L’immigration au cœur des tirs
L’immigration a été au cœur des échanges les plus musclés lors du débat en langue anglaise, hier soir. Mais c’est Philippe Couillard qui a causé la surprise en affirmant que son propre vote contre l’utilisation du « Bonjour-Hi » dans les commerces était un « incident ».
Le premier ministre sortant a passé le gros de la soirée à l’offensive, critiquant François Legault à maintes reprises en raison de ses positions sur l’immigration. Mais il s’est montré beaucoup plus contrit au sujet de la motion que son gouvernement a appuyée l’an dernier pour dénoncer l’accueil bilingue des clients.
« Nous voulons dire que cet incident s’est produit, il est derrière nous, allons de l’avant », a affirmé le chef libéral.
La déclaration est surprenante, car le premier ministre avait lui-même coparrainé la motion présentée par Jean-François Lisée. Ce texte appelait les commerçants « et tous les salariés qui sont en contact avec la clientèle locale et internationale [à l’] accueillir chaleureusement avec le mot Bonjour ».
La motion a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier, au grand mécontentement de la communauté anglophone.
Au terme de la soirée, le premier ministre a assuré qu’il n’avait pas renié son vote. Mais ses adversaires ont vite dénoncé « l’hypocrisie » du chef libéral (voir capsules).
Jusque-là, le premier débat télévisé des chefs en anglais de l’histoire du Québec avait été marqué par de vifs échanges sur l’immigration.
Sur la défensive pendant toute la fin de semaine sur cet enjeu, François Legault était attendu de pied ferme par Philippe Couillard et Jean-François Lisée.
Au plus fort des échanges, le chef libéral a affirmé que son rival caquiste « cherche une excuse pour réduire l’immigration ». Il l’a pilonné sur sa proposition de révoquer le certificat de sélection des immigrants qui échoueront à un test de français ou à un « test des valeurs ».
« J’ai demandé à François Legault l’autre jour ce qu’il ferait avec un père de famille qui pourrait échouer à l’examen. Il ne pouvait pas répondre. J’imagine qu’il va les déposer sur le pont Macdonald-Cartier à Gatineau [pour se] débarrasser de ces gens. »
— Philippe Couillard
Jean-François Lisée, ministre responsable des relations avec les anglophones sous Pauline Marois, a lui aussi pris le chef caquiste de front.
Le chef du Parti québécois a qualifié « d’absurde » la proposition caquiste d’expulser des immigrants qui échoueront à des tests.
« Ne savez-vous pas que […] s’ils échouent au test, ils restent au Québec comme résidents permanents pour toujours s’ils le désirent ? Vous demanderiez au gouvernement fédéral de les déporter. C’est votre position et elle est épouvantable », a dénoncé M. Lisée.
M. Legault n’a pas paru déstabilisé. Il a rendu les coups à Philippe Couillard en soulignant que le quart des immigrants quittaient le Québec après cinq ans.
« Le gouvernement libéral, ils n’ont pas livré, ils n’ont pas aidé les nouveaux arrivants. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le reste, c’est un écran de fumée dressé par quelqu’un qui a mal performé en intégration. »
— François Legault
Face à Jean-François Lisée, le chef caquiste a rappelé qu’il n’y a « pas si longtemps », il proposait de fusionner les cégeps anglophones et francophones, « ce qui est une mauvaise idée ».
« Non », a répliqué le chef péquiste, rappelant sa promesse sur un trimestre dans un cégep anglophone.
« Je suis heureux que vous ayez changé d’idée », a ironisé M. Legault.
Vérification faite, M. Lisée a bien proposé de fusionner les cégeps anglophones et francophones en 2009 dans un blogue sur le site de L’actualité.
Nettement moins à l’aise que ses adversaires dans la langue de Shakespeare, Manon Massé a été plus effacée. Elle a néanmoins réussi à placer Philippe Couillard sur la défensive en rappelant que Québec solidaire a été le premier à proposer une couverture universelle des soins dentaires.
Le Parti libéral a depuis proposé d’étendre la gratuité des soins dentaires de base aux enfants de 10 à 16 ans et aux aînés à faible revenu.
« C’est amusant de vous entendre dire que vous allez donner des soins dentaires gratuits. Vous avez repris notre idée, parce que vous savez que c’est une idée populaire », a asséné Mme Massé, qui s’est demandé pourquoi les libéraux ne l’avaient pas mise en œuvre au cours des quelque 15 ans où ils ont été au pouvoir.
— Avec la collaboration de Tommy Chouinard et d’Hugo Pilon-Larose, La Presse