Les lieux du vice

Les salons de massage

Ce sont les nouveaux bordels. Ils ne font l’objet d’aucune surveillance policière. Ils sont considérés comme de simples établissements de « soins personnels » par la Ville de Montréal. Les clients peuvent même y obtenir un reçu pour assurances !

Résultat : c’est l’explosion. On compte au moins 260 salons de massage érotique à Montréal. La Ville délivre des permis comme s’il s’agissait de salons de coiffure. Et personne ne semble se soucier de ce qui se passe derrière leurs épais rideaux.

« N’importe qui peut improviser un salon de massage. Tout ce qu’il faut, c’est deux petites pièces, un matelas et une table. Comme il est très difficile de surveiller ce qui s’y passe, c’est un lieu propice à la traite des femmes migrantes », s’inquiète Sandrine Ricci, chercheuse féministe à l’Université du Québec à Montréal.

« C’est un constat », dit en soupirant l’inspectrice-chef Johanne Paquin, responsable du dossier prostitution au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). « Il y a plus de salons de massage qu’ailleurs. La réglementation municipale joue pour beaucoup. Il y a de l’énergie à mettre là-dessus. Il faut une volonté pour freiner ce développement. »

D’ici peu, le SPVM compte recommander aux élus municipaux de resserrer les règles d’attribution de permis aux salons de massage, a appris La Presse. « Quand on accorde un permis d’exploitation à un commerce, il faut être capable de contrôler ce qui se passe à l’intérieur, dit Mme Paquin. Ça prend des inspecteurs. »

La députée fédérale Maria Mourani a souvent plaidé la cause auprès des élus, sans succès. « Plusieurs grandes villes canadiennes ont réglementé ces pratiques, dit-elle. Jusqu’à présent, Montréal n’a rien fait. Les permis rapportent du pognon à la Ville. J’ai l’impression que les gens ne réalisent pas le problème. »

Depuis juillet, l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension tente d’enrayer le fléau en limitant l’ouverture de commerces de soins personnels sur son territoire. Une mauvaise idée, estime Sylvie Bédard, présidente de la Fédération québécoise des massothérapeutes. « De telles règles vont faire mal à notre profession. On retourne 25 ans en arrière ! »

Une meilleure solution serait de créer un ordre professionnel des massothérapeutes, qui encadrerait fermement le métier. « Force est de constater que l’autorégulation ne fait pas le travail, dit-elle. La création d’un ordre permettrait de séparer le bon grain de l’ivraie. »

Avant tout, le public doit prendre conscience du problème, dit Lynn Dion, du centre jeunesse Batshaw. « Si vous utilisez ces salons, pensez-y. Il y a une femme exploitée là-dedans. Ce ne sont pas les clients qui vont porter plainte. Pour la Ville, les permis sont payants, mais se soucie-t-on de ce qui s’y passe vraiment ? »

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