Société des alcools du Québec

L’EXPÉRIENCE ALBERTAINE

L'Alberta est la seule province canadienne à avoir privatisé son commerce de l’alcool. En septembre 1993, le premier ministre Ralph Klein sonne le glas de 69 ans de monopole. Deux décennies plus tard, les partisans de la mesure font valoir que les consommateurs en sont sortis gagnants puisque le nombre de succursales a plus que doublé et que le nombre de produits se trouvant sur les étagères est passé de 2200 à 19 000. Certaines succursales restent de plus ouvertes jusqu’à 2 h du matin. Toutefois, il n’est pas tout à fait clair si le prix de l’alcool a diminué. Selon une étude de 2012 de l’Institut Parkland, l’alcool serait en moyenne plus cher en Alberta qu’en Saskatchewan. La province se serait privée d’environ 1,5 milliard de dollars en n’ajustant pas la taxe de vente sur l’alcool à l’inflation, estiment les chercheurs.

— Louis-Samuel Perron, La Presse

Vente des vins et spiritueux

Le monopole

de la SAQ remis

en question 

Pas question de privatiser la Société des alcools du Québec, mais la société d’État ne devrait plus jouir du monopole qu’elle détient dans la vente des vins et des spiritueux.

Ouvrir la porte à la concurrence serait bénéfique pour l’économie, augmenterait le choix pour les consommateurs et serait neutre du point de vue des recettes du gouvernement.

Ces conclusions font partie du deuxième volet du rapport de la commission présidée par Lucienne Robillard, chargée par le gouvernement du Québec de réévaluer l’ensemble des programmes gouvernementaux. La commission a remis, à la mi-juin, un très volumineux rapport au président du Conseil du trésor, mais le gouvernement en retarde la publication, préférant le conserver pour relancer le débat public à la fin de l’été.

La publication du premier volet du rapport, en novembre 2014, avait été une catastrophe en termes de communications. Quelques heures seulement après sa publication, les ténors du gouvernement Couillard repoussaient ses recommandations de sabrer l’assistance aux agriculteurs et aux municipalités. Québec avait même choisi de ne pas attendre les conclusions de Mme Robillard avant de faire son lit sur les nouveaux tarifs quotidiens pour les garderies.

Cette fois encore, les économistes Robert Gagné et Claude Montmarquette, les véritables penseurs de la commission, ont été tentés par des propositions particulièrement difficiles d’application pour les politiciens. Selon les sources de La Presse, on relève que le Québec pourrait faire des économies importantes s’il abolissait son Agence du revenu, le plus gros effectif parmi les ministères, pour laisser la responsabilité de la perception des impôts à Revenu Canada. 

Pour le Fraser Institute, il y a cinq ans, l’économiste François Vaillancourt avait évalué qu’une économie de 500 à 700 millions de dollars était possible. Un obstacle, prévient-on cependant à Québec, où cette agence a diversifié certaines activités et est responsable, par exemple, de la perception des pensions alimentaires. Depuis des mois, l’économiste Montmarquette poussait pour que cette proposition soit retenue par le comité, bien qu’elle risque d’être taillée en pièces rapidement, tel un recul du Québec, par les adversaires souverainistes du gouvernement.

UNE MESURE À COÛT NUL

La Société des alcools paraît une cible plus accessible. Surtout qu’à la différence des autres sociétés d’État – Loto-Québec, par exemple –, aucun dirigeant de la SAQ n’a pris contact avec la commission pour défendre l’organisme.

Depuis des années, un débat persiste sur l’opportunité de privatiser la SAQ, tout au moins en partie. Dans un rapport suivant l’élection du PLQ, Luc Godbout et Claude Montmarquette avaient, au printemps 2014, suggéré que le gouvernement vende 10 % de la SAQ et d’Hydro-Québec pour renflouer le Fonds des générations, une avenue que Québec a vite repoussée. 

À l’été 2013, les jeunes du PLQ avaient appuyé une motion proposant qu’on « vende progressivement la totalité des actifs de la Société des alcools du Québec sur le marché ». Le printemps dernier, les ministres Leitao et Daoust avaient remis en question la présence du gouvernement dans des activités commerciales comme la vente d’alcool.

UNE GOUVERNANCE CRITIQUÉE

La gouvernance de la SAQ en prend pour son rhume dans le rapport Robillard, indiquent à La Presse des sources fiables. Coûts importants liés à la syndicalisation des employés, horaires contraignants pour les clients, la SAQ soulève des critiques en tant que chaîne de magasins. Depuis deux ans, la stratégie commerciale de la SAQ a eu pour résultat qu’elle a été incapable de livrer les profits qu’espérait le gouvernement. 

