États-Unis

Twitter suspend le compte du conspirationniste Alex Jones pour une semaine

Après avoir récemment assuré qu’ils n’avaient rien à lui reprocher, les dirigeants de Twitter ont décidé de restreindre pour une semaine le compte du conspirationniste américain Alex Jones, emboîtant le pas à Apple, Facebook, YouTube et Spotify.

La volte-face de l’entreprise témoigne de la difficulté des géants de la Silicon Valley à se doter d’une ligne de conduite claire relativement au contrôle du contenu circulant sur leur plateforme.

Jones, qui gère le site Infowars, véhicule depuis des années des théories loufoques, voulant par exemple que la tuerie survenue à Sandy Hook en 2012 n’était qu’une mise en scène, et s’en prend régulièrement aux musulmans et aux homosexuels.

Leonard Pozner, qui est le père de l’un des enfants tués lors de la tuerie en question, se réjouit des sanctions ciblant l’animateur controversé, mais déplore qu’il ait fallu autant de temps pour qu’elles se concrétisent.

« Ça aurait dû arriver bien avant », a déclaré hier à La Presse M. Pozner, qui doit composer depuis des années avec les appels et les menaces d’individus enragés l’accusant d’avoir participé à un complot.

Bien qu’il ait gagné en influence depuis l’arrivée au pouvoir du président des États-Unis Donald Trump, un admirateur déclaré, Alex Jones n’avait jamais eu préalablement à faire face à des sanctions des grandes firmes de Silicon Valley pour ses activités en ligne.

Apple a annoncé la semaine dernière qu’elle avait décidé de retirer d’iTunes des balados de l’animateur, faisant valoir qu’ils contrevenaient aux lignes de conduite des utilisateurs de l’entreprise interdisant les discours haineux.

Facebook a enchaîné en lui reprochant de « glorifier la violence » et d’utiliser un « langage déshumanisant » pour parler de groupes minoritaires.

Twitter a évoqué pour sa part, à l’appui de sa décision, une vidéo dans laquelle Alex Jones invitait ses auditeurs à préparer leurs armes pour faire face à la menace posée par divers « ennemis », dont les médias traditionnels.

« J’ai eu le message qu’ils suspendaient, et qu’ils pourraient fermer complètement, mais au moins sept jours, le compte RealAlexJones parce que j’ai enfreint les règles dans une vidéo enregistrée hier soir disant que Trump devrait faire quelque chose concernant la censure de l’internet », a réagi M. Jones dans une vidéo sur Periscope, postée sur le compte Twitter de son émission Infowars, qui, lui, n’a pas été suspendu.

La semaine dernière, le PDG de l’entreprise, Jack Dorsey, avait écarté toute sanction envers l’animateur en relevant qu’il n’avait « pas violé les règles » de l’entreprise.

Pression populaire

Pierre Trudel, spécialiste du droit des technologies de l’information affilié à l’Université de Montréal, estime que le comportement des réseaux sociaux dans ce type de dossier semble conditionné par la pression populaire plutôt que par des principes clairs.

« C’est un peu comme avec Ponce Pilate. Ce sont les gens qui crient le plus fort qui déterminent quel contenu va être crucifié », s’inquiète l’analyste, qui aimerait voir les entreprises expliciter systématiquement les motifs de leurs interventions.

La loi américaine confère aux exploitants de plateformes technologiques la possibilité de ne pas intervenir dans le contenu mis en ligne par leurs utilisateurs, mais les polémiques répétées au sujet de l’impact de la circulation de fausses nouvelles rendent cette position de plus en plus intenable, ajoute M. Trudel.

En raison de l’importance que des firmes comme Facebook et Twitter prennent dans la circulation de l’information en société, de plus en plus d’États étudient la possibilité de légiférer pour clarifier leurs responsabilités juridiques en matière de contenu.

L’Allemagne a notamment adopté une loi sévère à ce sujet, la France planche sur la question et la possibilité est de plus en plus souvent évoquée aux États-Unis.

« Les règles qui s’appliquent aux circuits traditionnels de diffusion de l’information devraient aussi s’appliquer aux médias sociaux. »

— Pierre Trudel

Leonard Pozner, qui se bat depuis des années avec les réseaux sociaux pour obtenir le retrait de vidéos et de commentaires suggérant que son fils n’est pas véritablement mort à Sandy Hook, est aussi favorable à une régulation étatique.

La simple taille de géants comme Facebook devrait suffire à convaincre les autorités de la nécessité d’agir, relève-t-il.

L’entreprise compte plus de 2,5 milliards d’utilisateurs, soit l’équivalent de la population de la Chine et de l’Inde, mais « persiste à gérer ses affaires comme une petite entreprise familiale » en laissant Mark Zuckerberg jouer le rôle de « dictateur », déplore M. Pozner.

Jay Rosen, critique des médias affilié à l’Université de New York, a récemment prévenu que les sanctions ciblant Alex Jones ne sont pas sans risque puisqu’elles peuvent avoir pour effet de « galvaniser » ses partisans et de les conforter dans leur vision conspirationniste.

Par l’entremise d’un compte Twitter lié à Infowars qui n’a pas été bloqué, l’animateur a indiqué hier qu’il ne se laisserait pas réduire au silence.

« Ceux qui cherchent à m’intimider ne font que réveiller la population », a-t-il prévenu dans une vidéo qui n’était plus accessible en fin d’après-midi.

Procès de Paul Manafort

Menteur invétéré ou lobbyiste trahi ?

