Jour de fête(s) pour les Islandais

MOSCOU, Russie Le coup d’envoi face à l’Argentine était donné hier à 16 h, mais la fête a commencé bien avant pour les partisans islandais. Dans la matinée, plusieurs milliers d’entre eux s’étaient réunis à l’amphithéâtre du parc Zaryadye, à un jet de pierre de la cathédrale Saint-Basile.

Au menu : de la musique islandaise, des cris de ralliement et le désormais célèbre clapping dont les images avaient fait le tour du monde lors de l’Euro 2016. « Ouh, ouh, ouh », criaient-ils tous ensemble en accélérant la cadence au son d’un puissant tambour. À ce moment-là, ils ne se doutaient pas que, pour une première participation, ils allaient tenir tête à l’Argentine (1 à 1) dans un duel aux antipodes en termes historiques. Le simple fait de vivre cet instant, parmi le gratin du ballon rond, était déjà une victoire.

« C’est un grand moment et je devais venir en Russie. Je crois que c’était ma seule chance de voir l’Islande jouer en Coupe du monde, a raconté Jakob Jakobsson avant le début de l’événement matinal. Nous avons une génération dorée et même si nos joueurs ont prouvé bien des choses dans les dernières années, rien n’indique qu’on retournera au Mondial. »

Puisque nous n’avons malheureusement pas la faculté de prédire l’avenir, intéressons-nous plutôt au miracle islandais qui a encore frappé, hier, au stade du Spartak. Il est maintenant bien connu que, dans ce pays de 335 000 habitants – un chiffre qui le placerait entre Laval et Gatineau au Québec –, tout a démarré par un effort sur le plan des infrastructures. Ce n’est qu’au début des années 2000 que les terrains intérieurs ont poussé comme des champignons. « Les jeunes peuvent maintenant s’entraîner toute l’année, alors qu’on était limités il y a encore 20 ans, a précisé M. Jakobsson. Il y avait d’autres sports à pratiquer l’hiver, comme le basketball ou le handball. D’ailleurs, l’Islande est plutôt bonne au handball. On pouvait toujours jouer au soccer dehors, sur du gravier ou dans les rues, mais pas sur une pelouse. Ce n’était pas vraiment agréable. »

Évidemment, il ne suffit pas de construire des terrains pour hausser le niveau et permettre à une nouvelle génération d’atteindre des hauteurs jusqu’ici inconnues. Encore faut-il s’appuyer sur de bons guides pour encadrer les joueurs. « Ce qui est encore plus important, c’est le fait que nous avons des entraîneurs qualifiés, a souligné l’ambassadrice d’Islande en Russie, Berglind Ásgeirsdóttir. Même les enfants de 5 ou 6 ans peuvent être dirigés par des entraîneurs qui ont suivi des cours et reçu de bons diplômes. »

En fait, tous les entraîneurs en Islande, peu importe la catégorie d’âge, sont professionnels et rémunérés.

UNE ÉQUIPE À L’IMAGE DU PAYS

L’Islande suit une trajectoire ascendante depuis le passage de l’entraîneur suédois Lars Lagerbäck de 2011 à 2016. Avant ce premier point inscrit face à la bande à Lionel Messi, hier, il y avait eu les barrages pour le Mondial 2014, puis un Euro 2016 marqué par l’élimination de l’Angleterre en huitièmes de finale. Cet événement a permis de découvrir des partisans joviaux et extrêmement passionnés. Illustration : 66 000 Islandais, c’est-à-dire 20 % des habitants du pays, ont fait une demande pour obtenir des billets pour ce Mondial. L’union est totale, puissante. Cette sélection, puisée dans un bassin d’une centaine de joueurs dont 75 évoluant à l’étranger, est un microcosme de la société islandaise.

