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Quoi faire avec les surplus hydroélectriques ?

Au cours des 10 prochaines années, Hydro-Québec se retrouvera avec des surplus hydroélectriques importants et plusieurs options se présentent à la société d’État.

Exporter davantage aux États-Unis

Le Québec veut vendre ses surplus énergétiques aux entreprises étrangères qui viendront créer des emplois ici ? Pourquoi ne pas plutôt exporter cette précieuse ressource en Nouvelle-Angleterre où, justement, les Américains sont à la recherche d’énergie propre ? suggère Pierre-Olivier Pineau, professeur spécialisé en politique énergétique à HEC Montréal.

Avec des surplus énergétiques anticipés de 75 térawattheures au cours des 10 prochaines années, Hydro-Québec est très bien placée pour répondre à la demande des Américains, soutient le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie.

« Il y a là une opportunité exceptionnelle pour le Québec, dit-il. Évidemment, il faut, pour que cela se concrétise, que le prix du gaz naturel continue de remonter, que les attributs environnementaux de l’électricité québécoise soient pleinement reconnus et que les interconnexions avec les voisins soient assez grandes. »

Projets américains

Le plus récent projet sur la table chez nos voisins du Sud est le New England Clean Power Link, par lequel le Vermont veut entreprendre la construction dès 2016 d’une ligne de transmission souterraine de 1000 MW, dont le point de départ serait le Québec. Ce chantier de 1,2 milliard a de fortes chances de voir le jour, puisque le Vermont fermera cette année son Yankee Nuclear Power Station, c’est-à-dire une centrale nucléaire d’une capacité de 600 MW.

« Sans connaître le prix payé pour l’énergie nucléaire de cette centrale, mais en sachant que le consommateur au Vermont paie 15 cents le kilowattheure, je crois qu’Hydro pourrait vendre à profit de l’électricité au Vermont… sans risque nucléaire. Un bon deal pour tous », affirme Pierre-Olivier Pineau.

La mise en service du New England Clean Power Link est prévue pour 2019, soutient Don Jessome, PDG de Transmission Developers Inc. (TDI), l’entreprise chargée de construire la ligne électrique de 1000 MW du Vermont qui passera en bonne partie dans le lac Champlain. Selon lui, il n’y a pas de doute que l’hydroélectricité sera privilégiée.

« Le gaz naturel représente 55 % de la consommation en Nouvelle-Angleterre, dit M. Jessome. Nous cherchons des solutions plus propres et nous ne voulons plus être à la merci d’une seule ressource comme le gaz. Nous sommes en discussion avec Hydro-Québec, mais nous n’avons pas signé d’entente avec qui que ce soit », dit-il.

Transmission Developers a été cofondée en 2008 par M. Jessome. Le fonds d’investissement new-yorkais Blackstone en a fait l’acquisition en 2010. TDI développera aussi la ligne électrique de plus de 500 km qui doit relier le Québec à la ville de New York. Un projet de 2,2 milliards.

Un autre projet hydroélectrique qui pourrait favoriser l’exportation des surplus énergétiques d’Hydro-Québec est le Northern Pass, une ligne de 1000 MW qui doit traverser le massif des montagnes Blanches dans le New Hampshire et qui suscite beaucoup d’opposition. Un nouveau tracé doit éventuellement voir le jour.

Priorité : emplois

Actuellement, le gouvernement du Québec prévoit dans sa « Politique économique Priorité emploi » quatre mesures phares pour favoriser la création d’emplois à court terme. Parmi celles-ci : utiliser les surplus d’électricité pour attirer des investissements et créer des emplois.

Dans la foulée, le gouvernement a développé ce qu’il appelle « l’offre tarifaire Investissements-emplois ». Dans son budget 2014-2015 déposé le 20 février dernier, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a annoncé que « la charge minimale d’admissibilité pour bénéficier de l’offre tarifaire Investissements-emplois est réduite de 15 MW à 2 MW, ce qui correspond aux besoins d’une PME manufacturière ».

À Hydro-Québec, le porte-parole Patrice Lavoie réfère justement à la « Politique économique Priorité emploi » en ce qui a trait à l’utilisation des surplus énergétiques de la société d’État. « Je ne peux me prononcer [sur les projets de ligne de transmission aux États-Unis]. Cela pourrait effectivement augmenter les possibilités sur le marché d’affaires », dit-il.

Pour en venir à un total de 75 TWh de surplus au cours des 10 prochaines années, Hydro-Québec se base sur son plan d’approvisionnement 2014-2023, explique le porte-parole. La hausse des surplus est attribuable à la baisse de la demande anticipée, couplée à la production, notamment, d’énergie éolienne que la société d’État s’est engagée à acheter.

Un seul térawattheure permet d’alimenter annuellement une ville de 60 000 résidences.

Quant aux exportations actuelles d’électricité vers les États-Unis, elles n’ont pas chuté dramatiquement. La baisse du prix du gaz naturel et sa grande disponibilité depuis que les Américains s’adonnent à la fracturation ont rendu l’hydroélectricité moins attrayante. Hydro-Québec a néanmoins exporté pour 1,2 milliard d’électricité au Canada et aux États-Unis en 2012.

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