Il est fort probable que maints gens d’affaires étaient simplement de passage au Québec. Mais la part importante des travailleurs qualifiés qui quitte le Québec soulève des questions qu’on aurait tort d’éluder. On ne peut en rester à l’explication trop facile selon laquelle ces départs s’expliqueraient exclusivement par la mauvaise performance du marché de l’emploi au Québec.

On peut difficilement réconcilier les bas niveaux de chômage actuels avec les départs non négligeables des immigrants parmi les plus aptes à s’intégrer économiquement.

On doit se demander pourquoi l’écart dans le taux d’emploi entre immigrants et non-immigrants est beaucoup plus élevé à Montréal que dans les autres grandes métropoles du Canada. On doit aussi se demander pourquoi la ville de Québec, avec 4,1 % de chômage, peine à attirer des immigrants.

Au lieu de s’attaquer aux problèmes d’emploi et de sous-emploi auxquels font face tellement de nouveaux arrivants, on investit trop de temps et d’énergie à discuter du sempiternel enjeu des seuils d’immigration. En matière de débat public sur l’intégration des immigrants, ça fait longtemps qu’un changement de priorités est dû.

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