Trouver la paix
à Battle Harbour
Difficile de trouver un nom aussi peu approprié pour un endroit à ce point paisible. Battle Harbour, c’est un panorama grandiose. Mais c’est aussi un village de pêcheurs reconstitué avec soin qui donne tout son sens au mot insularité.
BATTLE HARBOUR — À Battle Harbour, l’isolement est total. On le comprend tout de suite en discutant, à bord du bateau qui nous y mène, avec le capitaine Jim Jones, qui a été forcé de quitter l’île en 1968 quand le gouvernement de Terre-Neuve a décidé de déménager sur le continent les derniers résidants de l’endroit.
Excités comme des gamins, on croise nos premiers icebergs. Ils dérivent majestueusement le long de la côte, très justement surnommée Iceberg Alley. On doit même en contourner un gros à l’entrée de l’étroit chenal où s’abritent les quais de ce qui était autrefois la capitale « officieuse » du Labrador.
Dès le débarquement, on est chaleureusement accueillis par la petite équipe de Battle Harbour. On s’efforce de garder une saine distance professionnelle, mais on est déjà conquis…
Tous les bâtiments de Battle Harbour, qui a obtenu en 1996 le statut d’arrondissement historique national du Canada, ont un nom et une histoire, raconte le guide Nelson Smith : dans le Pork Store, tout près des quais, on voit encore la chaux utilisée pour protéger les planches ; dans la Salt House, on voit encore des traces de sel cristallisé entre les madriers de ce vaste bâtiment où étaient entreposées 1,4 million de livres de cette ressource essentielle à l’époque.
« Nous voulons que les gens puissent sentir la magie de Battle Harbour. Il y a quelque chose de spécial qui survient quand les gens débarquent ici, nous racontait Katherine Hann, jusqu’à récemment directrice générale de Battle Harbour. Plus ils demeurent longtemps dans l’île, plus ils en ressentent la magie. »
C’est pourquoi la direction de Battle Harbour a pris la décision d’encourager les séjours prolongés dans l’île. Avant l’an dernier, le bateau qui assure l’accès aux touristes faisait le trajet deux fois par jour, si bien que les visiteurs pouvaient arriver le matin et repartir en fin d’après-midi. Et ainsi rater l’occasion de s’asseoir sur le bout d’un rocher pour contempler un iceberg. Ou de marcher au creux d’un étonnant cimetière – dernier refuge des premiers pêcheurs qui ont habité l’île à partir de la fin du XVIII siècle –, avant de regagner le village en débouchant devant la charmante petite église anglicane, construite en 1852.
L’objectif est aussi de développer le potentiel touristique de l’endroit. « Nous visons la rentabilité, explique Gudrid Hutchings, directrice du conseil d’administration. On veut mettre sur pied un plan d’affaires précis pour développer l’endroit. »
Lors de notre passage, on s’affairait déjà à rénover certains bâtiments pour les rendre plus confortables. Les travaux ont été menés rondement, car Battle Harbour pourra accueillir en 2014 entre 45 et 50 personnes dans quatre maisonnettes et deux auberges comptant 13 chambres, toutes équipées de salles de bains complètes. On doit par ailleurs transformer la salle à manger actuelle en , alors qu’un autre bâtiment sera aménagé pour accueillir la cuisine et la salle à manger. Un spa sera aussi aménagé dans l’un des bâtiments du village. « Tout ça s’inscrit dans la tendance de restauration fonctionnelle, expliquait Katherine Hann. On conserve les bâtiments, mais on en change la fonction pour répondre aux demandes des touristes. »
Gudie Hutchings espère ainsi voir Battle Harbour devenir une destination de détente, notamment pour des groupes. L’objectif est ambitieux : « Je veux que les gens du Labrador apprennent de nous, affirme la femme d’affaires qui a fait fortune en dirigeant une luxueuse pourvoirie au nord de Goose Bay. Actuellement, les établissements touristiques au Labrador sont des 1 ou 2 étoiles. Nous voulons être un 3 étoiles ou plus. »
Quand on s’inquiète de voir éventuellement l’endroit perdre son essence, M Hutchings se rebiffe : « Nous ne la perdrons pas, assure-t-elle avec aplomb. Mais ce serait un crime de ne pas voir ce que cet endroit pourrait devenir. On va conserver la saveur locale, mais en l’améliorant un peu. »