Élections provinciales Opinion 

Qu’est-ce qui se cache derrière les cadres financiers ?

Les citoyens ont maintenant en main la pièce maîtresse du casse-tête pour les aider à mieux comprendre les priorités des différentes formations politiques.

Loin d’être un exercice banal et strictement comptable, l’élaboration des cadres financiers accroît la transparence et oblige les politiciens à faire des arbitrages et à justifier leurs choix. Faut-il financer massivement la santé au détriment de l’éducation et des autres missions de l’État ? Faut-il renouer avec les déficits pour réduire le fardeau fiscal ?

Si on leur accorde suffisamment d’importance, les cadres financiers sont un puissant levier pour améliorer la reddition de comptes des élus envers la population.

Une campagne différente

Cette année, l’exercice a encore plus de valeur. Pour la première fois, le ministère des Finances a déposé un rapport préélectoral dans lequel il a mis à jour le cadre financier du gouvernement. La vérificatrice générale du Québec a certifié ce rapport et confirmé la plausibilité des hypothèses. Cela permet d’avoir un point de départ commun qui mettra fin au fameux stratagème qui consiste à jeter le blâme sur les prédécesseurs pour les sommes manquantes. Les partis sont libres de modifier les hypothèses et de bonifier la croissance des revenus ; si c’est clairement expliqué, c’est légitime. Mais ils n’auront qu’eux-mêmes à blâmer si ces effets ne se matérialisent pas. Les élus seront pleinement responsables du respect de leurs engagements électoraux.

Que faut-il retenir des cadres financiers ?

La CAQ, le PLQ et le PQ ont pris l’exercice au sérieux en présentant des cadres financiers crédibles et transparents ayant comme point de départ le rapport préélectoral. Ils ont fourni suffisamment d’informations pour permettre aux électeurs de comprendre où ils trouveront les milliards nécessaires pour financer les mesures promises. Voici les grandes tendances qui s’en dégagent.

Les grands consensus sont nombreux : maintenir l’équilibre budgétaire, poursuivre les versements au Fonds des générations ; arrimer la croissance des dépenses à celle des revenus ; maintenir les cibles de réduction de la dette publique et bonifier les sommes investies dans les infrastructures. Ce sont de bonnes nouvelles qui permettront d’atténuer les clivages intergénérationnels en évitant de s’engager maintenant pour ceux qui suivront.

Ils promettent également de maintenir la croissance des dépenses en santé au-delà de 4 % par année et celle en éducation au-delà de 3 % par année.

Les principales différences : pour la durée du mandat, les coûts des engagements du PLQ s’élèvent à près de 11 milliards, ceux du PQ à 10,5 milliards et ceux de la CAQ à près de 7 milliards. Et les sources de financement diffèrent d’un parti à l’autre.

La CAQ mise principalement sur une meilleure allocation des ressources gouvernementales (optimisation, rigueur budgétaire ou austérité, en fonction de leur succès à le faire) et, dans une moindre mesure, sur une croissance économique plus vigoureuse en fin de mandat. Ils sont les seuls à maintenir la réserve de stabilisation à 8,4 milliards pour faire face aux imprévus.

Les libéraux comptent principalement sur une croissance économique plus élevée que celle prévue dans le rapport préélectoral, et ce, dès cette année. La réserve pour imprévus serait limitée à 3,9 milliards en 2023, réduisant la marge de prudence présentée dans le rapport préélectoral.

Le PQ mise davantage sur de nouvelles sources de revenus fiscaux (que sur une révision à la hausse de la croissance économique ou que sur un contrôle accru des dépenses) et sur les économies découlant de la révision des ententes avec les médecins. La réserve pour imprévus serait de 5,3 milliards en 2023.

Le non-dit : les choix difficiles à venir

Avec une croissance économique de 3,1 % en 2017 et des surplus budgétaires records, il est difficile de nier la vigueur actuelle de l’économie québécoise. Mais la majorité des prévisionnistes s’entendent pour dire que cette embellie est passagère et que l’économie va ralentir au cours des prochaines années pour retourner autour de son potentiel de long terme, avec une croissance entre 1 et 1,7 %. À cela s’ajoute une réelle possibilité de perturbation économique due à la rhétorique protectionniste américaine ou carrément une récession.

En d’autres mots, la capacité de dépenser sera plus limitée à l’avenir.

Le rapport préélectoral indique d’ailleurs qu’il manquait, dès l’an prochain, près de 900 millions pour reconduire les programmes gouvernementaux actuels. À cela s’ajoute des milliards en engagements.

Maintenant que les partis ont mis cartes sur table, c’est aux électeurs de choisir. Mais peu importe le parti, soyez conscient qu’une fois élus, les politiciens devront faire des arbitrages déchirants. Et soyez certains qu’ils éviteront d’en parler d’ici au 2 octobre prochain.

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