POLITIQUE ÉTRANGÈRE

La nouvelle identité internationale du Canada

La politique étrangère du gouvernement Harper peut paraître contre-productive. Le premier ministre souhaite accroître l’influence du Canada sur la scène internationale, mais sa décision de boycotter le Sommet du Commonwealth le prive d’une opportunité de tenter d’influencer le gouvernement sri lankais afin qu’il respecte davantage les droits fondamentaux de sa population.

L’un des objectifs du gouvernement fédéral est de renforcer l’image internationale du Canada, mais les propos du ministre John Baird à l’égard du premier ministre des Maldives ne font qu’exacerber les critiques à l’égard du Canada et l’isolent encore davantage.

Le gouvernement Harper fait activement la promotion du respect des droits de la personne à l’étranger, mais son absence des principaux forums de discussions, dont l’Assemblée générale des Nations unies, et les réductions du budget du ministère des Affaires étrangères et de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) l’amputent de moyens efficaces d’atteindre ses objectifs internationaux.

Le gouvernement Harper met également de l’avant une politique internationale robuste face aux États réprimant par la force leur population, comme en Syrie, mais Ottawa refuse d’entériner et de consolider la norme de responsabilité de protéger, réduisant ainsi son potentiel pour la résolution de conflits en cours et à venir.

Est-ce dire que la politique étrangère canadienne est inefficace, contre-productive, voire le fruit d’un amateurisme ? Au contraire, chacun des exemples cités ci-dessus s’inscrit dans une même logique. Il s’agit d’affirmer publiquement et délibérément une nouvelle identité internationale canadienne, dont le but principal n’est pas l’atteinte d’objectifs internationaux, mais bien la consolidation d’un nouveau patriotisme canadien.

Face à la popularité de l’identité internationale du Canada sous l’ère du Parti libéral – pensons au maintien de la paix, au multilatéralisme et à la médiation – le gouvernement Harper ne peut que chercher à développer sa propre image de marque, sur la base de piliers identitaires typiquement conservateurs. Parmi ceux-ci se trouvent le militarisme, l’unilatéralisme et la prise de positions diplomatiques dites « moralement claires ».

Si de plus en plus de Canadiens s’identifient à cette nouvelle conception du Canada sur la scène internationale, le Parti conservateur aura gagné son pari : celui de négliger les intérêts internationaux du Canada au profit d’un nouveau patriotisme canadien.

Réticences du Québec

Bien sûr, le Québec n’est pas le principal public visé par cette stratégie. Ses réticences notoires à l’égard du militarisme et de l’impérialisme n’en font pas un auditoire réceptif. L’élargissement de la base électorale du gouvernement conservateur passe surtout par l’Ontario, dont la grande région de Toronto.

C’est ce qui explique le double standard à l’égard des forums internationaux. Il est nécessaire de contraster le refus du premier ministre de se rendre au Sri Lanka dans le cadre du sommet du Commonwealth avec sa décision de participer au sommet de la francophonie en République démocratique du Congo l’an dernier. Le premier ministre Harper avait alors jugé « complètement inacceptable » le processus électoral ayant amené Joseph Kabila à la tête de la RDC, mais estimé que sa présence dans le pays avait « valu la peine », car elle lui avait permis de rencontrer des membres de la société civile congolaise.

Pourquoi en serait-il autrement au Sri Lanka ? La présence d’une diaspora tamoule importante n’est certainement pas étrangère à la décision de Stephen Harper et de John Baird de boycotter le Sommet du Commonwealth. Cette communauté est plus à même de soutenir l’isolement diplomatique du Canada au Sri Lanka que ne l’était la diaspora congolaise au Québec.

Plus robuste et agressive

Devant cet état de fait, force est de juger l’efficacité de la politique étrangère du Canada non pas sur sa capacité à atteindre ses objectifs internationaux, mais en fonction de son but véritable : renforcer l’adhésion des Canadiens à une image plus robuste et plus agressive du Canada dans le monde.

À ce sujet, les données sont parcellaires et préliminaires. La plupart des sondages continuent de montrer une appréciation très forte à l’égard d’une image de gardien de la paix et de médiateur. Mais d’autres sondages révèlent que peu de Canadiens sont gênés de l’attitude du gouvernement Harper sur la scène internationale. Une large majorité l’appuie ou encore s’estime indifférente vis-à-vis de la politique étrangère de leur pays.

S’il est trop tôt pour connaître l’étendue et l’ampleur de la transformation de l’identité internationale du Canada, il ne fait aucun doute que le processus est en cours et qu’il n’est pas sans conséquence pour les intérêts du pays à l’étranger.

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