Menteur invétéré aux millions de dollars cachés au fisc ou consultant politique honorable trompé par un proche ? Accusation et défense ont dépeint deux visages bien différents de l’ex-chef de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, lors des déclarations finales de son procès hier.

Après le réquisitoire et le plaidoyer, au tribunal d’Alexandria, près de Washington, le juge T. S. Ellis a donné ses instructions aux 12 jurés, puis les a convoqués ce matin. Ils devraient se retirer peu après pour délibérer sur les 18 chefs d’accusation pesant sur Paul Manafort, 69 ans.

« M. Manafort a menti pour garder son argent quand il en avait, puis M. Manafort a menti pour obtenir de l’argent quand il n’en avait plus », a martelé le procureur Greg Andres, à propos des millions de dollars tirés principalement de ses activités de conseil auprès de l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, soutenu par Moscou.

La défense a contre-attaqué en tentant de convaincre les jurés que le dossier de l’accusation était chancelant.

Les avocats ont aussi laissé entendre que les enquêteurs s’étaient acharnés sur leur client sous les ordres du « procureur spécial » Mueller, honni du président américain. Deux mots qu’ils ont répétés à plusieurs reprises, au grand dam de l’accusation, car ils pourraient influencer les jurés.

Ancien lobbyiste de renom, Paul Manafort est en effet le premier à faire face à un procès découlant de l’enquête explosive de Robert Mueller, le procureur spécial chargé du dossier russe. Une « chasse aux sorcières », tempête Donald Trump depuis des mois, s’en prenant dernièrement directement à Robert Mueller, ex-chef du FBI pourtant respecté chez les républicains.

Si les faits reprochés à Paul Manafort sont antérieurs et non liés à l’élection présidentielle de novembre 2016, ce procès ultra-médiatique n’en reste pas moins embarrassant pour le président des États-Unis.

31 comptes à l’étranger

Veste en python, maisons luxueuses, massif de fleurs formant son initiale, « M » : l’accusation a fait pendant le procès la description colorée de dépenses exorbitantes.

« Ce n’est pas un crime dans ce pays d’être riche », a souligné M. Andres. Mais « nous sommes dans cette salle d’audience parce qu’il n’a pas […] déclaré des revenus » qui ont payé les « voitures, les costumes, les appartements » en question.

De 2010 à 2014, M. Manafort « possédait » et « contrôlait » 31 comptes bancaires à l’étranger, par lesquels sont passés « plus de 60 millions de dollars », a-t-il expliqué. Sur ce total, 15 millions de dollars ont servi à financer « ses dépenses et celles de sa famille ».

En plus de fraudes fiscales, il est accusé d’avoir caché l’existence de ces comptes à l’étranger – la plupart à Chypre – et d’avoir menti à des banques pour obtenir des prêts, une fois que Viktor Ianoukovitch – sa « poule aux œufs d’or », selon les procureurs – a fui l’Ukraine en 2014.

M. Manafort rejette toutes ces accusations. Il risque de passer le restant de ses jours en prison.

Soulignant sa formation d’avocat, M. Andres a affirmé que « M. Manafort connaissait la loi, mais l’a quand même violée ».

« Pas suffisant »

« Nous estimons que le gouvernement n’a pas établi la charge de la preuve » au-delà du doute raisonnable, a rétorqué l’un des avocats de M. Manafort, Richard Westling. Puis, face aux jurés, il a ajouté : « Ce n’est pas suffisant de penser que quelqu’un est probablement coupable. »

Pendant le procès, la défense n’a appelé personne à la barre, alors que les procureurs ont fait défiler plus de 20 témoins.

Selon Jacob Frenkel, ex-procureur fédéral américain et associé du cabinet juridique Dickinson Wright, « ses avocats et [Paul Manafort] ont estimé qu’ils avaient laissé assez de place au doute » dans l’esprit des jurés lors des contre-interrogatoires.

Notamment lors de celui de Richard Gates, ancien associé qui a reconnu s’être entendu avec Paul Manafort pour frauder le fisc américain et lui avoir volé des centaines de milliers de dollars.

Richard Gates, 46 ans, coopère avec Robert Mueller depuis qu’il a accepté de plaider coupable en février.

Comme à l’ouverture du procès, la défense s’est donc attachée hier à démolir la crédibilité de ce témoin, évoquant son besoin d’argent à cause d’une liaison secrète et rejetant sur lui la responsabilité des fraudes.

« Paul Manafort lui faisait confiance », s’est désolé Kevin Downing.

Le procureur Andres a défendu de nouveau farouchement la crédibilité de son témoin.

« La défense vous demande d’ignorer votre propre bon sens », a-t-il lancé aux jurés. « Toutes les preuves montrent que M. Manafort est coupable. »

États-Unis

Trump révoque l’habilitation secret défense de l’ex-chef de la CIA 

Le président américain Donald Trump a révoqué l’habilitation secret défense de l’ancien chef de la CIA John Brennan, un ex-proche conseiller du président démocrate Barack Obama fréquemment critique du milliardaire républicain. Cette habilitation, dont la révocation a été annoncée hier par la porte-parole de l’exécutif Sarah Sanders, donne aux hauts responsables qui en bénéficient accès à des informations sensibles et confidentielles, même après avoir cessé leurs fonctions. Mme Sanders a lu un communiqué de M. Trump, dans lequel il justifiait sa décision par « les risques faisant courir la conduite et le comportement erratiques » de John Brennan. Ce dernier a réagi en évoquant une décision « faisant partie d’une volonté plus large de supprimer la liberté d’expression et de punir les critiques ». L’ancien patron de la CIA a condamné un « abus de pouvoir » du président américain.

— Agence France-Presse

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