Un petit investisseur plonge

Depuis six mois, Michel Poitevin détient un actif inusité dans son portefeuille d’investissement : 1000 tonnes de CO2.

Ce professeur au département de sciences économiques de l’Université de Montréal est l’un des rares particuliers à avoir investi dans le marché du carbone.

« Je trouvais que c’est un beau risque, explique-t-il. Je ne recommanderais pas à tout le monde d’aller là-dedans. Ça dépend un peu de la taille de votre portefeuille. »

La somme en jeu n’est pas banale : le droit d’émettre une tonne de CO2 n’est pas vendu à l’unité, il faut en acheter 1000 à la fois. Après un processus d’enregistrement complexe, M. Poitevin a allongé près de 16 500 $ pour acquérir un lot au prix plancher, le 22 août dernier.

La valeur du placement ne s’est pas envolée, mais M. Poitevin se montre optimiste à moyen et à long terme.

Chaque année, le prix plancher des unités d’émission est relevé de 5 %, plus l’inflation. Les entreprises ont jusqu’à 2018 pour acquérir assez de droits d’émission pour respecter la présente période de conformité. Mais lorsque le plafond baissera, la valeur de ces unités de pollution pourrait très bien augmenter.

« J’ai payé 16 $ la tonne. Est-ce que les gouvernements vont être sérieux ou est-ce qu’ils vont lâcher ? Je me suis dit que j’allais essayer : si ça monte à 30 $ ou 40 $ la tonne, j’aurai fait un peu d’argent ! »

— Michel Poitevin

Est-ce une bonne idée pour un petit investisseur de miser sur le marché du carbone ? Les avis divergent.

Anthony D’Agostino, directeur des échanges sur les marchés des émissions pour RBC Dominion Securities, a des doutes.

« En général, les produits de base sont un placement risqué, convient-il. Je crois que beaucoup de petits investisseurs qui jouent dans ce marché le font davantage par altruisme ou pour les bénéfices environnementaux que pour obtenir un bon rendement. »

Chris Busch, directeur de la recherche sur la politique climatique californienne à l’organisme Energy Innovation, est d’avis contraire. À ses yeux, le rehaussement annuel du prix plancher (5 %) procurera à lui seul un rendement aux investisseurs. Et si le marché se resserre, le petit placement de M. Poitevin pourrait valoir bien davantage dans quelques années.

« En présumant que la contestation judiciaire [en Californie] est résolue et en présumant que le déploiement de la politique se poursuit, je crois que ces crédits auront éventuellement beaucoup plus de valeur », résume M. Busch.

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