REDONNER À LA SOCIÉTÉ

Semaine du 10 mai 2015

Lancement d’une flotte de taxis électri-ques à Montréal. Projet d’observatoire au sommet de la Place Ville Marie. Multiples investissements à travers la firme XPND Capital… L’ex-« dragon » Alexandre Taillefer remporte sans surprise la personnalité Gestion et Entrepreneuriat de l’année*.

Dans l’aire d’accueil de la firme d’investissement XPND Capital, une œuvre d’art appelle le visiteur. À l’intérieur d’un nuage de papier, fixé au mur, l’artiste Erika Dueck a disposé des milliers de documents, comme autant d’idées émergeant de bureaux miniatures.

Tout autour du hall, la même effervescence. Des jeunes qui écrivent frénétiquement sur les cloisons de verre des aires de travail, invariablement réunis autour d’une grande table.

« Les idées, ça ne vaut rien tant qu’on ne les met pas à exécution. Aujourd’hui, on a cette capacité d’attirer du talent et de mettre des gens ensemble pour mettre des idées à exécution. C’est ce qu’on fait. »

— Alexandre Taillefer

L’homme d’affaires s’anime dès qu’on survole les projets que ses collaborateurs et lui ont mis de l’avant en 2015. Quelques jours avant notre rencontre, il lançait d’ailleurs Téo Taxi, un nouveau service de taxis électriques dans la métropole.

Un projet qui, dit-il, résume parfaitement là où il est rendu, en affaires. « On a la responsabilité de réfléchir à des projets qui vont être oui, au bénéfice des actionnaires, mais au bénéfice de la communauté aussi. Ce volet me motive énormément. »

Car oui, soutient-il, on peut faire du bien et de l’argent. « On est très contents du fait qu’on va être capable d’éliminer des gaz à effets de serre avec les taxis électriques, mais le projet est viable. Ça nous permet d’y sauter à pieds joints et de mettre en place ce que ça prend pour le mener à terme. »

ET LA POLITIQUE ?

Devant son engagement social et son franc-parler, la question d’un possible saut en politique de l’entrepreneur-vedette revient régulièrement. Cette fois, toutefois, il va plus loin dans sa réflexion : « J’ai beaucoup de travail [actuellement]. Mais dans ma tête, je me dis que je suis dans "mon dernier droit" comme homme d’affaires. J’ai 43 ans, et il faut qu’à 50 ans, je sois capable de faire autre chose. »

– Quelque chose d’autre comme de la politique ?

– Je pense que je ne serais pas si pire…

– En politique municipale ?

– En politique provinciale, plus, dit-il, en se gardant bien de préciser si une organisation politique le séduit plus qu’une autre…

Sur les entrefaites, il prend d’ailleurs une pause, et lance d’un trait : « On me dit que si je veux aller en politique, il ne faut pas que j’en parle. Mais moi, je ne suis pas très bon là-dedans… J’ai le goût de m’impliquer davantage dans des projets de société. Est-ce que ça va passer par la politique ? Est-ce que ça va passer par davantage d’entrepreneuriat social ? Je ne sais pas, mais j’ai le goût de redonner encore davantage à la société.

« Je n’aime pas ça, parler de ça. Tu ne peux pas dire que tu vas te lancer en politique, mais qu’on va s’en reparler dans sept ans. Mais c’est ça : j’ai sept ans pour monter un projet ambitieux, difficile… Je m’ennuie d’une vision. Je pense que tout le monde s’ennuie d’une vision. D’une direction. D’ambition. Ça va passer par la capacité d’attirer du talent de personnes qui vont partager les mêmes objectifs d’enrichissement collectif. »

NOTORIÉTÉ ET VERTIGE

L’entrepreneur est d’ailleurs conscient de l’impact de l’émission Dans l’œil du dragon, à laquelle il a participé pendant trois saisons, sur sa notoriété. Déjà connu dans le milieu des affaires, il y a acquis une popularité qui lui permet aujourd’hui d’être davantage écouté.

« Cette notoriété, c’est une arme à double tranchant, mais si on est en mesure de l’utiliser pour faire avancer des causes sociales qui nous sont chères, je vois ça comme une bénédiction. »

Et qu’est-ce qui lui tient à cœur, tout particulièrement ?

« L’enrichissement collectif. L’éducation. La culture. Je crois à l’urbanisme comme un moyen de niveler les différences entre les classes sociales… »

« Globalement, ce que je trouve intéressant, c’est d’attirer du talent et de mettre des gens à contribution pour trouver des solutions à des problèmes. »

— Alexandre Taillefer

Il confie toutefois que, parfois, il a le vertige. « On a encore au Québec beaucoup de misère avec l’échec. J’en ai connu plusieurs dans ma vie, et je suis chanceux de ne pas avoir eu la notoriété que j’ai aujourd’hui à ces moments-là. Mais c’est ce qui fait que je suis aujourd’hui un entrepreneur plus aguerri. Je le dis souvent : il faut s’entourer de gens qui ont des cicatrices dans le dos… »

* La Presse a rencontré Alexandre Taillefer quelques jours avant la mort de son fils Thomas, survenue au début du mois de décembre. Sans soumettre cette entrevue, nous nous sommes toutefois assurés auprès de son entourage que nous pouvions la publier.

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