Développement de l'enfant

Devancer ou retarder la parole?

Avant de se lancer dans l’utilisation des signes pour bébés, bien des parents se posent la même question : est-ce que mon enfant va apprendre à parler s’il peut se faire comprendre avec des signes?

« Aucun parent ne se demande si son enfant va apprendre à dire bye bye parce qu’il fait bye bye avec la main », rétorque Chantal Jolicoeur, maman et formatrice en langage des signes pour bébés.

Cette inquiétude constitue néanmoins un frein, pour bien des parents. Yannick B. Gélinas, maman d’une fille de neuf mois, connaît l’existence des « baby signs » depuis des années puisqu’une amie à elle en a fait un usage intensif. « Ça m’intéressait, mais je me suis dit que je ne le ferais pas systématiquement », dit-elle.

Après en avoir discuté avec son mari, soucieux comme elle de ne pas retarder le développement du langage de leur enfant, ils ont choisi de n’enseigner qu’un seul mot : lait. « Est-ce que je vais lui en montrer d’autres? Je ne sais pas si c’est pertinent, s’interroge-t-elle, je n’ai pas prévu le faire pour le moment. »

BÉNÉFICES PROUVÉS ?

Chantal Jolicoeur croit au contraire que l’utilisation des signes a un effet très favorable sur le langage parlé. « Mes enfants parlaient à 2 ans, avec des phrases complètes », fait-elle valoir, tout en précisant qu’elle a porté une attention particulière au langage, puisque c’était une chose importante pour elle.

D’autres promoteurs du langage des signes pour bébés vont bien plus loin : ils avancent que l’utilisation de ces signes contribuerait au développement des zones du cerveau responsables de la communication et que les enfants qui en ont fait usage parlent non seulement plus tôt, mais de manière mieux structurée et que leur quotient intellectuel se situe au-dessus de la moyenne.

« La recherche scientifique actuelle ne permet pas de conclure que l’utilisation des signes va augmenter les capacités langagières et encore moins le quotient intellectuel de manière générale. »

— Diane Poulin-Dubois, professeure titulaire au département de psychologie de l’Université Concordia

La chercheuse précise par ailleurs qu’il y a très peu de recherches « rigoureuses » sur le sujet.

Une méta-analyse des recherches réalisées à ce jour montre que les enfants qui ont fait usage du langage des signes auraient un avantage à court terme sur le plan du langage, mais que ce petit plus n’est pas très significatif. « Il n’y a pas de bénéfice ou de désavantages évidents », résume Diane Poulin-Dubois.

RELATION PARENT-ENFANT

Ce qui est indéniablement favorable dans l’enseignement de signes aux bébés, c’est son impact sur la relation parent-enfant. Il s’agit d’une activité qui peut être stimulante et qui favorise aussi l’attachement. « L’important, c’est que le parent soit sensible aux besoins de l’enfant et à ses demandes d’information. Ça, c’est critique. Regarder des livres d’images, pointer des objets, c’est ça qui facilite le langage, dit la chercheuse. Le contact visuel, l’attachement, l’attention conjointe, tout ça est très bon pour le langage, avec ou sans l’enseignement du langage des signes. »

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