SANTÉ

Un projet unique au monde

Le 25 décembre dernier, Andréanne Fafard a vécu l’un des plus beaux Noëls de sa vie. Elle a partagé le repas des Fêtes d’ex-sans-abri, qui venaient de terminer un traitement de plusieurs mois, long et douloureux, pour vaincre le tueur silencieux qui les rongeait depuis des années.

Au terme de ce dîner, l’intervenante a remis à chacun d’entre eux un certificat attestant qu’ils avaient complété le traitement contre l’hépatite C et étaient désormais guéris. « Certains m’ont dit que c’était le seul diplôme qu’ils avaient jamais reçu dans leur vie. »

Pendant huit mois l’année dernière, Mme Fafard a été la coordonnatrice du projet Pause Santé, une formule unique au monde, qui visait à traiter l’hépatite C chez une clientèle lourdement atteinte, les sans-abri.

Au cours de ces huit mois, 14 sans-abri, généralement utilisateurs de drogues injectables, ont été hébergés et soignés pour traiter le virus qui s’attaquait à leur foie et menaçait leur vie.

Les bénéficiaires étaient hébergés dans des locaux prêtés par la Mission Old Brewery durant leur traitement. Ils ont pu bénéficier des services d’une infirmière, d’une nutritionniste, d’une travailleuse sociale.

« JE ME SUIS INJECTÉ L’HÉPATITE C »

Pierre Clermont était l’un d’entre eux. Devenu sans-abri à la suite d’une séparation difficile, il avait contracté l’hépatite C. « Je me suis shooté cinq ou six fois dans ma vie, une fois j’ai emprunté les seringues d’une amie… et je me suis injecté l’hépatite C. »

Il a vécu avec la maladie pendant 15 ans. « Je savais que ça attaquait le foie, que je risquais la cirrhose. Mais j’étais un peu inconscient. » Après plusieurs années, la maladie a cependant fini par se manifester.

« Avec la boisson, c’est pas bon pour le foie, l’hépatite s’est réveillée. Je ne filais vraiment pas. J’étais toujours fatigué, incapable de faire quoi que ce soit. »

— Pierre Clermont, ancien sans-abri

Par hasard, un jour, il voit l’affichette qui visait à recruter des bénéficiaires pour Pause Santé. Il est admis. Comme lui, 11 autres patients admis ont complété le traitement et sont désormais guéris. Effet secondaire du traitement : huit d’entre eux ont repris leur vie en main et la majorité vit désormais en logement stable.

C’est le cas de M. Clermont, qui vit désormais à Québec. « À Pause Santé, ils ne m’ont pas juste guéri de l’hépatite C, ils m’ont guéri de bien d’autres choses aussi. Ils m’ont conscientisé sur ma consommation. Aujourd’hui, je ne me drogue plus et je bois peu. »

UN TRAITEMENT TRÈS DUR

« Jamais un médecin n’aurait accepté de prescrire un traitement de l’hépatite C à quelqu’un qui était dans la rue, qui n’avait pas de stabilité, pas de régularité dans les repas et qui consommait. Le traitement est très difficile et comporte de nombreux effets secondaires », explique Mme Fafard.

C’est pourquoi les usagers devaient s’engager à avoir une vie relativement stable. « Nos usagers avaient tous des problèmes de santé mentale et de consommation. Ils ont accepté de voir un psychiatre et de contrôler leur consommation. Ils devaient impérativement rentrer coucher le soir pour prendre leur médication. »

À la première piqûre d’interféron – le médicament central du traitement – les bénéficiaires ont pris la mesure du défi qui les attendait. Tremblements, frissons, bouffées de chaleur, « certains n’ont pas dormi de la nuit », raconte Mme Fafard. Les usagers se sont épaulés entre eux. « Il y avait une grande force dans la dynamique de groupe. »

« Ça a été très dur, confirme Pierre Clermont. Huit heures après l’injection, c’est comme si on avait une très grosse grippe musculaire. J’avais même de la misère à faire mon lit. »

Mais voilà, ce projet-pilote novateur lancé par le Centre associatif polyvalent d’aide hépatite C s’est terminé il y a six mois. Depuis, la directrice de l’organisme, Laurence Mersilian, cherche des locaux pour poursuivre l’expérience. « Nous avons des partenaires qui sont très intéressés à nous aider financièrement. Mais nous n’avons pas de locaux ! »

Pierre Clermont souhaite de tout cœur que d’autres puissent avoir la même chance que lui. « Sans ce projet-pilote, j’aurais encore l’hépatite C, c’est certain. Jamais je n’aurais fait ça tout seul. Ça m’a donné 15 ans de plus à vivre. Tout un cadeau ! »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.