ANALYSE

Québec acculé à la décote

Le succès d’emprunts par Québec de quatre milliards à des taux encore avantageux, vendredi, ne doit pas occulter l’état très précaire des finances publiques.

La semaine dernière, Fitch Ratings a placé la note de crédit AA- qu’elle attribue à la dette du Québec sous surveillance avec perspective négative.

Sa première conclusion était plutôt d’abaisser la note d’un cran à A+, comme en fait foi la dernière phrase de son communiqué : « Conformément aux règles de Fitch, l’émetteur a exercé un droit d’appel et fourni des renseignements additionnels qui ont résulté en une décision différente que celle prise initialement par le comité d’évaluation. »

L’agence n’a pas répondu à nos demandes relatives à ces renseignements additionnels. On peut raisonnablement penser que Québec a dû offrir de solides garanties.

Fitch Ratings a la réputation d’être une agence vite sur la gâchette, mais son évaluation mérite d’être prise avec le plus grand sérieux.

La province s’est aussi fait avertir par Moody’s. Tout en reconduisant la note Aa2 qu’elle lui accorde, l’agence new-yorkaise a souligné l’engagement du gouvernement à ralentir l’augmentation de la dette. Elle souligne que la réalisation de cet objectif est « d’importance cruciale » pour le maintien de la perspective stable à la note de crédit du Québec.

Pour sa part, Standard & Poor’s s’inquiète de ce que signifie l’écart à résorber de 570 millions entre les revenus et les dépenses pour retrouver l’équilibre. Sans doute sourcille-t-elle aussi en voyant des recettes additionnelles de 1,4 milliard prévues au chapitre de la lutte contre l’évasion fiscale.

Québec n’a plus de marge de manœuvre. L’augmentation de ses recettes repose sur la seule croissance. Or, elle sera faible (1,9 %, selon les 38es boules de cristal de La Presse) dans un contexte de faible inflation.

On peut dès lors comprendre pourquoi le ministère des Finances agit avec le maximum d’opportunisme sur le marché des emprunts où les prêteurs exigent un rendement qui n’a pas cessé d’augmenter depuis le début de l’année, parallèlement à l’augmentation des taux obligataires fédéraux.

Il faudra que cette augmentation reste progressive pour éviter à Québec que le service de sa dette augmente plus rapidement qu’anticipé.

Une dette en demande

Heureusement, les prêteurs aiment toujours la dette du Québec. Vendredi, la province a lancé une série d’obligations venant à échéance en 2024. Cette nouvelle souche est bien différente de celle venant à échéance en 2023 : son coupon est de 3,75 %, alors que celui de la précédente était de 3,0 %. L’adjudication s’est soldée par des taux de 3,758 % pour la première tranche de 500 millions et de 3,778 % pour la seconde, aussi de 500 millions.

À la mi-août, l’émission d’une tranche de l’échéance 2023 s’était soldée par un taux de 3,466 %. En mai, Québec avait payé seulement 2,724 %.

Québec a aussi émis pour trois milliards en billets à taux d’intérêt flottants venant à échéance en 2018. L’ampleur inhabituelle de cette émission dans ce type d’instrument de dette reflète l’anticipation de hausses du loyer de l’argent par les prêteurs. Le rendement consenti est ajusté aux trois mois, selon l’évolution des titres canadiens, auxquels s’ajoute une prime préétablie.

L’augmentation des coûts d’emprunt du Québec s’explique avant tout par ceux d’Ottawa. L’écart entre les rendements d’échéance comparable a, somme toute, peu bougé durant cette période.

Cela n’en alourdit pas moins le service de la dette, le plus substantiel de toutes les provinces.

Selon la quasi-totalité des économistes, les coûts d’emprunt d’Ottawa vont continuer d’augmenter tout au long de 2014. Ceux du Québec aussi, il va sans dire.

Cela s’explique par l’étroite corrélation entre les taux des obligations du Trésor américain venant à terme dans 10 ans, et ceux de la dette canadienne de même échéance. Pour le terme de 30 ans, les coûts d’emprunt du Canada sont nettement moins chers en raison de finances publiques en meilleur état.

Tant mieux pour Québec, mais la montée des taux ne fera qu’amplifier la difficulté du retour à l’équilibre puisque le service de la dette est incompressible.

Et la probabilité d’une décote.

