JEUX VIDÉO

Electronic Arts veut penser comme un joueur

Employé de l’important éditeur de jeux vidéo Electronic Arts (EA) depuis 2000, l’Australien Andrew Wilson a été nommé à la tête de l'entreprise en septembre dernier. Il sera de passage à Montréal à la fin de mai, dans le cadre de l’événement C2Mtl. Nous lui avons posé quelques questions.

Vous avez fait référence, en prévision de votre passage à C2Mtl, à la nécessité de combler « l’irrépressible envie de voler des gens ». Qu’entendez-vous par là ?

J’ai eu la chance, il y a plusieurs années, de me retrouver dans un petit groupe de discussion incluant Russell Simmons, de Def Jam Records. En parlant de l’importance de fournir une valeur au consommateur, il a fait référence au fait que les êtres humains avaient un besoin inhérent de voler et qu’en leur offrant une bonne valeur pour leur argent, on satisfaisait ce besoin.

Par contre, si vous ne leur donnez pas une bonne valeur, vous leur donnez l’impression que c’est vous qui les volez, et c’est évidemment une très mauvaise idée quand vous essayez de développer l’engagement.

Le défi que je lance à nos équipes, c’est de s’assurer qu’elles fournissent une bonne valeur pour l’investissement du joueur, peu importe que cet investissement soit en argent ou en temps. On ne veut jamais laisser au joueur l’impression qu’on lui a volé son argent ou son temps.

Electronic Arts n’a pas la meilleure des réputations pour la créativité. Comment pouvez-vous rendre ses équipes plus créatives ?

Mon objectif est vraiment d’instaurer une politique qui place le joueur au premier plan. Il faut regarder le monde au travers des yeux d’un joueur. Il faut consulter l’information sous le filtre des joueurs. Il faut prendre des décisions qui vont en faveur des joueurs.

Même si je n’occupe pas ce poste depuis longtemps, j’ai vu un changement. Nous avons mis fin à certaines pratiques qui n’étaient pas favorables aux joueurs, à notre avis, et nous avons reporté le lancement de certains jeux qui nécessitaient plus de travail, ce qui n’est pas quelque chose que nous avions l’habitude de faire, parce que nous croyions que c’était la bonne chose à faire pour les joueurs.

Comment faire en sorte que ces changements au sein de l’entreprise aient un impact sur la façon dont elle est perçue ?

Nous avons trois piliers.

Le premier est qu’à la base, nous devons fournir de bons jeux et services. Cela implique un effort d’innovation et d’incubation de nouvelles idées. Environ 30 % de nos investissements vont vers de nouveaux projets. Je ne peux pas dire quelle était la proportion avant, parce qu’il n’y avait pas vraiment d’effort délibéré et organisé en ce sens. Ce n’était pas vraiment analysé avant, ce l’est maintenant.

Le deuxième est de s’assurer que quand un joueur interagit avec nous, il en tire du plaisir, sans problème ou frustration. Nous avons donc revu tout notre processus de développement, notre infrastructure en ligne et nos structures de tests, pour nous assurer que quand nos produits sont lancés, ce soit sans pépin.

Finalement, nous avons mis sur pied un groupe de dirigeants expérimentés de divers domaines et nous leur avons donné le pouvoir de prendre des décisions sur tout ce que nous faisons, en faveur du joueur. Ils disposent de mon autorité et de celle de mon équipe.

Votre jeu Titanfall, qui a connu du succès, a été conçu par un studio externe. On voit aussi apparaître de plus en plus de jeux créatifs, sur consoles ou plateformes mobiles, conçus par de petites équipes qui, souvent, ont volontairement tourné le dos aux grosses structures. Comment intégrer cette créativité dans EA ?

Il y a deux choses qui se produisent. D’un côté, il y a des gens qui, pour atteindre un haut niveau de créativité, doivent être dans un garage, un sous-sol ou un petit bureau avec une petite équipe. J’ai le plus profond des respects pour cette communauté et nous travaillons à voir comment nous pouvons l’appuyer. Ce pourrait être par du financement, de l’aide pour le marketing, un accès à notre réseau de 370 millions de joueurs ou la technologie.

Ceci dit, vous avez raison de dire qu’il faut trouver une façon de développer cette culture au sein de notre compagnie. Il y a de nos employés qui adorent l’entreprise, qui ont créé de grandes choses ici et qui cherchent une autre avenue créative. Nous étudions donc le concept de laboratoires dans certains de nos studios-clés, pour offrir à ces gens l’occasion de travailler dans un environnement différent, avec de nouvelles règles. Ça fait partie de notre investissement de 30 % dans de nouveaux projets.

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