Élections Québec 2014 Opinions

Le temps

des cerises

Qu’il était noble et beau, le discours de défaite de notre première première ministre, après le spectacle improvisé et pathétique de ses trois aspirants au trône. « Nous ne devons pas oublier d’où nous venons, ni qui nous sommes. Nous sommes issus d’un peuple courageux, de cette histoire qui nous a façonnés. Nous devons continuer, perpétuer cette volonté de toutes ces générations qui se sont battues pour que nous puissions exister. Pas survivre, pas quémander, pas supplier. Exister pleinement. Et fièrement. »

La dame de béton a quitté la scène avec une émotion qui lui rendait toute sa grandeur. Après trente-cinq années de vie politique, quatorze ministères, un réseau de garderie qui ne l’oubliera pas de sitôt et un cri du cœur inquiet pour notre langue. Une sortie élégante, digne d’une chef d’État et de la sincérité de son engagement.

De son côté, le chef libéral savourait pleinement sa victoire en promettant un changement de ton à l’Assemblée nationale. Exit l’arrogance caractéristique de son prédécesseur. Celui qui a lancé la première salve de la campagne électorale avec sa « détestation » du PQ a promis de faire maison nette et de mettre l’intégrité au cœur de ses préoccupations. « Ce soir devant vous, je m’engage à diriger un gouvernement responsable, compétent, intègre et transparent. »

Au sujet de la souveraineté, il a même eu la délicatesse de dire, au cours des heures qui ont suivi, qu’« une idée ne meurt jamais ». Que de beaux et nobles sentiments pour le nouveau calife. On a beau ne pas vraiment y croire, on boit ces paroles jusqu’à la lie en espérant que cette fois, sera la bonne. Parce que la corruption. Parce que le cynisme qui a atteint le fond du baril. Parce que le vide sidéral hormis les belles idées enrobées de vertus qui émergent chaque jour un peu plus depuis les flancs gauche et droit…

En politique, les bons sentiments ne durent souvent que le temps d’un discours, c’est bien connu. Déjà hier, l’ex-leader parlementaire adjointe de l’opposition officielle, Lise Thériault, défaisait ce que son chef avait dit la veille en traitant de « 1970 » l’idée même de la souveraineté. Et vlan dans les dents pour plus du tiers de la population éparpillée aujourd’hui dans les ruines fumantes d’un projet en deuil. Et bonjour la main tendue, surtout !

Ce gouvernement, nous le savons, ne nous fera pas de cadeau. Au chapitre de la langue, son laxisme légendaire pourrait même nous mener à la catastrophe. Nous devrons être vigilants et, comme le disait si bien Françoise David aussitôt réélue, le surveiller de très près sur tous les plans.

En rejetant massivement le PQ lundi soir, les Québécois ont dit non au louvoiement, au double langage, aux agendas imprécis. Avec son discours franc et ouvert, Philippe Couillard pourrait même marquer le début d’une nouvelle ère, au même titre que son homologue municipal Denis Coderre semble en voie de le faire.

En attendant, délectons-nous. Car « Il est bien court le temps des cerises/Où l´on s´en va deux cueillir en rêvant/Cerises d’amour aux robes pareilles/Tombant sous la feuille en gouttes de sang ». Moi en tout cas, j’aimerai toujours le temps des cerises.

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