MISSION EN EUROPE

Pas d’accord sans indemnisation pour les fromagers

La mission économique de Pauline Marois se termine aujourd’hui par une rencontre avec le président français François Hollande. Hier, elle a réitéré son engagement de ne pas ratifier l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne sans indemnisation pour les fromagers québécois.

MISSION DE PAULINE MAROIS EN EUROPE

La mise en garde de Pauline Marois

Si les fromagers québécois ne sont pas indemnisés par le fédéral, Québec ne ratifiera pas l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne. C’est la mise en garde lancée par Pauline Marois. « Tant que nous n’aurons pas cette entente, je ne présenterai pas l’accord [à l’Assemblée nationale pour qu’il soit ratifié]. Et il ne sera donc pas applicable », a-t-elle prévenu. Toutes les provinces canadiennes doivent ratifier l’Accord pour qu’il entre en vigueur. Même chose pour les pays européens. Le processus pourrait prendre près de deux ans. Mme Marois rappelle que le premier ministre canadien s’est engagé à dédommager les producteurs laitiers et fromagers du Québec. Elle se garde pour l’instant de relayer la demande de l’Union des producteurs agricoles (UPA), qui exige 450 millions de dollars par année pour compenser les pertes de revenus anticipées à cause de la nouvelle concurrence.

MISSION DE PAULINE MAROIS EN EUROPE

Un positionnement « un peu inutile »

La menace de Mme Marois sur le fromage ne convainc pas le président de Manufacturiers et exportateurs du Québec, Simon Prévost. « C’est peut-être de bonne guerre de prendre ce genre de positionnement, mais je pense que c’est un peu inutile, dans la mesure où le fédéral a déjà annoncé qu’il était d’accord avec le principe d’une compensation. Ce serait par ailleurs une grave erreur de ne pas ratifier l’accord », a-t-il affirmé en entrevue à La Presse. Il participait avec Mme Marois et d’autres groupes québécois, hier matin, à une table ronde avec des décideurs belges. « J’ai pu créer deux contacts prometteurs, se réjouit-il. Il y aura des suites, et cela va nous positionner avantageusement avec l’Europe, même avant la ratification de l’accord. »

MISSION DE PAULINE MAROIS EN EUROPE

Hausse du prix des médicaments ? 

À l’exception des produits laitiers, Mme Marois « n’a pas beaucoup d’inquiétudes » pour le Québec dans l’entente de principe conclue en octobre. Contrairement à ce que soutient l’Association canadienne du médicament générique, la première ministre ne croit pas que le prix des médicaments va augmenter parce qu’on prolonge de deux ans la durée des brevets. « Et nous avons un accord du fédéral pour rembourser le Québec si jamais c’est le cas. Donc, on s’est vraiment protégé », a assuré le ministre du Commerce extérieur, Jean-François Lisée.

MISSION DE PAULINE MAROIS EN EUROPE

Pauline Marois vante l’aluminium québécois

Pauline Marois a vanté aux Européens les mérites de l’aluminium québécois, utile entre autres pour construire des pièces légères pour des véhicules électriques. Alcoa menace pourtant de fermer ses usines au Québec. « Je crois que nos entreprises vont rester ouvertes sur le territoire québécois », a-t-elle assuré.

MISSION DE PAULINE MAROIS EN EUROPE

Un accord valide pour un Québec souverain

Si le Québec devenait souverain, son accord économique avec l’UE resterait-il valide ? Mme Marois reconnaît que ce ne serait pas un « automatisme », mais elle demeure optimiste. « Dans la succession d’État, il sera normal qu’on continue d’appliquer les ententes auxquelles nous avons consenti par l’Assemblée nationale », a-t-elle répondu. Des études avaient été réalisées à ce sujet dans les années 90, entre autres pour préparer le référendum, rappelle-t-elle. Et on avait conclu qu’il y aurait « intérêt de part et d’autre à ce que les signataires d’un accord continuent à l’appliquer », dit-elle.

MISSION DE PAULINE MAROIS EN EUROPE

En chiffres

45 % 

Proportion du PIB québécois vient des exportations

63,5 milliards

Exportations du Québec aux États-Unis en 2000

43,5 milliards

Exportations du Québec aux États-Unis en 2012

12 %

Proportion des exportations du Québec destinées à l’Union européenne en 2012. Mme Marois espère que l’accord avec l’UE fera augmenter ce chiffre de 10 % d’ici cinq ans.

Source : ministère des Relations internationales du Québec

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