« Notre équipe, c’est bien plus que 11 joueurs. Elle possède un esprit d’équipe qui est unique à l’Islande, c’est-à-dire celui d’une petite nation. »

— Berglind Ásgeirsdóttir, ambassadrice d’Islande en Russie

« Les Islandais n’aiment pas quand une personne fait preuve d’arrogance. Comme tout le monde se connaît ou presque, chacun est obligé de bien se comporter et d’être poli. Les gens apprécient le côté très modeste de nos joueurs », poursuit-elle.

« Ça fait tellement longtemps qu’ils jouent ensemble, a ajouté M. Jakobsson. Ils se connaissent par cœur et on a l’impression qu’ils aiment jouer ensemble même si, pour être franc, ce ne sont pas les joueurs les plus talentueux du monde. On dirait une bande d’amis qui ont trouvé la bonne recette, qui consiste à jouer de manière défensive. Et ça marche, même si c’est un peu ennuyeux. »

Il ne croyait pas si bien dire. En langage statistique, le match d’hier a débouché sur une possession de 28 % et seulement 119 passes complétées, contre… 643 pour l’Argentine. Mais l’Islande a joué selon les forces qui sont énumérées, noir sur blanc, dans une présentation de sa fédération : « caractère, engagement physique, esprit d’équipe ». Ce n’est pas un spectacle forcément impressionnant, mais ç’a le mérite d’avoir été très bien exécuté. Bien regroupée dans sa moitié de terrain, l’Islande a su limiter l’espace de Messi et compagnie tout en profitant d’une rare occasion pour égaliser. Le Barcelonais a, par ailleurs, vu un penalty être repoussé par le gardien Hannes Halldórsson. « On sait comment on peut gagner des points et, dans un match comme celui-ci, c’est un fait que l’Argentine possède de meilleures individualités, a reconnu le sélectionneur Heimir Hallgrímsson, par ailleurs dentiste à mi-temps. On doit jouer d’une manière spécifique et on a une identité de jeu claire. Tout le monde est d’accord là-dessus. Pour tout le monde, c’est plus agréable de jouer comme ça et de réaliser quelque chose plutôt que de tenter de jouer autrement et ne rien obtenir. »

Il est maintenant 18 h. Le coup de sifflet final a retenti et, à la surprise générale, ce sont les « ouh, ouh, ouh » qui descendent des tribunes. Les Islandais sortent du stade, s’engouffrent dans le métro et quittent le nord-ouest de Moscou pour rejoindre le centre-ville. La fête n’est pas finie. Elle n’est que plus belle pour le Petit Poucet du Mondial.

Coupe du monde de soccer

À regarder aujourd’hui

Groupe E : Costa Rica c. Serbie (8 h)

Groupe F : Allemagne c. Mexique (11 h)

Groupe E : Brésil c. Suisse (14 h)

Tous les matchs sont présentés à RDS et TSN.

Coupe du monde de soccer 

La Croatie a le dessus sur le Nigeria 

La Croatie n’a guère été impressionnante face au Nigeria pour son entrée en lice dans le groupe D, mais sa victoire d’hier (2-0) lui permet de prendre la tête du groupe après le nul des Argentins face à l’Islande (1-1). Luka Modrić, le meneur de jeu du onze au damier, y est allé de son but, en transformant un penalty à vingt minutes de la fin. Mais il s’agissait là du premier tir cadré croate et seulement du deuxième de la partie, démontrant du même coup le faible niveau offensif des deux équipes dans ce match. 

— Agence France-Presse 

Les Péruviens chargent, Les Danois résistent

Le Danemark a gâché les retrouvailles du Pérou avec la Coupe du monde en le battant (1-0) sur la seule action de classe de son leader Christian Eriksen, passeur, et a rejoint la France en tête du groupe C, hier à Saransk. La délicieuse passe entre les lignes du meneur de jeu de Tottenham pour Yussuf Poulsen permet aux Danois d’empocher 3 points. Le Pérou, prochain adversaire de la France, le 21 juin à Iekaterinbourg, a manqué un penalty signé « assistance vidéo à l’arbitrage ». 

— Agence France-Presse 

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