Chronique

Les dons de charité
de Philippe Couillard

Quand j’étais ado, mon job de camelot pour La Presse m’a fait découvrir une chose intéressante : les clients les plus pauvres me donnaient les meilleurs pourboires. Pas systématiquement, mais souvent.

Les familles avec une belle maison et une grosse voiture m’offraient 25 cents pour ma semaine de livraison et celles qui avaient un petit demi-bungalow allongeaient 50 cents, parfois plus.

J’ai commencé à faire ce boulot à l’âge de 13 ans – quand La Presse était encore distribuée en après-midi –, au retour de l’école. J’ai passé le flambeau à mon frère plus jeune à l’âge de 16 ans, non sans essayer de comprendre ce drôle de phénomène. Les pauvres jettent-ils leur argent par les fenêtres ou sont-ils plus sensibles envers leurs semblables, plus généreux envers les gens dans le besoin ? Les riches donnent-ils moins parce qu’ils connaissent mieux la valeur de l’argent ?

Cette leçon de vie m’est revenue à l’esprit en lisant le reportage de mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot, hier, sur les déclarations de revenus de Philippe Couillard et de Françoise David.

Le chef du Parti libéral a fait des dons de charité de seulement 155 $ en 2012, malgré ses revenus de 202 000 $ et des déductions fiscales de 29 000 $, notamment pour son REER. En comparaison, la dirigeante de Québec solidaire a donné 1442 $ à de bonnes œuvres, neuf fois plus que Philippe Couillard, malgré ses revenus trois fois moindres (65 000 $).

Comment expliquer ce si grand écart ? Est-il révélateur d’une certaine conception de la vie ?

Mes découvertes de camelot n’ont rien de scientifique, bien sûr. D’ailleurs, des candidats riches font aussi des dons généreux, même très généreux. Ce fut le cas, a-t-on constaté aux dernières élections municipales, du futur maire de Montréal Denis Coderre (1000 $) et des candidats Mélanie Joly (4050 $) et Marcel Côté (57 600 $ !).

Cette analyse des dons a aussi fait remonter en moi l’éternel débat sur la présumée moins grande générosité des Québécois, que les statistiques annuelles illustrent sur le sujet.

Justement, Statistique Canada publiait hier son enquête sur les dons de charité, au moment même où La Presse dévoilait les profils financiers de Philippe Couillard et de François David. Les chiffres de l’agence portent uniquement sur les dons de charité qui ont donné lieu à des reçus officiels pour les fins de l’impôt. Les chiffres les plus récents datent de 2012.

Ainsi, le don médian des Québécois s’est élevé à 130 $ en 2012, en hausse de 4,4 %, comparativement à 270 $ pour l’ensemble du Canada, en baisse de 1,9 %. Le don médian des Québécois est le plus faible des provinces. Les donateurs les plus généreux parmi les provinces se trouvent en Alberta (400 $), à l’Île-du-Prince-Édouard (400 $) et en Colombie-Britannique (390 $).

Diverses raisons sont invoquées pour expliquer les dons nettement moindres des Québécois. Il est question de la culture du don plus développée chez les anglo-saxons, du volume plus important de dons dans les pays plus libéraux ou plus inégalitaires, comme les États-Unis, du fait que les Québécois s’en remettent à l’État pour aider les laissés-pour-compte, qu’ils donnent moins parce qu’ils sont davantage imposés.

Bref, les explications sont nombreuses, mais le constat est clair : les Québécois donnent moins, à l’exemple de Philippe Couillard.

Autre surprise dans les déclarations de revenus des deux candidats : l’avoir net de Philippe Couillard, qui comprend la valeur nette de sa maison, n’est que de 506 600 $. Vous me direz que c’est tout de même un beau patrimoine, mais le montant apparaît modeste, compte tenu du revenu annuel de plus de 200 000 $ du neurochirurgien de 56 ans.

Certains invoquent les coûts de son divorce ou encore son fonds de retraite probablement important, qui n’a pas été divulgué.

De son côté, Françoise David dit s’être constitué un capital de quelque 220 000 $ (valeur nette de la maison et du chalet), et ses revenus de placement nous permettent d’estimer qu’elle a un patrimoine de quelque 90 000 $, pour un total d’environ 310 000 $.

Bref, bien des choses intéressantes dans ces déclarations de revenus.

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