Coderre fera fi de la loi sur la neutralité religieuse
Le maire sortant en a avisé Couillard
Denis Coderre n’a pas l’intention de faire appliquer la loi sur la neutralité religieuse (projet 62) à Montréal. Et il ne s’est pas gêné pour le dire en personne au premier ministre Philippe Couillard.
« J’étais avec le premier ministre ce matin. […] Je passe des messages à tout le monde. Je lui ai dit que par principe, je trouve que cette loi n’est pas applicable. On a parlé de la capacité des accommodements. Je lui ai dit que s’il n’y a pas de question de sécurité en jeu, on n’a pas à l’appliquer », a résumé le maire de Montréal lors d’une entrevue éditoriale à La Presse.
La loi stipule notamment que dorénavant, non seulement les services publics devront être donnés par des employés au visage découvert, mais qu’ils devront être reçus par des citoyens au visage découvert.
La candidate au poste de conseiller dans le district de Peter-McGill, Cathy Wong, qui accompagnait M. Coderre, a indiqué que cette loi allait dans le même sens que la proposition de charte des valeurs du Parti québécois, il y a quelques années.
« On a dit qu’il y aurait un comité où les municipalités seront conviées à en discuter. On n’ira pas. », a renchéri Denis Coderre,
« C’est par principe. Je suis incapable. On ne va pas dire à des employés qui donnent des services, leur donner une pression supplémentaire. Ça peut créer des tensions sociales. »
— Le maire Denis Coderre
À quelques reprises cette semaine, il a utilisé l’expression « police de la burqa et du niqab » en parlant de ce que le projet de loi veut faire faire aux employés municipaux.
« Le vrai problème, c’est combien y en a-t-il, de femmes avec un niqab ? Ensuite, donner des services, on est tout à fait accord avec le visage découvert pour ça », a-t-il poursuivi, ajoutant que c’est la réception du service par le citoyen à visage découvert qui ne peut s’appliquer.
Plus tôt cette semaine, il avait posé la question hypothétique, en cas d’application du règlement, de ce que ferait un chauffeur d’autobus s’il devait prendre la décision de faire monter ou non un usager au visage couvert par - 25 °C. Cela pourrait donner lieu à des inconforts et des contestations de sa décision par les autres passagers.
« Est-ce qu’on va faire des tests d’accommodements par autobus, par rame de métro ? », a demandé le candidat à sa propre succession. Les syndicats des employés de la STM et de la Société de transport de Laval ont d’ailleurs indiqué qu’ils n’avaient pas l’intention d’appliquer la loi.
« Je ne vois pas comment on peut vraiment appliquer cette loi-là à Montréal », a répété le politicien.
Pour lui, l’intégration des nouveaux arrivants ne passe pas par un code vestimentaire, mais par un accès plus facile à l’emploi. En débat contre son adversaire Valérie Plante, jeudi soir, il a affirmé que si tous les immigrés qualifiés avaient accès à un travail, Montréal atteindrait le seuil du plein emploi.
Revenant sur sa rencontre avec Philippe Couillard, il a affirmé que celui-ci avait répondu à ses préoccupations en lui répétant « c’est quoi le but de cette loi-là ».
Plus tôt cette semaine, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée a indiqué que cette loi visait à s’assurer que les services publics soient donnés et reçus dans un contexte laïque. « L’obligation du visage découvert est pour la durée de la prestation de service, pas seulement pour la femme voilée, mais pensons aussi à ceux qui ont le visage couvert […] par des cagoules ou des verres fumés », avait-elle ajouté.
La loi québécoise a fait l’objet de nombreuses critiques du côté du Canada anglais. Les partis politiques ontariens ont dénoncé la loi, alors qu’un éditorial du quotidien torontois The Globe and Mail titrait « Avec la loi 62, Québec attaque la liberté religieuse ».
Hier, le premier ministre du Canada Justin Trudeau a critiqué la loi concernant la neutralité religieuse et n’a pas exclu qu’Ottawa puisse la contester légalement.
Si cela devait arriver, le maire Denis Coderre dit n’avoir aucun doute.
« La question de service rendu ne passera pas la Charte [des droits et libertés] », affirme-t-il fermement.
« Clairement, cette loi est inapplicable au milieu municipal. L’UMQ [Union des municipalités du Québec] avait d’ailleurs conseillé aux parlementaires de ne pas assujettir les municipalités au projet de loi sur la neutralité religieuse. Nos priorités d’action pour favoriser le vivre-ensemble sont totalement ailleurs. Ce que l’on souhaite, c’est de trouver des solutions pour une meilleure intégration des immigrants, une meilleure gestion de la diversité et une plus grande inclusion », a déclaré par communiqué Bernard Sévigny, président de l’UMQ et maire de Sherbrooke. L’UMQ précise que les employés municipaux dispensent une grande variété de services, du transport public aux camps de jour. « Les employés municipaux seront placés dans une position intenable pour faire appliquer cette loi », ajoute l’UMQ.