Regards sur le monde

Le « beau problème » des urgences françaises

PARIS — Les urgences françaises traversent elles aussi une crise… qui ferait pâlir d’envie plusieurs Québécois.

Dimanche après-midi, à l’hôpital Saint-Louis. Dans la salle des urgences de cet établissement central de Paris, une quinzaine de personnes patientent sans rechigner. Deux infirmiers installent un homme sur une civière dans le couloir, mais il sera déplacé vers une chambre à peine cinq minutes plus tard. L’ambiance est calme.

« Combien de temps pour voir un médecin ? », demande-t-on au comptoir d’accueil. « Cela risque d’être long aujourd’hui : deux, voire trois heures », indique le préposé d’un ton presque contrit.

Pour tout Québécois, recevoir une telle réponse constituerait un cadeau tombé du ciel. Le temps d’attente moyen dans les urgences s’est élevé à 17h30 l’an dernier au Québec, selon une compilation récente de La Presse. Le bilan est pire à Montréal, avec 21h à poireauter sur une civière en moyenne.

Or, les urgences françaises traversent elles aussi une crise. L’État, aux prises avec des déficits budgétaires gargantuesques, sabre dans ses dépenses de santé. Quelque 20 000 emplois sont menacés dans les hôpitaux du pays, ce qui risque d’amputer fortement la qualité des soins, dénonce le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF).

« C’est très rare désormais qu’on puisse voir un médecin directement, en moyenne, il faut attendre 4h30, lance-t-il à La Presse. Ce n’est pas là la définition d’un service d’urgence, ce délai n’est pas normal… »

Malgré l’inquiétude de plusieurs groupes de médecins, la France fait encore bonne figure par rapport aux autres pays développés - surtout le Canada. Selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), on trouve en France 3,3 médecins par tranche de 1000 habitants, contre 2,4 au Canada.

Le nombre de lits d’hôpitaux par tranche de 1000 habitants - une mesure-clé - impressionne encore plus. Il se situe à 6,4 en France, comparativement à 3,2 au Canada, et 3,1 en moyenne dans les pays de l’OCDE.

L’AMUF juge toutefois la situation critique et elle veut juguler l’hémorragie avant qu’il ne soit trop tard. « On demande au gouvernement d’arrêter d’essayer de faire des économies dans les hôpitaux, lance le Dr Pelloux. On l’a vu au Québec, c’est lorsqu’on ferme des lits que les problèmes s’aggravent. »

Le débat sur les urgences pourrait s’envenimer, au point où les urgentistes envisagent des moyens de pression l’automne prochain. Il reste que le système français demeure dans bien des cas hautement efficace pour traiter les ennuis de santé non urgents. Des problèmes qui, vécus au Québec, se traduiraient bien souvent par une visite à l’urgence, faute de médecin de famille pour tous.

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Voici deux cas récemment vécus par La Presse à Paris :

— La visite express à domicile

Une douleur au milieu du sternum n’est jamais rassurante, même pour un adulte dans la jeune trentaine. Après quelques considérations, nous appelons le Service d’aide médicale urgente (SAMU), la première ligne des soins de santé en France.

La préposée note nos symptômes, notre âge, puis transfère immédiatement l’appel à un médecin du SAMU. Après un examen téléphonique plus approfondi, le spécialiste confirme qu’il ne s’agit pas d’un problème cardiaque. Mais il nous conseille d’appeler SOS-Médecin pour en avoir - justement - le cœur net.

Trente minutes plus tard, un médecin se rend à l’appartement avec, sait-on jamais, un électrocardiographe portatif. Nul besoin de s’en servir : son examen révèle un simple surentraînement sportif qui a coincé un ligament. Coût de la visite : 74 euros (97 $), remboursables par les assurances publiques ou privées. Durée totale de l’exercice : moins d’une heure.

— La clinique sans rendez-vous en soirée

Les allergies saisonnières, la pollution et les nombreux voyages en avion se sont transformés en vilaine sinusite. Très vilaine. Mais que faire pour traiter la chose un vendredi soir ?

Premier coup de fil dans une clinique sans rendez-vous. L’établissement va fermer d’une minute à l’autre, mais la préposée nous dirige vers une deuxième clinique du quartier, ouverte jusqu’à 20h. Lorsqu’on s’y présente, deux personnes attendent dans la salle.

La médecin de garde vient elle-même nous chercher 20 minutes plus tard. Après un examen complet, et après s’être assurée qu’elle avait répondu à toutes nos questions, elle prescrit les médicaments nécessaires. La facture, remboursable par les assurances publiques ou privées, s’élève à 23 euros (30 $).

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