Santé

Un hôpital peut-il limiter l’accès à ses services ?

Ce n’est pas parce que vous habitez à deux coins de rue de l’hôpital Charles-LeMoyne, à Longueuil, que vous pouvez y obtenir tous les services voulus. Les requêtes pour les analyses sanguines qui ne viennent pas de ses propres médecins n’y sont pas acceptées, a constaté La Presse. Les patients sont dirigés vers les CLSC de Brossard et de Longueuil. Légal ou illégal ? Ce n’est pas clair.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a d’abord affirmé qu’il est habituel que des hôpitaux refusent des patients « pour équilibrer l’offre et la demande » dans le réseau, avant de se raviser et d’indiquer qu’il n’est pas permis, en vertu de l’article 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, de refuser de servir quelqu’un.

« Ultimement, toute personne a le droit de choisir l’établissement où elle désire recevoir des services. Ainsi, un établissement peut demander à cette personne de se présenter à un autre hôpital, mais si la personne refuse, l’hôpital doit lui offrir les services requis. […] La loi est claire, un hôpital ne peut refuser un patient », a déclaré la porte-parole Stéphanie Ménard.

Quelques jours plus tard, une autre représentante du Ministère a par contre précisé que malgré l’article 6, un établissement de santé pouvait ne pas offrir certains services, selon son « fonctionnement » et « les ressources humaines, matérielles et financières dont il dispose ». Elle n’a pas fourni plus de détails.

La direction de l’hôpital Charles-LeMoyne se défend en affirmant que son centre de prélèvements n’est « pas populationnel ». « C’est réservé aux médecins spécialistes de nos cliniques externes. […] Les deux CLSC [sur notre territoire] répondent amplement aux besoins de la population », a affirmé son représentant, Louis-Charles Primeau. La décision a été prise par la direction régionale du CSSS Champlain–Charles-Le Moyne (dont il est également le porte-parole). 

Ainsi, dès que vous contactez l’hôpital Charles-LeMoyne pour savoir comment avoir accès à son centre de prélèvements, on vous demande le lieu de travail du médecin qui a signé la requête. Si la réponse n’est pas « Charles-LeMoyne », inutile de vous y présenter pour une prise de sang : vous serez refusé. Louis-Charles Primeau affirme que « c’est comme ça sur la majorité des territoires ». Il n’a cependant pas été en mesure de fournir un autre exemple.

Le Ministère n’a pas voulu se prononcer sur le cas précis de l’hôpital Charles-LeMoyne, affirmant que cette question relève de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie. 

« Le MSSS ne peut pas porter un jugement sur l’argument du “non populationnel” pris hors contexte. »

— Marie-Claude Lacasse, porte-parole du MSSS

« J’ai l’impression que c’est la politique qu’ils se sont donnée, a réagi le porte-parole de l’Agence de la Montérégie, François Simard. C’est un choix d’organisation, pour éviter probablement que ce soit trop chargé à l’hôpital, pour essayer d’envoyer le trafic ailleurs. » Il n’a pas voulu dire si son employeur cautionne ce « choix ».

ACCÈS UNIVERSEL À MONTRÉAL

La Presse a contacté plusieurs hôpitaux pour connaître leur politique au sujet des prélèvements. À Sacré-Cœur, on accueille tout le monde, peu importe le médecin qui a prescrit la prise de sang. « Aucun problème si la requête est parfaite, c’est-à-dire que le nom du médecin et l’adresse de son lieu de pratique sont lisibles. »

Même scénario dans les trois établissements du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). À la Cité-de-la-Santé, à Laval, le centre sans rendez-vous est ouvert à tous, de 8 h à 14 h. À l’Hôpital général juif, tous les patients sont les bienvenus. À Saint-Jérôme, le seul centre de prélèvements public ne se trouve ni à l’hôpital ni au CLSC, mais dans un édifice distinct (en face de l’hôpital).

À Longueuil, l’hôpital Pierre-Boucher préfère diriger les patients ailleurs, tout en étant moins catégorique que Charles-LeMoyne. « Les patients doivent normalement aller au CLSC. Le plus possible, on les envoie au CLSC », nous a dit une préposée, qui n’était toutefois pas fermée à l’idée de nous laisser prendre un rendez-vous pour une prise de sang. 

À l’hôpital Pierre-Le Gardeur (Terrebonne), la réceptionniste nous a dit qu’aucun prélèvement n’était effectué à l’hôpital.

L’hôpital Charles-LeMoyne refuse-t-il d’honorer d’autres types de requêtes signées par des médecins qui ne travaillent pas sous son toit ? « On offre notre plateau technique à tout le monde », répond Louis-Charles Primeau. Ainsi, les services nécessitant de la technologie (radiographies, échographies, électrocardiogrammes) sont offerts. Les restrictions à son centre de prélèvements n’ont provoqué qu’une plainte en trois ans, selon l’hôpital.

REFUS POUR UNE QUESTION DE CODE POSTAL

Certains CLSC précisent sur leur site web que leurs services ne sont offerts qu’aux résidants de leur quartier. C’est le cas notamment du CLSC Meilleur, à Repentigny, et du CLSC Lamater, à Terrebonne, qui réservent les rendez-vous aux résidants de leur MRC. Le CSSS Jeanne-Mance, à Montréal, indique sur sa page d’accueil qu’il peut aider ceux qui cherchent un médecin de famille. Condition d’admissibilité : « résider sur le territoire du CSSS » en question. 

La porte-parole de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Marie france Coutu, convient qu’il est « interdit de refuser à un usager l’accès aux soins pour des motifs de sectorisation, c’est-à-dire pour des motifs géographiques ». Toutefois, pour des raisons d’efficacité du réseau, « il est possible que des services puissent être restreints à certaines clientèles », observe-t-elle. En Montérégie, son vis-à-vis François Simard est catégorique au sujet des CLSC : « Ils ne peuvent refuser quiconque. » 

Ces limites sont-elles acceptables, selon le Ministère ? « Les services de santé et les services sociaux sont organisés au niveau régional et local pour que la population puisse obtenir les soins et services le plus près de son domicile », répond la porte-parole Marie-Claude Lacasse.

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