Québec a dû hausser à deux reprises sa taxe sur l’alcool pour atteindre les cibles de recettes, juste au-dessus de 1 milliard de dollars. En 2013-2014, les profits de la SAQ avaient régressé en chiffres absolus ; un recul minime, mais tout de même sans précédent de 28 millions.

Son monopole fait toutefois tiquer davantage. Selon les études, la marge de profit de la SAQ va de 34 à 50 % depuis les cinq dernières années. Ouvrir la porte à la concurrence forcerait la société d’État à rabattre ses marges, à baisser ses prix pour faire face à la concurrence. En contrepartie, Québec pourrait majorer ses droits sur les vins et spiritueux : l’effet net serait neutre pour les coffres du gouvernement, mais les clients auraient droit à davantage de produits et profiteraient d’horaires plus souples.

La SAQ n’a pas répondu à notre invitation à s’exprimer sur le sujet.

Société des alcools du Québec

1983

Le gouvernement Lévesque envisage de privatiser le réseau de magasins de la SAQ. Les syndicats s’y opposent vivement. En avril 1985, le ministre de l’Industrie et du Commerce Rodrigue Biron propose de vendre une centaine de succursales de la SAQ de la région de Montréal par appels d’offres publics. Le plan Biron prévoit que les magasins privés obtiennent l’exclusivité de la vente sur un territoire donné. En revanche, un investisseur ne peut acquérir qu’une seule succursale afin d’éviter de créer un monopole privé. À son retour au pouvoir l’année suivante, le gouvernement libéral annule la privatisation.

Société des alcools du Québec

1921

Partout en Amérique du Nord, c’est la prohibition. Sauf au Québec. Deux ans après un référendum sur la question, le gouvernement signe la Loi sur les boissons alcooliques : la Commission des liqueurs du Québec est créée. C’est une révolution. L’ancêtre de la SAQ possède le monopole du commerce de l’alcool. Dès 1921, 64 magasins sont ouverts. Ils proposent 383 vins et spiritueux. Dans les succursales, impossible de comparer les bouteilles sur les étagères comme aujourd’hui. Les clients doivent passer leur commande à des employés postés derrière un comptoir grillagé, où sont dissimulées les bouteilles. Une « Police des liqueurs » se charge d’appliquer la loi, d’une grande sévérité.

Société des alcools du Québec

2014

Le rapport sur l’état des finances publiques du Québec, en avril 2014, lance un pavé dans la mare en suggérant la vente partielle de la SAQ. Les experts Luc Godbout et Claude Montmarquette proposent au gouvernement libéral d’« ouvrir jusqu’à 10 % du capital » de la société d’État afin de permettre de réduire la dette du Québec. Le premier ministre Philippe Couillard écarte la proposition. « Ce n’est pas dans nos cartons à court terme », déclare-t-il. Au congrès de la commission jeunesse du Parti libéral, durant l’été, des jeunes libéraux proposent de privatiser la SAQ.

— Louis-Samuel Perron, La Presse

Sources : SAQ, Sûreté du Québec

Société des alcools du Québec

1971

La SAQ comme on la connaît aujourd’hui prend forme. Dans la foulée des recommandations de la commission Thinel, instituée trois ans plus tôt, le gouvernement Bourassa crée la Société des alcools du Québec sur les cendres de la Régie des alcools. La Commission de contrôle des permis d’alcool est aussi mise en place. La SAQ compte déjà 2600 employés et 215 succursales.

Société des alcools du Québec

1961

La Révolution tranquille bouleverse tout sur son passage : la Commission des liqueurs cède la place à la Régie des alcools du Québec. La nouvelle société d’État reçoit un nouveau mandat : accroître le commerce de l’alcool. Signe des changements à venir, la Régie ouvre à la Place Ville Marie un magasin en partie libre-service, une première. Certaines bouteilles sont maintenant visibles. Toutefois, les consommateurs ne peuvent toujours pas s’en emparer eux-mêmes. En 1970, le premier magasin libre-service ouvre à Sherbrooke. Finis les comptoirs aux allures de confessionnaux, les bouteilles sont dorénavant sur des étagères, à la vue de tous.

Société des alcools du Québec

1978

Le monopole de la SAQ sur la vente de vins s’érode légèrement cette année-là. Les épiceries et les dépanneurs du Québec sont maintenant autorisés à vendre une trentaine de produits. Mais oubliez les vins de Bourgogne ou du Nouveau Monde, les bouteilles doivent avoir été embouteillées au Québec. Cinq ans plus tard, les fabricants québécois auront le droit d’embouteiller des vins de partout dans le monde.

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